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Vous avez dit «radical» ?

par K. Selim

Les attaques contre la démarche du FFS venant des rangs des membres de la CNLTD étaient prévisibles, mais la tonalité, parfois insultante, avec laquelle elles s'expriment est déplacée. Que des partis qui étaient il y a encore quelques mois de cela au gouvernement ne partagent pas la démarche du FFS, est tout à fait compréhensible. Qu'ils oublient leur histoire récente pour lui donner des «leçons d'opposition» relève de l'incongru.

Le FFS a choisi de ne pas répondre aux attaques auxquelles il s'attendait probablement, la tâche qu'il entreprend étant ardue, presque impossible, et nécessite beaucoup de patience. Ce parti qui n'a jamais fait partie du gouvernement depuis sa création gagnerait cependant à communiquer plus clairement sur de fausses informations que ses contradicteurs présentent comme une évidence et une vérité.

L'une de ces fausses informations est que le FFS compte participer au gouvernement et elle vient, une fois de plus, d'être présentée comme allant de soi par un membre de la CNLTD. Or, le FFS a déjà tranché : une participation à un gouvernement n'est envisageable que dans le cadre d'un système démocratique. On en est bien loin. Mais dans le jeu des propos politiciens et du réflexe pavlovien anti-FFS, très enraciné dans les journaux, il vaut mieux communiquer avec des phrases simples comme : «le FFS ne négocie pas une place au gouvernement, il ne cherche pas des postes ministériels».

Il faut enlever cette fausse information du débat même si on peut penser qu'être dans l'opposition depuis 1963 et n'avoir jamais fait partie du gouvernement dispense d'avoir à le faire. La démarche du FFS est si ambitieuse qu'elle mérite de faire l'effort de répondre aussi aux accusations mesquines de chercher quelques postes ministériels. Cela permettrait de focaliser sur la question de fond : comment changer de système ou de régime ? Les membres de la CNLTD, avec ses opposants anciens ou de fraîche date, partagent avec le FFS que le système en place a abouti à une impasse. Constat devenu d'ailleurs une banalité que même des hommes du régime admettent en aparté.

Comment changer ? Il n'existe pas mille possibilités. Il y a l'option radicale qui consiste à imposer ce changement au pouvoir voire de renverser ce dernier. Cela suppose que l'on a la capacité de mobiliser la population pour engager le bras de fer. Objectivement, aucune force ne peut prétendre, aujourd'hui, être en mesure d'engager une mobilisation forte de la population. Le «radicalisme» du discours de certains responsables de la CNLTD est d'ailleurs immédiatement atténué par un discours «responsable» selon lequel on ne prendra pas le risque d'appeler à la confrontation. Retour donc à la case départ : discours radical, oui, mais pas d'action radicale. Comme si l'on attendait un «miracle politique» où subitement le régime accepterait l'application des dispositions de l'article 88 sur l'empêchement.

Pas de quoi gêner le pouvoir qui permet depuis des années de dire presque tout ce que l'on veut du moment que les instruments du changement, y compris l'option de la rue, sont neutralisés. Il est difficile de ce fait de comprendre pourquoi on attaque le FFS parce qu'il estime, pour des raisons complexes liées aussi bien à l'état du champ politique national sur fond de blocage du système qu'au contexte régional, que l'option de rue n'est ni possible ni même souhaitable. Il en a tiré la conclusion, cohérente, qu'il faut discuter et dialoguer pour essayer de réaliser un changement de manière consensuelle.

On peut penser, et cela n'a rien d'une insulte, que le FFS court derrière une illusion, mais est-ce une raison de lui reprocher avec virulence d'essayer de creuser une brèche dans l'impasse ? Comme si sa tentative de faire quelque chose, après des décennies d'opposition démocratique «pure et dure», était si gênante au point de devenir un motif supplémentaire pour d'autres de publier des communiqués «radicaux» et... de ne rien faire.