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Sécurité et indépendance énergétique: quels défis pour l'Algérie ?

par Henni Mekki *

Au niveau international, chaque pays adapte sa politique énergétique selon ses ressources en matière d'énergie, ses réserves, sa demande énergétique en interne et ses besoins d'investissements, afin de préserver sa souveraineté économique.

Avec une population estimée à 38 millions d'habitants en 2013, selon l'Office National des Statistiques (ONS), la consommation de l'Algérie a atteint 55 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP), pour une valeur de 40 milliards de Dollars US. En 2030, l'Algérie, comptera environ 55 millions d'habitants et la demande énergétique risque de doubler dans les quinze (15) années à venir, et donc, d'atteindre probablement prés de 80 milliards de Dollars US, d'autant plus que la consommation d'électricité connaît un rythme annuel de 14% à 18% et la consommation de carburants connaît également une croissance de 15% en moyenne. A noter que la forte hausse des besoins énergétique, au niveau national, se traduira forcément par une diminution des exportations Algériennes, et donc, par une diminution des recettes financières. Aussi, la baisse de la production d'hydrocarbures, a connu une légère baisse durant l'année 2013 où elle a atteint 190 millions de Tonnes Equivalent Pétrole (TEP) soit une baisse de 4% par rapport à l'année 2012. En effet, le secteur des hydrocarbures a vécu une année morose en 2013 marquée par le recul des partenaires du Groupe Sonatrach, l'attaque terroriste sur le site gazier de Tiguentourine et l'appauvrissement des gisements qui ont conduit à la baisse de production de pétrole et de gaz par rapports aux années précédentes. Malgré le déclin de certains gisements, en production depuis des décennies, qui a entraîné une baisse de la production pétrolière, l'Algérie a les moyens de reconstituer ses réserves d'hydrocarbures.

Par ailleurs, la baisse du prix du baril de pétrole, a commencé depuis le début de l'été et les cours du pétrole continuent de reculer, sans que l'on sache quand s'arrêtera cette baisse.

Cette dernière pourrait bien se poursuivre, ce n'est pas impossible, tant que les perspectives d'une reprise de la croissance mondiale restent bouchées. En effet, l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a publié, récemment, des prévisions pour les années 2014 et 2015 qui montrent qu'une franche reprise ne sera pas au rendez-vous en Europe, aux Etats-Unis et dans les grands pays émergents, comme la Chine et le Brésil.

Le ralentissement brutal de la production industrielle en Chine, le deuxième plus gros consommateur de brut du monde, pourrait expliquer en partie ce recul du prix du baril de pétrole mais aussi à la faiblesse persistante des économies européennes conjuguée à des livraisons de pétrole plus faibles que prévu au Japon et au Brésil, à l'abondance de l'offre qui est surtout due aux pétroles de schiste (shale oil) américains ainsi que par presque le trop-plein de la production des pays producteurs de pétrole conventionnel à l'image de la Libye et de l'Irak mais aussi du rythme de production revue à la baisse par l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) qui continue de tabler sur une hausse de la demande mondiale de pétrole mais moins vite que prévu il y a quelques mois.

A moins de 100 Dollars US le baril du pétrole, plusieurs pays parmi les douze (12) états membres de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), notamment les plus peuplés, ne parviendront pas à faire face à leurs dépenses budgétaires, qu'il s'agisse des subventions à l'énergie ou des mesures sociales en faveur de l'emploi, du logement ou de l'éducation.

Il y a là, une source de tension, au sein de l'OPEP, entre ces pays et certaines pétromonarchies du golfe arabo-persique. Pour empêcher les prix de se rapprocher de la zone dangereuse des 80-85 Dollars US, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) devrait en principe intervenir pour les soutenir. Pour l'heure, cette dernière, qui pompe un petit tiers de l'or noir mondial, refuse de céder à la panique. Les douze (12) membres de l'OPEP ont donc attendus la réunion semestrielle ordinaire tenue le jeudi 27 novembre 2014, à Vienne, au siège du cartel pour être fixés. En effet, Ils ont, après des rencontres informelles et plusieurs heures de discussions en séance plénière, finalement suivi la ?'ligne'' défendue depuis quelques mois par l'Arabie saoudite dans le sens où ils ont décidé de ne pas resserrer les vannes et de maintenir le quota officiel de 30 millions de barils par jour, fixé il y a trois (03) ans quand le cours du Brent était à cent (100) Dollars US. Cette décision n'est pas du tout une surprise car, avant la tenue de ce sommet, les six (06) Etats du Conseil de Coopération du Golfe (Arabie saoudite, Koweit, Emirats arabes unis, Qatar, Bahrein, Oman) s'étaient entendus pour refuser toute baisse du quota.

