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Le temps et la conscience, un couple indissociable dans la marche de l'histoire

par Medjdoub Hamed*

La question se pose à nous tous : «Où va le monde ?» Notre temps ne ressemble en rien aux temps passés, surtout, il est complexe, incompréhensible, difficile à définir, difficile de savoir où il va ? Comment se fait-il que le monde s'est transformé lentement au fil des siècles passés ? Et, depuis le XXe siècle, il va tellement vite qu'il faut, au fil des décennies, des années, s'interroger sur le sens à donner à ce formidable développement du monde ?

La science a fait des bons considérables. Si on regarde, par exemple, le Moyen-Âge où l'humanité comptait moins de 400 millions d'êtres hu mains, la population mondiale, aujourd'hui, compte huit milliards d'êtres humains, en ce mardi 15 novembre 2022. Et des progrès formidables pour que l'institution des Nations Unis soit parvenue à calculer, à un jour donné, le nombre d'humains vivant sur la Terre qui a été multiplié par 20 ; certes, des calculs approchés mais non moins vrais. Et l'humanité devrait atteindre 10 milliards d'êtres humains à l'horizon 2050. Le journal Le Parisien écrit : «Les émissions de CO2 explosent, les famines ne cessent pas, les guerres aussi, la planète-Terre va-t-elle résister à une telle surpopulation ? L'humanité n'échappera pas à un surcroît de 2 milliards d'habitants d'ici 30 ans. Mais il est possible d'agir, en revanche, sur les modes de vie, et ceci sans attendre», note le démographe Gilles Pison.

Certaines choses sont immuables : que l'on soit né dans les années 1970 ou au XXIe siècle, nos livres de géographie nous ont enseigné que la Terre faisait 510 millions de km2. Mais il y a une donnée qui varie en permanence : toutes les secondes, on compte deux humains de plus à la surface du globe. Ce mardi 15 novembre, l'humanité passera à ce rythme un cap important, selon les calculs des Nations Unies : le seuil des huit milliards d'habitants sur la planète.» (1)

Que peut-on dire ? Pourtant, c'est la même Terre, les mêmes hommes qui se succèdent de génération en génération, tout en se développant en modes de vie toujours neufs et qualitativement et quantitativement. La seule variable qui a fait que l'humanité a grandi et s'est développé a été le facteur temps ; et le facteur temps est toujours là à transformer l'humanité. Et ce temps peut-il être le Temps ? Le Temps varie-t-il ? Ou est-il simplement une illusion de notre pensée qui nous fait croire que le Temps avance, alors qu'en réalité le Temps n'existe pas ou s'il existe nous ne savons pas ce qu'il est réellement dans son essence.

Cependant, le temps est commode pour nous qu'il varie puisqu'il nous situe ce que l'on est, ce que l'on a été, il y a 10 ans, 1 an, 1 semaine, ce que l'on est aujourd'hui et ce qu'on sera ce soir, demain ou dans dix ans, ou que l'on ne sera plus, ou même que nous n'avons jamais été. Nous avons certes existé mais nous ne l'avons pas fait par nous-mêmes ; on nous a fait exister pour être et puis pour passer. Étrange que la destinée de l'être humain d'être et ensuite de ne plus être, de croire d'être et tout lui donne à loisir de croire qu'il se gouverne alors qu'il est «gouverné» sans même qu'il prenne conscience qu'en fait qu'il n'est rien, rien, rien, il vient de rien. Et c'est là le prodige d'être rien et tout comme l'a si bien énoncé le célèbre philosophe français Blaise Pascal «l'Homme est un milieu entre rien et tout». De même, l'espace varie-t-il ? Avance-t-il ? Rétrécit-il ? Albert Einstein avec ses équations liant le Temps, la Masse, l'Espace et la vitesse de la lumière est arrivé à démontrer avec le rapport d'un infiniment epsilon déduit de ceux-ci que le temps comme l'espace s'étire ou se contracte, de même la Masse d'un corps n'est plus constante, seule la vitesse de la lumière est constante. N'est-ce pas là un prodige de la pensée «qui fait dire ce qu'elle veut à l'être humain.» Et l'être humain croit à sa pensée qu'elle soit juste ou fausse, elle reste sa pensée.

