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Un parti pour le frère en attendant...

par Aissa Hirèche

L'information a été balancée cette semaine. Et aussitôt reprise, ici et là, par les médias et les observateurs d'une scène politique nationale qui, contrairement à ce qui se fait un peu partout ailleurs, fait de son incroyable perte de visibilité une fierté, on s'en doute, aussi déplacée que choquante. Il semblerait donc que le frère de l'actuel président serait en train de préparer son ère, ou, comme l'ont déjà dit certains, en train de préparer la prolongation d'une même ère avec des visages nouveaux, bien que, dans certains cas, même les prétendus nouveaux visages ne le sont pas vraiment. Il ne sert à rien de sauter. Et il est tout à fait inutile de jouer la surprise et l'étonnement. Laissons donc de côté les émotions et raisonnons un peu sur ce qui pourrait être dorénavant l'événement majeur pour une Algérie encore étourdie pour avoir été brutalisée, violentée et continuellement agressée depuis plus de vingt ans.



Information, bobard ou ballon ?



On ne sait pas encore s'il s'agit d'une information à prendre au sérieux, si ce n'est qu'un bobard dont il faut se détourner et continuer son chemin sur nos routes impraticables ou s'il est plutôt question d'un ballon test lancé à des fins que le temps se chargera de dévoiler un jour. De toute façon, les trois éventualités sont là avec, en toute vraisemblance, un degré égal de probabilité.

S'il s'agit d'une information sérieuse c'est que les préparatifs de la succession seraient déjà entamés. Pour quelles raisons ? Le Président serait-il assez fatigué pour songer, le lendemain de sa troisième élection, à préparer la venue de son frère ? Certes, les choses qui, pour les raisons qu'on connaît, avaient semblé bouger un tant soit peu, se sont remises à ronronner sitôt le 9 avril passé. Mais ce ralentissement de la cadence de l'activité, aisément observable de surcroît, n'est pas nécessairement synonyme d'une fatigue quelconque du Président car, et nous nous y sommes habitués, l'accélération du rythme n'arrive généralement que la veille de rendez-vous électoraux. La nonchalance, l'apathie, l'inertie, cela nous connaît et, bien sûr, nous connaissons !

Simples paroles en l'air ? Peut-être ! De toute façon, on voit mal, pour l'instant du moins, qui ou quelle partie pourrait s'inscrire derrière un tel mensonge car apparemment, depuis l'annonce de la candidature pour un troisième mandat, les choses paraissent plutôt acquises à une seule partie, l'actuel président. Avec les résultats annoncés, il ne fait plus de doute que seul Bouteflika commande et, dès lors, plus aucun clan au pouvoir ne semble assez fort pour faire passer un aussi gros mensonge à la presse. Mais est-il nécessaire d'être au sérail pour lâcher des faux canards ? Certainement pas. N'importe qui pourrait, de nos jours, être derrière des divagations, pour peu qu'il le souhaite et pour peu qu'il soit aussi responsable dans un parti, dans une institution... c'est si simple...

Et si c'était une rumeur d'un autre type, c'est-à-dire un ballon ? Cela signifierait que les auteurs de «l'information» seraient ceux-là mêmes qui comptent en tirer profit. Dans ce cas, l'objectif de la diffusion de tels propos serait sans doute de permettre aux initiateurs de tâter le pouls, de voir les réactions, de jauger la température. Si l'on met de côté le mensonge (le bobard) parce que peu crédible, il nous reste deux éventualités: soit c'est une vraie information, soit c'est un ballon. Et dans les deux cas, cela signifierait que le frère du Président serait en passe de prétendre à la succession de son frère.



Un autre parti, pour quoi faire ?



On nous dit, par ailleurs, que, probablement, un nouveau parti sera créé pour le prochain candidat. Oui, un parti, cela pourrait donner une base militante, comprenons par là un volume de voix, à son futur chef. Mais un parti, comment ? Un nouveau RND ? Rien d'étonnant car ce genre d'expérience est répétable à loisir, dans certaines contrées où il est fait fi de toutes les lois naturelles et de toutes les règles sociales, même les plus élémentaires. Mais que peut peser réellement un parti dans l'Algérie d'aujourd'hui ? Sincèrement, rien ! Un parti dont le poids varie en fonction de ceux qui gouvernent, n'est pas un parti et, malheureusement, il nous a été donné de constater à l'occasion des campagnes et des occasions similaires - et nous y reviendrons plus tard - que nombreux sont les partis qui n'existent que par et pour le pouvoir. Donc, en soi, ce n'est pas le parti qui serait attirant pour le futur candidat aux futures présidentielles, mais ce qu'il pourrait en tirer.