Les marchés pétroliers, qui avaient commencé à s'inquiéter durant cette journée, ont rapidement sanctionné cette décision. En effet, les prix du baril sont tombés dans la même journée à des niveaux inconnus depuis la mi-2010 sous les 72 Dollars US pour le Brent et même à 67 Dollars US le West Texas Intermediate (WTI) à New York ramenant la chute des cours de pétrole à près de 35 % depuis la mi-juin de l'année en cours.

A partir de ce constat, la question sur la sécurité énergétique de l'Algérie mérite d'être étudiée et explorée, profondément, car, il y va de l'avenir de tout un pays et de toute une population même si, les découvertes réalisées ces dernières années qui, une fois mis en production, reconstitueront en partie les réserves hydrocarbures de l'Algérie, ce qui donne déjà beaucoup d'espoir sur l'avenir énergétique du pays.

Pour faire face à ces contraintes, la nouvelle politique énergétique de l'Algérie devra donner la priorité pour le marché national, ceci, devrait alors passer par un effort considérable concernant l'intensification de l'exploration, et ce, en encourageant les partenaires étrangers à investir dans l'amont pétrolier et gazier, ainsi, découlera de cet effort d'exploration, quatre (04) autres objectifs, à savoir :

-Améliorer les taux de récupération des grands gisements ;

-Augmenter les réserves d'hydrocarbures ;

- Préparer l'exploitation éventuelle des hydrocarbures non conventionnels ;

- Maximiser la valorisation des hydrocarbures.

En effet, pour endiguer la baisse de la production des Hydrocarbures à laquelle vient s'ajouter la baisse du prix du baril de pétrole, phénomènes préjudiciables pour l'avenir, qui pourrait conduire à une diminution des recettes extérieures de l'Algérie sachant que plus de quatre-vingt dix-sept pourcent (97%) de celles-ci proviennent de cette source, il est plus qu'urgent de se mettre d'accord sur les possibilités de tirer vers le haut la production d'hydrocarbures tout en activant d'une part la mise en production des gisements déjà découverts et d'augmenter la prospection pour la découverte d'autres gisements conventionnelles ou non conventionnelles mais aussi développer le domaine de la Pétrochimie (qui n'a pas eu toute l'attention nécessaire) ainsi que le développement des énergies renouvelables, ce qui permettra à notre Pays de mieux valoriser ses ressources hydrocarbures et développer par là même son tissu industriel.

Ainsi, le développement des projets Pétrochimiques et de Raffinage devra s'inscrire dans le cadre de la valorisation des matières premières et le renforcement de l'Investissement Direct Etranger (IDE) en Algérie, conformément à la politique en vigueur, et favoriser les alliances et le partenariat dans des projets en garantissant la réussite du partenariat et en préservant les intérêts des uns et des autres. En effet, la partie Algérienne devra chercher son positionnement sur le marché international de la Pétrochimie par une forte présence à l'international sur le marché des produits finis à travers notamment une commercialisation conjointe et le partenaire, recherchant d'une part l'accès aux matières premières et une rémunération de ses investissements assurée aujourd'hui en Algérie par des avantages comparatifs favorables au développement de ces projets, d'autre part.

Le développement des projets Pétrochimiques et de Raffinage devra viser notamment ce qui suit :

- Le développement du tissu industriel en Algérie;

- La satisfaction de la demande du marché national en carburants et produits Pétrochimiques ;

- La pénétration du marché international à travers une commercialisation conjointe avec nos partenaires, des produits Pétrochimiques ;

- Le développement socio-économique de certaines régions Algériennes.

Aussi, le développement des projets Pétrochimiques, à lui seul, nécessitera des investissements estimés à dix-huit (18) milliards de Dollars US dans une première phase (2015-2019) et autant sinon plus dans sa deuxième phase (2019-2024), participera à la relance de la pétrochimie nationale, jusque-là marquée par une présence timide du Groupe Sonatrach. Une bonne partie des productions sera alors destinée à l'exportation, procurant ainsi des revenus supplémentaires en devises pour l'Algérie, l'autre partie sera quant à elle destinée à intégrer l'industrie nationale et ce, à travers la fabrication de matières premières pour la filière chimie servant à produire les détergents, les peintures, le plastique, le caoutchouc et les emballages.

