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De «Khaltet Sultan» à la potion «girafe»: Compléments alimentaires, mensonge et désinformation

par M. Aziza

De nombreuses publicités diffusées sur les réseaux sociaux véhiculent des informations trompeuses sur les compléments alimentaires. Manipulation, mensonge et désinformation se banalisent dans un marché qui a besoin d'un cadre réglementaire plus exigeant et un contrôle plus rigoureux, face au risque d'exposer les consommateurs à de graves risques pour la santé.

L'Association pour la protection du consommateur (APOCE) continue de tirer la sonnette d'alarme face à la prolifération de produits dangereux et trompeurs, largement promus en ligne. « De Khaltet Al Soltane… nous voilà désormais face à la potion de la girafe », a alerté le président de l'APOCE, Mustapha Zebdi, à travers la page Facebook officielle de l'Association, pour dénoncer les dérives de la publicité mensongère ainsi que la fabrication et la commercialisation de ces produits en dehors des circuits formels, avec des compositions souvent inconnues du consommateur.

Pour rappel, les services de la Gendarmerie nationale ont récemment démantelé un réseau opérant dans un atelier clandestin, spécialisé dans la fabrication de compléments alimentaires nocifs, dont le produit « Khaltet Sultan ». Les analyses réalisées par l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC/GN) ont révélé la présence de sildénafil, une substance délivrée exclusivement sur ordonnance médicale, constituant une menace directe pour la santé, notamment chez les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires.

Aujourd'hui, un autre produit, présenté comme un complément de croissance, fait l'objet d'une promotion massive sur les réseaux sociaux. Présenté comme une «préparation miracle», ce produit dénommé le « sirop de la girafe », promet, sans aucune preuve scientifique, d'augmenter la taille des enfants.

Face à ces pratiques dangereuses, l'APOCE a annoncé le lancement prochain d'une campagne nationale visant à lutter contre la publicité mensongère et la vente anarchique des compléments alimentaires, en particulier sur les réseaux sociaux, afin de protéger la santé publique. Certains compléments alimentaires doivent se vendre en officine

De son côté, le Dr Sami Tirache, président du Syndicat national des pharmaciens d'officine (SNAPO), rappelle que la problématique des compléments alimentaires mal utilisés est connue depuis longtemps. Dans une déclaration au « Le Quotidien d'Oran », il souligne que le SNAPO réclame depuis 2013 une réglementation stricte de ce secteur, insistant sur la nécessité de sécuriser l'ensemble du circuit de distribution. « Un complément alimentaire mal utilisé peut être mortel », alerte-t-il, citant notamment des cas de fausses couches chez des femmes enceintes ayant consommé des produits de phytothérapie et des tisanes non contrôlées.

Le SNAPO s'était engagé, avec les pouvoirs publics, dans un travail de réglementation dès 2019. Un projet de décret avait même été élaboré pour encadrer le marché des compléments alimentaires, mais celui-ci n'a jamais vu le jour.

Selon le Dr Tirache, les autorités ont souhaité revoir certains points du texte, et les professionnels attendent de reprendre ce travail conjoint afin d'y apporter les ajustements nécessaires.

Le syndicat réaffirme, par ailleurs, sa position proposant que certains compléments alimentaires doivent être dispensés exclusivement en officine. Cette exigence s'explique par les risques liés aux interactions dangereuses entre compléments alimentaires et médicaments, que seuls des professionnels de la santé sont en mesure d'évaluer et de prévenir.

La vente en pharmacie constitue, selon le SNAPO, une garantie minimale de sécurité. Les pharmaciens refusent les produits ne respectant pas les exigences réglementaires, notamment l'indication du numéro de lot, la date de péremption, la composition détaillée et l'autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministère du Commerce. En cas de problème, un rappel de lot est possible, d'autant plus que la majorité des pharmacies disposent de fichiers clients permettant une véritable pharmacovigilance et une traçabilité efficace.

Le danger le plus préoccupant demeure toutefois l'explosion des « produits cabas ». Craignant les contrôles sur les médicaments, certains réseaux se rabattent désormais sur les compléments alimentaires, perçus à tort comme inoffensifs. À cela s'ajoute la vente en ligne et l'existence de petits ateliers, parfois clandestins, qui fabriquent des mélanges de phytothérapie sans aucune maîtrise des dosages ni connaissance des effets secondaires potentiels.

Face à cette situation alarmante, une réglementation stricte, un contrôle renforcé et une sensibilisation nationale s'impose.