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LEGENDES URBAINES (I)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Ali la Pointe. Au cœur de la «Bataille d'Alger». Récit de Abdelfatah El Haouari (En collaboration avec Abdenour Dzanouni). Aca, Alger 2020 - 223 pages. 750 dinars.



«La soi-disant bataille d'Alger a duré 9 mois et 25 jours. Avec la fin d'Ali la Pointe, une des plus glorieuses pages de la lutte armée est tournée. Le Fln a perdu une bataille. Il n'a pas perdu la guerre».

Ali la Pointe, un nom de légende, symbolisant la révolte, la détermination et un engagement révolutionnaire sans faille... jusqu'au sacrifice de sa vie. Un nom et un symbole qui sont d'ailleurs repris à l'unisson par les jeunes du Hirak.

Et pourtant, notre héros avait mal commencé sa vie.

Ammar Ali de son vrai nom est né le 4 mai 1930 à Miliana et, dès son jeune âge, il est livré à lui-même. La pauvreté, la misère, pas d'école... et il faut se bagarrer sans cesse pour vivre. Tout de suite une réputation d'enfant turbulent et les coups ont durci son cœur. A treize ans, durant quelques mois, il connaît la cellule... et la haine.

Réfugié à Alger (Pointe Pescade) avec sa mère et ses frères et sœurs, à partir de 1945, il est rapidement en admiration pour les gangsters de l'époque qui règnent sur la capitale... Des noms qui font «rêver» : les frères Hammiche, les «rois de la Casbah», les frères Bellatrèche, Hassen El Annabi, Bud Abbott, les Frères Hoya... Pour les Européens rien que «des Arabes qui s'entretuent !».

Ali apprend la maçonnerie et fait de la boxe à Bab El Oued. Il apprend à recevoir et, surtout, à donner des coups, d'autant qu'il a un très bon crochet... A vingt deux ans, il a déjà une arme... ce qui était courant à l'époque.

C'est lors d'un séjour à «Barberousse» qu'il voit arriver, fin 1954, les premiers prisonniers politiques : «Qu'est-ce qu'ils ont fait» demande-t-il ? «Ils veulent l'indépendance !» lui répond-on. Les nouveaux prisonniers sont, pour certains, des habitués de la Casbah et il n'hésite pas à les côtoyer en leur demandant la raison de leur incarcération...

Début 55, il est transféré à la prison de Damiette. Il s'en évade le 22 avril 55 et arrive à regagner Alger. De cache en cache durant six mois... et, enfin, son recrutement... par Yacef Saadi (alors remarqué par Rabah Bitat responsable de l'Algérois après l'arrestation de Zoubir Bouadjadj), responsable Fln à la Casbah.

Premier attentat contre un policier : l'arme était «déchargée»... de plus, emporté par son «indiscipline», il n'avait pas respecté les «instructions»... Un échec ? non, puisqu'il sera «recruté» et intégré dans le groupe d'Ahmed El Ghrab.

La suite appartient à l'Histoire de la Révolution armée algérienne, avec ses succès et ses échecs, ses joies et ses tragédies, ses engagements et ses trahisons, ses héros et héroïnes et ses traîtres... Et, en fin de parcours, des sacrifices suprêmes... pour la victoire finale.

Le 7 octobre 1957, sur la base de trahisons (dont celle de «Safi» Ghandriche) , et après l'arrestation de Yacef Saadi et de Zohra Drif, Ammar Ali , dit Ali la Pointe, décède, 5 rue des Abderames (Casbah d'Alger) en compagnie de Hassiba Benbouali, Omar Yacef dit P'tit Omar (13 ans à peine) et Mahmoud Bouhamidi. Les paras de l'armée coloniale avaient fait «exploser» la maison - refuge, mais aussi presque toute une bonne partie du quartier. Des dizaines de morts... des femmes, des enfants, des vieillards... Les «you-you s'élèveront de toutes les maisons de la Casbah.

L'auteur : Né à El Asnam (1938). Rejoint l'Aln. Arrêté alors qu'il avait à peine 19 ans. Rencontre avec un membre du commando Ali Khodja qui lui a conté les faits d'armes de la fameuse unité... Des premiers éléments qui ont servi à son enquête sur la «Bataille d'Alger».

Extraits : «En réalité, il n'y a eu aucune bataille... La bataille d'Alger a été un massacre de la population algéroise... 24 000 Algérois arrêtés et disparition de 4.000 prisonniers»(pp 13-14)

Avis : Comme un roman ! Tout, tout ou presque tout sur la «Bataille d'Alger».

