Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Deux ministres : Une jeunesse et des sports

par El Yazid Dib

Le jeune est conjugué à toutes les sauces. Il badine entre deux tutelles. L'esprit JFLN et la notion de masse n'existent plus. Sinon dans la tête de ceux qui y croient encore. Qui de la jeunesse ou des sports est né suite à une césarienne ?

Si le sport a quelque chose de concret à gérer ; la jeunesse est un mythe de gestion. Depuis les jeux olympiques ; la jeunesse a été le support de prédilection des activités physiques et sportives. La jeunesse et le sport forment un ménage naturel que toute les organisations étatiques ne se sont pas abstenus de le reprendre dans tous les staffs exécutifs. Dire que le secteur est beaucoup plus florissant en compétences liées aux sciences sportives, est un témoignage quasi-unanime de ses acteurs. Celui de la jeunesse, étant polymorphe n'est dans aucun cœur de métier, sauf qu'il est bien situé dans le cœur d'une politique. Il n'existe pas de sciences de la jeunesse. L'animation, le divertissement, les loisirs, le ludique sont un attribut général que peuvent partager et les sports, et la culture et les associations. C'est une récréation après avoir été une option. Avec le retour à une telle recomposition, les rôles ne sont qu'inversés. D'une organisation de masse ; la notion illusoire « jeunesse » s'installe maintenant dans un ministère.

L'Etat ne devrait pas jouer au tailleur pour confectionner des costumes sur humeur. Ce n'est pas parce que l'on cultive des souvenirs lointains que l'on fait assujettir le présent à extraire de belles images à partir de clichés disparus. La jeunesse d'aujourd'hui est en couleur, ses aspirations sont à innombrables nuances. Le noir-et-blanc de celle d'hier s'est avachi le long du dépérissement des ténors tous spontanément reconvertis au goût du jour. Elle ne partage plus les mêmes promesses. Le rêve ne nourrit plus ses illusions. C'est du cash que vit l'actuelle. Un stade est rempli de supporters et pas forcement de jeunes. Idem pour un concert. Toute la potentialité des jeunes est par la loi du nombre repérable sur les murs ou dans les tribunes de foot. S'acharner à en faire tout un service d'encadrement, ce dernier risque de ne pouvoir plus ramasser bon nombre d'adhérents.

Certes les intentions peuvent être bonnes. Les idées aussi. Mais de là à en faire un agenda uniquement de regroupement, de meeting à la komsomol ; les comptes sont clos. L'air de cette ambiance n'est plus dans l'air de ce temps. Les jeunes sont déjà rassemblés dans des réseaux virtuels avant qu'ils ne le soient en infimes parties dans des gradins dispersés, des salles calfeutrées ou des campus mal avenants. Encore que de nouvelles définitions s'imposent sur tous les plans de l'agissement ou des activités qui leur sont liées. Le « jeune » dans les statuts de l'UNJA à l'époque de sa naissance trouvait son identification dans cet algérien âgé de moins de 27 ans. Toutefois il y était transcrit que « l'encadrement » de la jeunesse était exempt de l'astreinte à cette limite chronologique. On ne sait pas quels étaient les paramètres ayant présidé l'arrêt à cette fixation. Tout est relatif. L'âge et la prise de conscience aménagent les différents degrés d'une maturité, sens politique s'entend. Dans son temps cette organisation satellitaire, quoique voulue pour des desseins avoués par le pouvoir d'alors, ne renâclait pas devant la besogne de mobilisation et de sensibilisation à laquelle, elle se prêtait altierement.

La jeunesse était un investissement politiquement dynamique et non pas une voix inexprimée ou une carte de vote. Un moyen et non un canevas de discours.

L'histoire de la structure des gouvernements à travers l'évolution des responsabilités politiques a rarement confié d'un strict paquetage « la jeunesse « à un département ministériel seul et exclusif. La constitution des organes gouvernementaux a ses règles et ses missions. L'urgence et la prédominance de certaines préoccupations sont les motifs génésiaques à de telles mises en évidence. Un département créé, est sensé répondre à une inquiétude majeure et une exigence cruciale. La naissance de cette autonomie de la « jeunesse » dans un ministère laisse entrevoir une vision peut-être mal prise, de caporalisation et de propagande. C'est tout comme dans un passé récent le folklore, la femme, l'enfance, et le service public.