En outre, les projets Pétrochimiques, une fois lancés, permettront la création de postes d'emplois dans des domaines variés aussi bien pendant la phase construction que la phase exploitation.

Par ailleurs, l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, dont le potentiel en matière de gaz de schiste récupérable, a été estimé, selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), à 20.000 milliards de m³ sur un total de 207.000 milliards de m³ de réserves globales, soit la troisième (3eme) réserve mondiale. Cependant, pour l'exploitation du gaz de schiste, Il est vivement conseillé, de prendre en considération les quatre (4) mesures suivantes :

- Evaluer le potentiel sur le plan quantitatif ;

- Mesurer son exploitabilité ;

- évaluer sa rentabilité commerciale ;

- Evaluer l'impact sur l'environnement, et ce, avant toute autorisation d'exploitation.

Pour cela, il faut mener des études sur de grandes surfaces, procéder à quelques forages d'appréciation, mettre en place des projets pilotes d'exploitation et enfin évaluer l'impact sur l'environnement. Ainsi, l'exploitation du gaz de schiste, en Algérie, est indispensable car il y va de l'indépendance énergétique du Pays, dans quelques décennies.

Enfin, Il est vrai qu'avec le renouvelable, l'Algérie pourrait réduire la consommation domestique de gaz car l'électricité étant en grande partie produite aujourd'hui par le thermique gaz (97% de l'électricité, au niveau national, est produite à partir du gaz), mais pour y arriver à cela, il faut impérativement développer de nouvelles technologies, instituer une nouvelle culture de consommation et enfin réduire les coûts afin de pouvoir utiliser et exploiter cette ressource.

En effet, le développement des énergies renouvelables en Algérie, qui revêt un intérêt particulier, devra inciter les Pouvoirs Publics à donner un nouvel essor à ce secteur en vue de les substituer aux énergies fossiles dont les ressources se font de plus en plus rares. Il est à noter, que pour la mise en œuvre et la concrétisation des plans et des objectifs arrêtés dans ce domaine, les Pouvoirs Publics ont procédé à l'adoption d'un cadre juridique favorable à leur promotion et à la réalisation d'infrastructures y afférentes, la création d'une multitude d'organismes œuvrant dans ce secteur et le lancement d'importants projets. Consciente de l'intérêt grandissant des énergies renouvelables et de leurs enjeux, l'Algérie aura à intégrer encore d'avantage le développement des énergies renouvelables dans sa politique énergétique, ce développement, qui est certes encadré par un ensemble de textes législatifs tel qu'indiqué ci-dessous, devra être continu et soutenu :

- La loi n°99-09 du 28 juillet 1999 relative à la maîtrise de l'énergie ;

- La loi n°02-01 du 5 février 2002, relative à l'électricité et la distribution publique du gaz par canalisations ;

- La loi n° 04-09 du 14 août 2004, relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable.

 En conclusion, les pouvoirs publics, devront, dans leur programme, mettre en adéquation, selon les besoins de consommation en interne et selon les besoins d'investissement, ce qui suit :

- L'amélioration des taux de récupération des grands gisements et la récupération des ressources naturelles ;

- L'intensification de l'exploration et l'augmentation des réserves d'hydrocarbures ;

- La valorisation maximale des hydrocarbures conventionnels (Pétrochimie et Raffinage) ;

- L'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ;

- Le développement des énergies renouvelables comme source alternative.

 Il s'agit là, à la lumière de ce qui précède, des principaux défis auxquels l'Algérie devra faire face à moyen et long termes pour répondre à la demande interne et externe et assurer ainsi la sécurité et l'indépendance énergétique de notre Pays. En somme, l'indépendance énergétique, c'est plus que du grignotage, c'est une grosse bouchée stratégique dans cette offensive visant à diversifier nos sources d'énergie, satisfaire la demande interne et externe et améliorer par là même, positivement, la balance commerciale de l'Algérie.

* Expert en Management Général et Industriel Ancien Cadre Dirigeant de Sonatrach