Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Tlemcen : Le diabète, ça n'attend pas

par Khaled Boumediene

Les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé sur le diabète sont plus qu'alarmantes. Selon Benmansour Mustapha, professeur de Néphrologie (faculté de médecine et vice-président de la société de Néphrologie dialyse et transplantation), 247 millions de personnes, à travers le monde étaient atteintes de diabète en 2007, alors qu'en 2025, le nombre devrait avoisiner 380 millions de diabétiques. «Les estimations sont plus alarmantes pour les pays en voie de développement, à l'horizon 2025, le Mexique estime 18% de la population adulte être diabétique alors que la Chine et l'Inde compteraient 130 millions de diabétiques, pouvant rendre compte de 40% des dépenses du budget de santé publique, de la réduction de la productivité et du ralentissement de la croissance économique. C'est dans ce contexte, qu'en décembre 2006, l'Assemblée générale des Nations unies adoptait à l'unanimité, une résolution qui déclarait le diabète «enjeu mondial» de santé publique et identifiait une Journée mondiale du diabète, placée sous l'égide des Nations unies. Pour la première fois, les gouvernements ont reconnu qu'une maladie non infectieuse constituait une menace aussi sérieuse pour la santé mondiale que les maladies infectieuses comme le Sida, la tuberculose ou le paludisme. Le diabète est considéré désormais comme un fléau, particulièrement dans les pays émergents, plus vulnérables».

 Par ailleurs, le Pr. Benmansour Mustapha a souligné à la veille de la Journée mondiale du rein (le 11 mars prochain), que la maladie rénale chronique secondaire au diabète connaît une évolution épidémiologique parallèle, avec accroissement significatif des incidences médicales et socio-économiques, liées au développement de l'insuffisance rénale chronique terminale nécessitant la dialyse et de la mortalité cardio-vasculaire. «Le diabète est, aujourd'hui, la principale cause de l'insuffisance rénale, tant dans les pays développés que dans les pays émergents. Il représente, à travers le monde, le diagnostic primaire de 20 à 40 % des patients qui débutent le traitement par dialyse pour insuffisance rénale chronique terminale. A titre indicatif, le nombre de dialysés diabétiques a quintuplé en Australie (1993-2007) et a septuplé en une vingtaine d'années, au Japon. Ainsi, 30% du montant global de 1.100 milliards de dollars, alloué au budget des frais médicaux de dialyse sur une décennie, reviendrait à la prise en charge de la néphropathie diabétique».

 La Journée mondiale du rein 2010, placée sous les auspices de la Fédération internationale des fondations du rein et de la Fédération internationale du diabète, fournit une autre opportunité, ajoute, Pr. Benmansour Mustapha, pour souligner l'importance épidémiologique de la maladie rénale diabétique, l'insuffisance de sa prise de conscience, tant au niveau public que gouvernemental et la nécessité de prendre en charge par la prévention, le dépistage et le traitement des complications. «La prévention primaire du diabète de type II ou diabète de l'adulte passe par des bouleversements du mode de vie des pays développés ou en voie de développement, appuyés par un engagement ferme des gouvernants à promouvoir ces transformations sociétales. Agir sur la maladie rénale diabétique doit comprendre en premier lieu les campagnes de santé publique visant à prévenir le développement du diabète de type II. En second lieu, une stratégie efficace visant à déceler précocement la maladie rénale diabétique par le dépistage, recherche d'albumine dans les urines et estimation de la fonction rénale, identifierait les patients à risque et permettrait d'entreprendre les actions de prévention secondaire. Cette action se heurte à une difficulté supplémentaire, celle de l'absence remarquable de sensibilisation des patients, mise en évidence à partir d'enquêtes de populations. Ces enquêtes ont révélé que moins de 10 % de la population générale étaient en mesure d'identifier le diabète comme facteur de risque de maladie rénale et que très peu de patients porteurs de la maladie rénale étaient conscients de leur état.

 Ainsi, la troisième étape consiste à améliorer sensiblement l'éducation sanitaire des patients insuffisants rénaux en leur faisant non seulement prendre conscience de leur maladie, mais aussi en les faisant participer activement aux objectifs du traitement, contrôle adéquat du diabète et de l'hypertension artérielle, etc?». Le dépistage des populations ou des groupes à risque a peu d'intérêt, ajoutera-t-il, s'il n'est pas complété par un traitement bien conduit et un contrôle régulier car il existe suffisamment de preuve sur l'efficacité de l'intervention thérapeutique précoce chez les patients présentant une maladie rénale diabétique, en temps de retard d'apparition des complications et d'amélioration des résultats globaux. Ainsi, il a été clairement établi que le contrôle strict du glucose sanguin, de la tension artérielle, des lipides, et de la fuite urinaire d'albumine a significativement réduit la fréquence et la vitesse de progression de la maladie rénale diabétique.

 Selon le docteur, la quatrième étape dans la lutte contre la maladie consiste donc à assurer une thérapeutique appropriée aux objectifs médicaux à atteindre (équilibre glycémique, tensionnel, etc?) les thérapies du futur en cours d'essai visant à réduire la destruction du tissu rénal, devraient représenter l'ultime étape. «En résumé, les actions à mener sont claires, elles visent à prévenir le diabète de type II, à dépister précocement la maladie rénale diabétique, à accroître la sensibilisation des patients, à utiliser des médicaments à efficacité prouvée et à évaluer, dans le futur, de nouvelles thérapies. Le défi ultime est d'obtenir une qualité plus élevée dans l'action des soins de santé primaire, malgré la diversité des situations économiques et des priorités. L'enjeu est certes mondial mais il nécessite des actions au niveau national d'autant que le gouvernement doit identifier la néphrologie diabétique comme une priorité de santé. Il est donc temps d'agir, et d'agir vite. Il est temps de conduire des stratégies propres à prévenir le diabète et ses séquelles. Il est temps pour les autorités de santé, d'adopter des lois permettant de contrôler la pandémie diabétique d'autant que la néphropathie diabétique, à l'instar des maladies infectieuses qui demeurent des priorités de santé publique, est évitable». Le 11 mars 2010 est, à cet effet, une réelle opportunité pour s'engager durablement à agir sur la maladie rénale diabétique.