Qu'un être humain, qui est un microsome dans l'univers, en l'occurrence Albert Einstein, démontre avec des équations que l'Espace et donc les galaxies et les multitudes de soleil dans l'univers s'étirent ou se contractent, et donc la Masse de cet univers se contracte ou s'étire et idem pour le Temps ; ce qui revient à dire que la Terre lancé à une vitesse proche de la lumière pourrait grandir ou diminuer en masse et volume. Il en va de même pour les êtres humains propulsés dans l'espace. Par exemple, en 2022, lancés à une vitesse proche de la lumière dans l'espace intersidéral, des humains qui n'y resteront que quelques années, lorsqu'ils reviendront sur terre, trouveront le monde radicalement changé. Par la vitesse proche de la lumière, et la contraction du temps que ces êtres ont vécu dans l'espace, ils s'apercevront que le calendrier sur terre marque l'année 3015, alors qu'ils ne sont restés dans l'espace que quelques années. Et10 siècles sont passés sur un référent-vitesse et seulement quelques années sur un autre référent-vitesse, le tout en même temps ; signifiant que ces êtres ont vécu dans l'espace à la vitesse V donnée proche de la lumièreseulement quelques années, alors que sure terre, se sont écoulés 10 siècles, la vitesse orbitale de la Terre autour du soleil étant d'environ 108 000 km/h (environ 30 km/s loin des 300 000 km/s de la lumière).

Est-ce possible ? Avec la pensée tout est possible. Ne dit-on pas «Mettre Paris en bouteille.», et cette expression qui sert à dénoncer des spéculations sans fondement ; sur le plan scientifique à l'échelle de l'atome, en réalité, cette expression est possible. En effet, on énonce que si on supprimait tous les espaces des électrons en orbite circulaire (ou même elliptique, peu importe) autour du noyau de chaque atome de la matière terrestre, on pourrait mettre la Terre dans une boîte d'allumettes.

Et comment est arrivé cette conception du monde ? N'est-ce pas par le prodige de la Pensée qui a fait penser ce qu'a voulu la Pensée dans la pensée du savant Albert Einstein. Peut-être qu'il est plus juste de dire que l'espace est fini, même s'il est immensément infini. Un paradoxe entre le fini et l'infini de l'esprit humain, puisque tout vient de cet esprit-pensée que nous ne connaissons pas. Et précisément ce qu'a énoncé la pensée d'Albert Einstein est métaphysique, elle relève d'un autre ordre que l'être humain ne fait qu'effleurer.

Dans une sourate 2 (Baqara), verset 259, on relève le phénomène du temps «pensé» par l'humain, mais autrement vu par le Coran : «Et celui qui passa auprès d'une cité ? Celle-ci était vide et effondrée. Il dit : «Comment Dieu la fera-t-il revivre après sa mort ? Dieu le fit mourir cent ans ; II le ressuscita ensuite, puis lui dit : « Combien de temps es-tu resté là ?» Il répondit : «j'y suis resté un jour, ou une partie d'un jour». Dieu dit : «Non, tu y es resté cent ans. Regarde ta nourriture et ta boisson: elles ne sont pas gâtées. Regarde ton âne ;Voilà comment Nous les réuniront, puis Nous les revêtirons de chair. » Devant cette évidence, l'homme dit: « Je sais que Dieu est puissant sur toute chose.»»

Dans cette sourate coranique, le message confirme, dans un certain sens, l'approche de la pensée d'Einstein sur le temps humain qui est une donnée essentiellement humaine dont la visée est de lui assurer son existence dans la vie terrestre ; le temps est en quelque sorte un repère pour l'homme d'être, d'exister ; sans le temps, l'homme perdra tous sens d'existence ; il ne pourra pas exister. Mais, dans l'absolu, le temps n'est pas le temps humain, comme énoncé dans le Coran.

D'autre part, le Temps n'est pas seulement ressenti dans l'«âme ou l'esprit de l'Homme», et surtout que sans le temps, il n'y aurait pas d'existence. C'est quoi être sans le temps ? Le Temps englobe la Terre, les Hommes et l'Espace sidéral. Sans le Temps, «l'Homme ne peut se savoir». Le Temps est son seul repère dans l'Existence, dans l'Histoire.

