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Le français n'est plus un butin de guerre

par El-Houari Dilmi

L'Algérie est-elle en train de se débarrasser de la langue française ? Pourtant, le débat passionné et passionnel ne date pas d'hier. Plusieurs institutions officielles ont décidé de l'utilisation exclusive de la langue arabe dans leur documentation officielle. Si la classe politique, aphone, se tient à l'écart du débat, les Algériens, divisés sur la question, commentent abondamment la place de la langue arabe et des langues étrangères dans la vie institutionnelle et publique. Tirée vers le terrain politique, d'aucuns estiment « qu'à chaque fois qu'il y a une crise avec Paris, Alger sort la menace de ne plus utiliser le français dans l'administration». Alors le français « n'est plus un butin de guerre rentable », décrète Saïd, un internaute qui semble bien maîtriser son sujet. «Ce n'est pas à l'Algérie de prendre soin de la langue française; ce n'est pas non plus la faute de l'Algérie si la langue de Molière, de Voltaire, de François 1er, de Napoléon, d'Anatole France devient de plus en plus une langue morte», écrit-il sans détours. Il est vrai que parler le français n'est pas une marque d'intelligence, ni d'appartenance au « monde civilisé ». Jusqu'où peut aller cette «défrancisation» de l'Algérie ? La décision de remplacer le français par l'anglais dans l'enseignement supérieur, et l'introduction de la langue de Shakespeare dès le primaire, ne sont pas un ballon-sonde mais une volonté politique réelle dans la nouvelle configuration des relations algéro-françaises, toujours impactées par un lourd contentieux mémoriel. D'aucuns ont même convoqué l'histoire pour rappeler qu'à l'aube de l'indépendance, feu Ahmed Ben Bella, avait décidé d'appliquer l'arabisation, en faisant appel à des enseignants de différents pays arabes. Boumediene dira, lui, dans un célèbre discours: «On en reparlera quand la langue arabe ne sera plus seulement la langue des romans à l'eau de rose, mais celle des sciences, de l'acier et du fer». N'empêche que l'apprentissage d'une nouvelle langue est toujours une fenêtre ouverte ajoutée à sa maison, et qui permet aux rayons du soleil de mieux l'éclairer, dit-on.