En France à titre d'exemple ; en janvier 2009, pour la première fois « Un haut-commissariat à la jeunesse » est mis en place pour un laps de temps. Il deviendra peu après, soit en 2010 ministère de la Jeunesse et des solidarités actives. Pour terminer dans la trajectoire classique de ralliement de la jeunesse aux sports. Sinon la « jeunesse » a été éternellement greffée aux activités sportives, parfois à « la vie associative » aux « loisirs » et aussi à l'éducation nationale » ou à « l'enseignement technique ». Depuis aout 2014, dans l'hexagone l'on parle de ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Un imbroglio de compétences, à vrai dire. La ville n'est ni un terrain de jeux, ni une salle de spectacle?mais tout un monde. De jeux et d'enjeux.

Quand on gère tout un ministère dédié pompeusement à la jeunesse, l'on ne retrouve rien comme programme que des propos et du chevauchement sur les autres. Sinon prêcher que l'agriculture et le tourisme sont des réserves juvéniles, des domaines de prédilection que la jeunesse se doit d'investir. Alors que ni l'un, ni l'autre des départements ministériels ne semblent faire une prérogative à cet important segment populaire. C'est pourquoi ce ministère, nouveau dans son autonomie, vieux dans ses approches, tend à revivifier une certaine idéologie révolue. L'esprit JFLN. Le jeune de ce jour n'est plus celui qui croyait en ces volontariats et s'assimilait tel un élément d'une organisation de masse. La masse n'existe plus, les organisations sont multiples et l'élément est plusieurs. Là bas l'impérialisme, le progressisme et la lutte des classes est une mode réflexive obsolète. Le « rouge » d'hier est devenu, à quelques rares exceptions le « vert » d'aujourd'hui. Ce jeune n'affiche qu'un souci. Etre pris entièrement en charge. Vivre à l'aise, se sentir heureux peu importe que ceci coûtera au trésor. Ce ne sera pas des attributions encore versatiles du nouveau ministère de la jeunesse d'expertiser la situation économique du pays pour clamer que le pays doit sortir de la rente pétrolière. Ceci devient un touche-à-tout. Un portefeuille vide mais lourd de concepts. Même le discours tenant lieu de programme d'action frôle l'hérésie politique. Parlant de cette « jeunesse » prise comme une matière à disserter, les anciens slogans d'engagement et de responsabilité sont vite appelés au secours d'un temps qui se perd dans la conjoncture moderne. La sécurité, la violence, les fléaux sociaux sont tous au menu du discours. Le jeune est conjugué à toutes les sauces. De la préservation des acquis aux péripéties douloureuses qu'avait vécues le pays ; l'on voudrait le fondre dans un phototype hélas dépassé. Il n'y a plus de révolution maintenant. La seule qui puisse subsister est celle des nouvelles technologies du comment contourner les ressacs des vagues pour un long périple, se procurer un crédit à ne pas honorer, un visa quelconque, un logement social, un gardiennage peinard. Les derniers événements de Touggourt nous apprennent le « chouchoutage » et la « gâterie » de l'Etat. Des terrains gratuits, une aide financière, des relaxes et des excuses.