Précisément, rien n'est laissé au hasard, le Concepteur, le Créateur du monde a tout fait pour que l'homme se sente existant. Le système terrestre est harmonieusement construit ; la Terre tourne autour d'elle en 24 heures, donc le jour et la nuit se succèdent quotidiennement, et l'être humain généralement travaille le jour et se repose la nuit. La Terre tourne autour du soleil, en 365 jours et 6 heures (plus précisément en 365 jours 5 heures, 48 minutes et 45 secondes donnant, 365, 242190448 jours) ; tous les quatre ans, le mois de février compte 29 jours. Ce sont les années bissextiles, l'année 2020 a compté 366 jours, et février a compté 29 jours, 2021, 2022, 2023 compteront 365 jours, et février 28 jours, 2024 comptera 366 jours et février 29 jours.

Mais tout cet agencement est donné par le Créateur, le Penseur du monde ; il a permis à l'homme non seulement de ressentir le temps mais de compter aussi le temps. Dans la sourate 6 du Coran (Les Troupeaux), verset 96, on lit : «Il (Dieu) fend le ciel et l'aube. Il a fait de la nuit un repos, du soleil et de la Lune, une mesure du temps. - Voilà le décret du Puissant, de Celui qui sait !»

Cependant, si l'Espace lui est donné et il le voit dans son immensité, le Temps, il ne le voit pas, il le sent seulement. L'Homme, peut-il sentir le temps s'écouler ? Non comme le sentir dans le sens qu'il le sent s'égrener, nous emporter, par exemple, nous sommes assis, nous marchons, nous discutons, nous travaillons, nous n'y pensons pas au temps, mais entre-temps, le temps s'écoule, mais le temps n'est pas tout cela, il doit être senti aussi dans son «essence». Le temps est ; il est notre histoire ; il est notre existence. Par ce qu'il est, ce qu'il renferme de surprises, de bonnes ou de mauvaises nouvelles, il est non seulement le témoin des infimes instants que l'on a passé, mais aussi le Tempsde notre existence.

Pouvons-nous comprendre le sens de notre existence, et donc du Temps ? Ou plus encore, le «Temps du Temps», même le Temps a une Âme, une Essence, et de la même façon notre Histoire a une âme», s'il en est ainsi, on peut comprendre «l'Histoire de notre Histoire», dans le sens de dépasser ce que Hegel et nombre de philosophes, dénomment la philosophie de l'Histoire. Notre temps n'est pas le temps des Anciens, il s'est passé beaucoup d'histoires dans l'Histoire. L'humanité a beaucoup avancé dans le Temps. Aujourd'hui, avec le recul, on peut survoler cet écoulement du temps qui a commencé depuis des millénaires, ou plutôt des millions d'années qui ne sont qu'un Instant ou quelques instants que la mémoire aujourd'hui remémore en l'homme par la pensée, en un seul instant. Le Moyen-Âge qui a été particulièrement difficile dans la formation de l'humanité a été non moins nécessaire. Ce temps a été un peu un stade intermédiaire entre le monde antique et le monde d'aujourd'hui ; une époque souvent ravagée par la famine, les maladies, les épidémies à grande échelle, décimant hameaux, villages et villes. Et pourquoi la «Mort noire», entre 1300 et 1400, décima un tiers de l'Europe, transformant des territoires entiers en mouroirs ?

Des historiens occidentaux avancent qu'elle a été ramenée par les Croisés, à l'époque, venant du Proche-Orient ou d'Afrique du Nord. Mais, qui peut, à l'époque, le certifier ? Et même si c'était vrai, «Pourquoi y sont-ils allés les Croisés ?» Pour les Croisades en Terre sainte ? Dès lors, cela est difficile à dire, il ne faut pas avoir peur des mots et de leur sens dialectique. Et si c'est une rétribution de l'Esprit ? Voilà ce qu'a coûté à l'Europe plus de huit croisades recensées sur les terres d'Islam. Que les peuples d'Islam n'ont pas demandé à venir. Et si tout se paie sur terre ? Ce qu'on croit le chaos, du moins pour l'humain, n'est en réalité qu'un ordre de l'Esprit tant pour les Croisés que pour les peuples musulmans. Et toute sanction n'est que le fait de la Providence ? L'Histoire de l'homme recèle une infinité de cas où la Providence se substitue à l'Homme quand celui-ci ne peut réparer le préjudice fait par l'homme à l'homme. Et là c'est un «principe relevant de l'essentialité de l'existence», qui signifie que les Croisés devaient y aller et que la «maladie noire» entrait comme «nécessité» et «devait éclater pour mettre un arrêt à ces raids chrétiens en terre d'islam». Et surtout si c'est chèrement payé en réponse à ce qu'elle a décimé en vies humaines. Quand on pense aux malheurs qu'ont apporté les croisades.

