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Compagnie de transport des hydrocarbures : Colère des travailleurs d'Hyproc

par Mokhtaria Bensaâd

La compagnie de transport des hydrocarbures «Hyproc Shipping Company», une filiale de Sonatrach basée à Oran, est de nouveau noyée dans un conflit syndico-syndical.

La menace de grève plane sur cette société, considérée comme leader national dans le transport maritime des hydrocarbures, si le bras de fer opposant les membres de la section syndicale et le collectif des marins persiste. Ces derniers ont tenu hier un sit-in devant la direction générale, située à la zone des sièges USTO à Oran pour protester contre le maintien de la section syndicale et demander le renouvellement en urgence de cette instance dont le mandat a expiré hier, selon leurs déclarations. Ces travailleurs n'en sont pas à leur premier mouvement de protestation. Pourquoi Hyproc Shipping Company, une société pourtant florissante, n'arrive pas à dépasser ces conflits sociaux ?

Pour le collectif des marins, le conflit persiste pour la simple raison que les problèmes qui existaient depuis quelques années n'ont pas été réglés jusqu'à présent. Les travailleurs se disent encore lésés dans leurs droits. Un des représentants du collectif marin, M. Rahmani Habib, a expliqué que «les membres de la section syndicale en sont à leur troisième mandat sans que la situation des travailleurs n'évolue. Il n'a jamais été question d'assemblée générale pour écouter les problèmes du personnel. Aujourd'hui, leur mandat a expiré et nous ne voulons plus d'eux. Nous demandons l'organisation d'une autre AG pour l'élection d'une nouvelle section syndicale». Prime de zone, congé annuel, prime de risque, payement des heures supplémentaires, frais de route, augmentation des allocations familiales et problème des retraites, sont autant de revendications qui sont restées en suspens jusqu'à présent et que la section syndicale a été incapable de régler, n'ont cessé de crier les protestataires lors de ce sit-in.

Pour le collectif marin, la direction a été informée de ce mouvement de protestation mais aucun responsable n'a voulu recevoir les représentants des travailleurs pour discuter des problèmes. M. Rahmani Habib a précisé que «des lettres ont été envoyées avec accusé de réception à la direction, l'inspection de travail, l'UT sud et l'union de wilaya mais sans suite, à l'exception du représentant de l'inspection de travail qui a fait le déplacement hier à la direction pour parler au collectif des marins». Un rendez-vous a été fixé pour aujourd'hui avec ce même responsable afin de lui remettre les documents sur «les droits des travailleurs qui ont été bafoués», a indiqué le représentant des marins. Pour en savoir plus sur ce conflit, nous avons rencontré les membres du bureau du syndicat.

Le chargé des conflits, M.Tekfa Tayeb, a affirmé qu'au «cours de ces six derniers mois, il y a eu des accords pour l'attribution de l'indemnité de congé que les travailleurs réclamaient depuis 2005. Ce problème a été réglé en 2014 et il a été convenu avec le syndicat de régler cette indemnité à partir de 2012. Pour les autres années, cela dépendra de la santé financière de l'entreprise et des paramètres économiques du pays». Pour les membres du syndicat, «certaines revendications ont été prises en charge à travers des accords que nous allons signer, la semaine prochaine, avec la direction générale. La prime de zone qui était figée sera revue dès la prochaine augmentation des salaires».

Dans cet accord collectif qui va être signé, il est également question «de conditions et modalités d'octroi et attribution de l'indemnité compensatoire de la prime de zone de navigation non soumise aux cotisations de sécurité sociale, applicable à toutes formes de retraites, l'octroi de prêts véhicule avec de nouveaux barèmes, indemnité de congé payée avec effet rétroactif si les conditions économiques de l'entreprise le permettent, la revalorisation de la prime de médaille de mérite et la mutuelle (MIP)». A propos des retraités qui ont vu leur pension réduite, le chargé des conflits a indiqué qu'il y a eu «un accord en 97 pour la refonte salariale des deux catégories, sédentaire et marin. Les primes cotisables ont été intégrées dans les primes non cotisables. C'est pourquoi, depuis 97, il n'y a pas eu beaucoup plus de retraités. Pour ceux qui sortent en retraite cette année, ils auront une pension réduite. Pour régler ce problème, on a opté pour l'octroi d'une indemnité compensatoire pour les 60 derniers mois».

Concernant la protestation des travailleurs, les représentants syndicaux ont souligné qu'il s'agit «d'une minorité parmi les 1.200 travailleurs que nous représentons. L'effectif de chaque navire nous a transmis ses revendications que nous avons transmises à la direction générale». Le secrétaire général du bureau du syndicat d'entreprise, M. Belkasmi Mohamed, a souligné, sur l'expiration du mandat de la section syndicale, que «la section a été élue par les travailleurs et son mandat n'expire qu'au mois de mars 2015».

Les protestataires ont rétorqué, pour leur part, que «les membres du syndicat se sont manifestés après avoir eu vent du sit-in. Pour rattraper le coup, ils ont envoyé des lettres aux marins dans les navires pour les informer que tous les problèmes ont été réglés. Alors que ce n'est pas vrai. C'était juste pour calmer les esprits».

«DE L'AMIANTE DANS LES NAVIRES D'HYPROC»

Dans ce mouvement de contestation, le collectif des marins a évoqué un autre problème qui met en danger la vie des travailleurs, celui de la «présence de l'amiante dans les navires d'Hyproc». Selon le représentant des marins, M. Rahmani, «une expertise a été réalisée au mois d'août dernier par un bureau d'étude français et a révélé la présence de cette matière cancérigène dans les navires. Devant ce problème de santé, notre entreprise n'a pris aucune mesure pour le personnel exposé à ce danger. La médecine du travail est inexistante. Le plus étonnant est que des collègues décèdent deux ans après leur sortie en retraite». Sur ce problème, les membres du syndicat ont expliqué que «cela relève des compétences de la direction générale». Le chargé des conflits a, toutefois, confirmé qu'effectivement une expertise a été réalisée. «Mais ce problème a été traité par le conseil d'administration et le propriétaire de l'entreprise, Sonatrach. C'est un problème qui a été réglé définitivement. Ce rapport dont parlent les travailleurs a écarté toute présence d'amiante dans les navires».

Pour avoir la version de la direction sur la situation des travailleurs, nous avons sollicité un entretien avec le PDG, mais sans résultat. Un agent à l'accueil s'est contenté de nous répondre que «la direction considère qu'il s'agit d'un conflit syndico-syndical et la direction n'a rien à dire».