Nationalisme dites-vous ? Qui m'aurait-dit qu'a la question toute piégée posée par un confrère à un jeune : avec quelle équipe l'algérien Bachir Chihani joue-t-il en Europe ; le jeune cachant mal son ignorance balançait assurément sa réponse : avec la Juventus ou le Réal ! Ainsi si un nom de footballeur est plus médiatisé qu'un héros, un chanteur plus connu qu'un prix Nobel ; la balle est ailleurs que dans le camp de ce jeune. Il n'aurait pas besoin d'un porte parole, ni d'un parrain. Il a plus besoin d'exemples et de modèles d'inspiration. Comment faire pour faire apprendre l'histoire de la révolution à un jeune qui n'a pas trop fréquenté l'école ? Faire l'accrocher aux valeurs du patriotisme passe nécessairement par le foyer, l'intéressement familial. L'école avec ses rébarbatives levées matinales des couleurs tend à banaliser ce qui est sacré. L'entonnement de l'hymne national est loin de se faire dans un garde-à-vous, tellement qu'il s'assimile à un commencement récréatif, à la longue harassant. Le drapeau national tend à identifier seulement, l'étendard de l'équipe nationale.

La wantoutrisation. L'initiative récente de faire visiter les Aurès par des groupes de jeunes reste louable à plus d'un titre. Si ce n'était ce contour criard de mauvaise propagande politicienne en versant la tournée dans un chiffre. 1954 jeunes ? Éloigner la contrainte du « recrutement » administratisé du jeune, il viendra volontiers lorsqu'il aura la sincérité que l'action en valait la peine. Le mouvement associatif revu et rénové restera l'outil idéal dans la fédération de cette tranche, mais en dehors de toute suspicion d'enrôlement étatique. Car le jeune d'aujourd'hui ne craint personne et développe une réaction rebelle à l'égard de tout ce qui est représentatif du pouvoir. Les élus sont là pour corroborer ses raisons et lui permettre de penser à contre courant. Il ne voit en l'Etat qu'un pourvoyeur d'avantages. Ce dernier a à maintes occasions signifié sa logique. La grogne ou l'émeute payent plus que le mérite ou l'effort. D'où de la liberté il en fait plus qu'un droit ; une imposition à faire subir aux autres malgré la leur. Ecolier, il s'amourache de sa PlayStation au lieu de son livre, lycéen il a son portable et ses amitiés, étudiant il a son association et ses contestations au lieu de sa persévérance.

Vouloir faire de la « jeunesse » une armée de bons citoyens au service de la nation n'est pas une sinécure. C'est une mission immatérielle permanente dévolue à la société dans toutes ses composantes. Elle n'est donc pas l'apanage d'une entité ministérielle. Et un portefeuille quoique consacré à elle ne résoudra jamais la problématique posée et vécue. Il vaudrait mieux agir dans l'interconnexion préalable et mettre à profit déjà les instruments du net qui existent. Si l'on arrive à faire interconnecter toute cette vigueur vers des liens rassembleurs, institutionnels ou corporatistes, ce ne sera qu'un pas salutaire et sans démagogie. Pourquoi alors concocter tout un programme pour une action qui n'en nécessite pas ? Dépenser autant d'argent pour faire réunir des jeunes, alors qu'un seul match de football serait apte à l'accomplir brillement, n'est pas à inscrire dans l'orthodoxie budgétaire avec ce qui pèse comme menace économique sur le pays. Le baril est en chute, la réserve se tarit. Adieu l'aisance, adieu le social. Encore rien n'est sur, l'on continuera toutefois à distribuer les cadeaux de noël à Taghit. La jeunesse, au rythme où vont les affaires publiques va hériter d'une grave crise. On l'aide à manger son avenir.

Les propos de la présente chronique n'ont pas pour trame essentielle de cerner la complexité situationnelle des jeunes. Celle-ci est digne d'une savante expertise aussi longue qu'est leur aspiration. Ces propos donc tentent seulement d'acter pour un certain jour, qu'un jour cette frange de la société eut en particularité possessive une structure gouvernementale propre à son intitulé. « Ministère de la jeunesse » point barre. C'est la jeunesse qui sort des sports qu'elle va incessamment réintégrer. Une poire scindée en deux n'a jamais fait un fruit entier. Ce secteur bicéphale, eu égard à ses complexités de paternité est appelé à réintégrer bientôt son appellation d'origine. Pari est ainsi fait qu'au prochain remaniement, du moins l'autre ou l'après-suivant ; le divorce prononcé va être infirmé et l'union sacrée reconquerra ses repères.