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Agriculture: Cap sur l'autosuffisance en blé

par A. Z.

L'Algérie vise l'autosuffisance en blé dur, d'ici 2027, grâce à la mise en œuvre d'un Plan national de développement des cultures stratégiques, sans négliger l'investissement dans d'autres créneaux pour atteindre cet objectif. A l'enseigne des investissements dans des silos de stockage (30 millions de quintaux prévus), qui visent à sécuriser les approvisionnements futurs.

C'est le sujet qui a été abordé, hier, avec le professeur Brahim Mouhouche, membre du Conseil supérieur de la Recherche scientifique et des Technologies, lors de son passage à l'émission ‘L'invité du jour' de la Chaîne 3 de la Radio algérienne, cernant les enjeux majeurs de l'Agriculture nationale. Au cœur de ses préoccupations figurent le stockage des céréales et les conditions climatiques favorables caractérisées par les précipitations exceptionnelles de cet automne, laissant espérer une consolidation des contours de la stratégie agricole ambitieuse visant la souveraineté alimentaire. Dans ce sens, le projet de réalisation de 16 silos pour le compte de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), dont la livraison est prévue avant la fin du premier semestre 2026, constitue, selon l'expert, une avancée déterminante pour le pays. « C'est une arme. C'est une sécurisation du pays », affirme le professeur Mouhouche. Ce dernier a considéré qu'un pays dépourvu de capacités de stockage adéquates se trouve dans « une position doublement vulnérable ». D'une part, « il manque de réserves de sécurité en cas de crise ». D'autre part, « il ne peut pas tirer profit des fluctuations des marchés internationaux pour acheter lorsque les prix sont avantageux ». Ajoutant qu'«un pays qui a les moyens d'acheter et si à un certain moment les prix sont abordables », explique-t-il, «il achète une quantité très importante mais s'il n'a pas de silo, même s'il le veut, il ne peut pas, il va perdre tout ce qu'il va acheter». Cette incapacité à stocker limite donc, drastiquement, les marges de manœuvre du pays sur les marchés internationaux. L'expert révèle que la stratégie algérienne vise un stockage couvrant environ neuf mois de consommation, une durée qui permettrait de réduire considérablement la dépendance directe aux importations. « N'oubliez pas que dans le monde le stockage c'est deux fois plus, c'est des milliards de tonnes qui sont stockées. La moitié est consommée par an, le reste, est toujours en stock en sécurité».

Selon l'intervenant, cette politique de renforcement du stockage prend tout son sens dans le contexte climatique actuel. Cet automne se caractérise par des précipitations largement supérieures à la moyenne, une situation que l'Algérie n'avait pas connue depuis une dizaine d'années. «Cette année, on a dépassé la moyenne de pluie. Il y a beaucoup de pluie», constate le professeur Mouhouche avec satisfaction.

Soutien sans précédent au Secteur agricole

Cette abondance des précipitations ouvre des perspectives prometteuses pour la production agricole nationale. « Le fait qu'il y ait de la pluie, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la voie est ouverte pour se lancer dans l'activité de production agricole qu'elle soit production animale ou végétale», explique l'expert. Des millions d'agriculteurs, particulièrement ceux dépourvus de systèmes d'irrigation, « attendent la clémence du ciel », et cette année, leurs attentes ont été largement comblées.

Le contraste avec l'année précédente est saisissant. « L'année dernière, à ce moment, il y avait vraiment un stress très important, un manque d'eau très important qui n'a pas permis aux agriculteurs de rentrer dans les champs pour travailler », rappelle-t-il.

Cette année, la situation s'est inversée au point que certains exploitants rencontrent le problème inverse : « Ils ont des problèmes, ils ne rentrent pas dans les champs parce qu'il y a beaucoup d'eau dans le sol». Le professeur Mouhouche souligne une différence fondamentale entre les besoins des agriculteurs et ceux des gestionnaires des ressources hydriques. Alors que les barrages, actuellement remplis à moins de 40 %, nécessitent une pluviométrie continue pour reconstituer leurs réserves, les agriculteurs ont besoin d'alternances. « L'agriculteur a besoin d'une quantité de pluie qui lui permet de travailler », précise-t-il, ajoutant qu'« il suffit qu'il y ait 2 jours, 3 jours » sans précipitations pour permettre aux exploitants d'intervenir sur leurs terres avec leurs engins. « C'est très important qu'il y ait de la pluie mais qu'il y ait aussi des périodes, des séquences d'accalmie», insiste l'expert. Cette eau abondante bénéficie également aux régions sahariennes, bien que sous une forme différente. « La pluie du Sud, généralement, c'est des séquences, ce n'est pas permanent et lorsqu'il pleut, il pleut sous forme d'orage », explique le professeur Mouhouche. Mais, l'expert soutient qu'« il n'y a pas de doute. Généralement à 95 % des cas, lorsqu'il y a de la pluie, ça ne fait que du bien à l'agriculture. » Non sans relever quelques cas exceptionnels où des pluies printanières pourraient provoquer « l'avortement des fleurs» en arboriculture.

Pour accompagner ces évolutions, l'État maintient un soutien sans précédent au Secteur agricole. Le professeur Mouhouche n'hésite pas à affirmer que « je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de pays pour ne pas dire qu'il n'y a pas de pays qui subventionne, qui aide autant que l'Algérie pour les agriculteurs». Avec un budget de près de 6 milliards de dollars prévu dans la Loi de finances, certaines productions bénéficient de subventions atteignant 50 %. Parmi les mesures récentes, « la facilitation de l'importation de matériel agricole, même d'occasion», devrait renforcer la mécanisation du secteur.