Citations : «Les hommes braves ont toujours le cœur tendre et un sens très aigu de l'humain» (p 134). «La dignité d'un homme piétiné devant sa famille et ses voisins, ne se répare pas autrement que par l'appel du sang» (p 145). «C'est la civilisation qui arrivait - en 1842 - à Alger sous la forme d'une guillotine» (Victor Hugo cité, p 180).



Djamila Boupacha, l'inoubliable héroïne de la Guerre d'Algérie. Portrait par Khalfa Mameri. Thala Editions, Alger 2013. 80 pages, 130 dinars (déjà publiée en 2013).



De toutes nos Djamilate guerrières, c'est peut-être celle qui a connu le plus de «couverture médiatique». Il est vrai que l'action projetée (un attentat à la bombe ; un obus piégé qui, découvert, fut désamorcé) devait se dérouler en plein centre d'Alger, au cœur de la cité européenne d'alors, à la Brasserie des Facultés, rue Michelet (aujourd'hui Didouche Mourad), juste en face de l'entrée de l'Université centrale, le 27 septembre 1959. Il est vrai, aussi, qu'après avoir arrêté, en septembre 1957, Yacef Saadi et Zohra Drif puis assassiné, le 10 octobre 1957, Ali la Pointe et Hassiba Ben Bouali, entre autres, l'armée d'occupation avait cru en avoir fini avec la résistance algéroise.

Il est vrai, aussi, que la lutte de libération nationale commençait à recueillir des échos de plus en plus favorables à l'étranger et même en France, tout particulièrement, surtout lorsque l'opinion publique internationale avait su que la torture, cette gangrène, était érigée, en règle générale, dans leur quête d'informations sécuritaires, par les militaires français contre les prisonniers et les citoyens algériens, contre tout ce qui leur tombait sous la main : hommes, femmes, enfants, jeunes, vieillards, sportifs, grabataires, combattants, soutiens,...

A partir de 17 ans, Djamila Boupacha avait déjà rejoint la lutte armée (vers avril-mai 1955). Agent de liaison, accompagnatrice de maquisards en civil entre Alger, Oued Romane et Blida, aide-soignante (formée par Nafissa Laliam), par la suite recrutée à l'hôpital de Beni Messous, donc grosse pourvoyeuse de médicaments...

Arrêtée dans la nuit du 10 au 11 février 1960, dans la maison familiale à Dely Ibrahim, torturée (comme ses parents d'ailleurs), «elle ira jusqu'au bout de la souffrance humaine»... et ce jusqu'à fin mars 1960, lorsque l'avocate Gisèle Halimi du barreau de Paris s'empare de l'affaire faisant face à une grande hostilité (surtout des militaires, des magistrats du tribunal militaire et du monde judiciaire pied-noir).

La suite est une autre histoire menée surtout par l'avocate, avec l'aide d'intellectuels, juristes et des universitaires de renom dont Simone de Beauvoir, la célèbre compagne de Sartre. Elle présida un comité «Pour Djamila Boupacha» et publia une «tribune» retentissante en raison des révélations sur «les crimes commis au nom du pays», la France (effet «immédiat et mondial») dans le quotidien Le Monde, le 3 juin 1960.

Djamila sera immortalisée par Pablo Picasso dans un portrait signé le 8 décembre 1961. Une façon pour ce peintre de génie (qui avait signé Guernica) de montrer sa compréhension et de démontrer sa solidarité à la combattante mais aussi indirectement son soutien à la cause algérienne. A toutes les «Djamilate» du pays.

Qu'elles étaient courageuses ! Qu'elles étaient fortes ! Qu'elles étaient belles !

Avis : Ouvrage faisant partie d'une collection «Ecoliers d'Algérie» lancée en 1998. Louable initiative pour faire connaître notre Histoire et nos héros. Malheureusement, il est émaillé de trop de «coquilles» et, surtout, il va au-delà du descriptif pour se lancer, parfois, dans des jugements sinon subjectifs du moins très tranchants, n'ayant pas leur place dans un tel ouvrage destiné... à des enfants.

Extrait : «Il n'a jamais été possible de séparer les problèmes de l'Algérie indépendante des idéaux de la Révolution qui se résument dans la démocratie et la justice sociale pour tous» (p 57).