Le problème n'est pas qu'il y a eu un tribut à payer ou qu'il y ait eu des croisades, c'est pourquoi il y a eu les croisades ? C'est là ce que l'on doit s'interroger. Et là, on peut avancer toutes sortes d'explications, comme l'appel d'Urbain II ou autres, comme les crises démographique, économique, politique à l'époque. Il demeure cependant que le Temps-providence a pour ainsi ordonné ces événements. Donc ces croisades ont été une Nécessité de l'Histoire, comme ce qui a prévalu, ensuite en Europe, pour mettre fin aux croisades. Hegel dira qu'il y a un Esprit dans l'Histoire. L'auteur de ces lignes dit encore, il faut déchiffrer, comprendre le message de cet Esprit, de cette Nature du Temps de l'Histoire.

L'homme n'est pas seulement un témoin de l'Esprit dans le Temps de l'Histoire, il est aussi un acteur de l'Esprit qui peut comprendre le message de la Providence.Au Moyen-Âge, les conditions d'existence des peuples, que ce soit en Europe, en Afrique, ou dans les autres contrées du monde, étaient très dures. Les hommes et peuples n'avaient presque pas le statut d'êtres humains, ils étaient confinés dans des Etats-royaumes, pour la plupart, dans la condition de serfs, de vilains. L'idéologie, le capitalisme, le socialisme, le communisme, la démocratie, et autres doctrines étaient des notions absolument étrangères aux êtres de ces temps. Seul des initiés des Anciens Grecs sur la démocratie et encore un mot vide de sens au sein des peuples en coupe réglée dans le servage par les rois et seigneurs de l'époque. Un statut proche de l'esclavage. Les domaines des seigneurs étaient vendus avec leurs paysans-serfs qui vivaient dans le dénuement et la soumission complète.

Le monde était brut et ignorant, les centres de lumières rares. Le monde médiéval était pratiquement le même partout en Europe et hors d'Europe. Sauf que, malgré le servage, et les religions monopolisées et politisées, cette période était un stade de pacification nécessaire dans l'évolution de l'histoire des peuples. Que peut-on dire aujourd'hui sur le temps, l'espace et l'histoire ? Que nous, nous sommes par nos consciences, qui ont été travaillées au fil des siècles. Nous sommes notre conscience, mais qu'est-ce que «notre con-science» ? Et pourquoi l'appelle-on notre «conscience» ? Accolé à deux termes un préfixe «con» et un substantif «science». Par le préfixe «con», on entend «avec», et par «science» tout ce qui a été connu avant (hier) englobant à ce qui est connu aujourd'hui et à connaître demain.

La conscience donc est ce par quoi l'être humain est uni, c'est elle qui fait l'«identité» de l'être, l'«humanité» de l'être, un être pensant, héritant d'un passé, présent et à venir. Dans le Nous «ek-sistons» heideggerien, par cette substantialité qu'appelle Heidegger «Dasein» par laquelle nous ne faisons rien pour qu'elle soit mais fait que nous soyons, forcément cette substantialité, cette con-science ne relève pas de nous mais d'une Puissance extérieure à nous, et donc Dieu qui met en jeu cet Etant. Et il n'a pas sibien dit «Heidegger» qui a compris ce que nous ne comprenons peu voire pas du tout.

Le temps et la conscience sont un couple indissociable dans la marche de l'histoire. C'est par eux que nous y baignons et par lesquels nous signifions que nous sommes nous mais en même temps un nous qui s'impose à nous. En réalité, ils existent pour eux-mêmes mais aussi pour nous-mêmes parce qu'ils nous permettent d'être dans l'«ek-sisté». Nous sommes cette humanité pensée par elle-même et pour elle-même ; les êtres humains ne sont pour rien dans la marche de l'histoire, mais le paradoxe est qu'ils sont malgré tout,quoi qu'il arrive, l'auteur de leur histoire, responsable de leur histoire.

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, relations internationales et Prospective

Note :

1. Huit milliards de Terriens...

Est-ce humainement vivable ?

Le journal le Parisien. Le 15 novembre 2022

https://www.leparisien.fr/environnement/huit-milliards-de-terriens-est-ce-humainement-vivable-15-11-2022