Ne nous trompons pas, si un tel parti venait à être créé, nombreux seront ceux qui y bondiraient les pieds joints et les yeux fermés. De la notion de militantisme dénuée de tous ses sens ne reste que l'insupportable odeur d'un opportunisme révoltant. Les Algériens ne militent plus. Ils essaient de sauter sur les occasions. Or, quelle meilleure occasion pour les surfeurs entre les assises des organisations politiques que de sauter dans le parti du frère de l'actuel président et qui, de surcroît, part favori pour la succession ? On saisit donc qu'il y aura foule et comme le nombre intéresse les politiciens et les apprentis politiciens plus que toute autre chose car d'aucuns se sont chargés de vider tout le reste, alors nul n'osera parier qu'une sélection quelconque aura lieu à l'entrée. Comment pourrait-on imagier une telle sélection quand on sait que l'une des pratiques propres à nos formations politiques est justement celle de chasser les déserteurs des autres formations. Combien sont-ils à être passés chez les concurrents ?

Donc, de ce point de vue, il y aura foule au nouveau parti pour lequel des voix tonitruantes s'élèveront pour faire les éloges et parler du passé historique de ce parti qui n'en a point. On chantera la perspicacité de ses dirigeants, l'intelligence de ses cadres, la clairvoyance de son chef et l'on insistera, bien sûr, sur le besoin incontournable du peuple et son souhait légitime et inextinguible à se voir guider par ceux qui viendront pour le sauver de... lui-même !

 Le parti qui serait ainsi créé serait, précise-t-on, celui de la jeunesse. Laquelle ? Celle dont les cheveux ont blanchi il y a trois millénaires ou bien celle qui, frappée par les rhumatismes, entend grincer ses articulations, ou bien alors celle qui a sauté dans la mer ?



Des législatives ? Eh ben, dites donc !



Au lendemain des élections d'avril, la presse écrite a rapporté à plusieurs reprises des coups de gueule de la responsable du PT à l'égard du président de l'APN et sa désapprobation des résultats annoncés. Lorsqu'on sait que depuis quelque temps Hanoune s'est carrément rangée du côté du pouvoir, on se demande bien pourquoi ce revirement. Les choses s'éclaircissent un peu plus si l'on note ses appels à des législatives anticipées. Au fait, qu'est-ce qui peut pousser à refaire les élections législatives ? y a-t-il une nouvelle majorité ? Le mandat de l'actuelle assemblée est-il consommé ? Sommes-nous dans une cohabitation impossible ? Le programme du Président a-t-il été rejeté par cette assemblée ? Rien de tout ce qui pourrait justifier des élections législatives n'a lieu. Alors pourquoi ces appels si pressants et si pressés ? Et pourquoi - posons la question simplement - le discours du président de l'APN est-il si sec à l'égard de Louisa Hanoune ?

Avec l'annonce de la probable création d'un nouveau parti, il faut comprendre que ce parti doit figurer dans l'Assemblée nationale et pour cela, le seul moyen c'est d'organiser d'autres élections législatives. Des élections anticipées bien sûr pour donner le temps au tout nouveau parti de prendre les commandes. Est-ce pour cela que Louisa Hanoune frappe sur la table en revendiquant des élections législatives anticipées ? Est-ce le rôle de l'opposition que d'anticiper les besoins et même les désirs du pouvoir ? Tout semble le confirmer. Mais dans ce cas, pourquoi la bagarre entre Hanoune et Ziari ? De la poussière dans les yeux ? Fort possible ! En tout cas, d'aucuns retiendront que c'est Louisa Hanoune qui a bataillé pour obtenir des législatives anticipées et que, en fin de compte, elle a obtenu ce qu'elle voulait. Rares seront ceux qui relieront les deux phénomènes.



Y aura-t-il un tour pour Ouyahia ?



Il ne faut plus s'attendre à quoi que ce soit de la part de l'opposition à part des applaudissements et quelques tournures de styles qui nous rappellent les années soixante. L'opposition en Algérie est si responsable qu'elle ne songe même pas penser que son rôle est de tenter d'arriver au pouvoir. Elle est si mature qu'elle préfère s'opposer en cautionnant et en soutenant. Il n'y a rien qui oppose l'opposition au pouvoir. C'est à se demander s'il faut permettre à de nouveaux partis d'opposition de voir le jour. Permettre l'apparition d'un nouveau parti pour le frère du Président, ce n'est pas l'affaire des partis de l'opposition, mais contribuer à ce qu'il les dépasse et les domine, c'est sceller l'échec le plus complet pour tous ces partis qui acceptent avec joie de ne jouer aucun rôle, même pas celui de figurant. Mais à côte de ce que perdront tous ces partis, la perte de Ouyahia serait sans doute la plus grande. Après avoir accepté de revoir ses ambitions à la baisse à l'occasion du troisième mandat, sera-t-il obligé de faire encore une fois profil bas lors des prochaines élections pour laisser passer Bouteflika Saïd ? Difficile à croire, mais il n'aurait peut-être même pas besoin de cela car si le nouveau parti est créé, Ouyahia n'aura plus de raison d'être à la tête du gouvernement. Pire, il serait aussi probablement «évincé» du RND une fois qu'il aurait contribué (eh oui !) à mettre sur pied le parti qui rivalisera avec le sien. Plusieurs éléments expliqueront cela. L'avenir le montrera !

De toute façon, et si l'information est sérieuse, attendons-nous à ce que les choses s'accélèrent.