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La campagne électorale le confirme : pour réformer l’économie, il faut commencer par réformer le politique

par Abed Charef

Les candidats qui ont animé la précampagne pour la présidentielle ont un profil économique très prononcé. Mais s’ils en viennent à la salle des commandes politiques, c’est parce que la réforme économique paraît impossible sans cela.

Pour faire de l’économie, il faut passer par la politique. C’est le premier constat que se sont imposés des candidats à la présidentielle en Algérie, durant le premier tour de piste de la précampagne électorale. Ayant un profil très marqué d’économistes ou de spécialistes de la finance, ces candidats à la candidature ont de faibles chances de réunir les conditions nécessaires pour participer à la compétition, encore moins pour la remporter. Ce statut leur donne, paradoxalement, une liberté de ton et une audace qu’on ne trouve pas chez les candidats considérés comme «lourds», qui se veulent plus mesurés.

Qu’il s’agisse de l’ancien Premier ministre Ahmed Benbitour ou du gestionnaire de fonds d’investissement Kamel Benkoussa, le discours et unanime. Il est impossible de mener une politique économique nouvelle sans une réforme en profondeur de la politique, de l’Etat et des institutions, disent-ils. Ali Benouari, ancien ministre du budget, installé en Suisse, est formel. Le pays a besoin de réformes politiques pour aller à «une transition douce et pacifique». Selon lui, les réformes doivent inclure une nouvelle constitution pour aller à un régime parlementaire, une séparation effective des pouvoirs, et une large décentralisation. Kamel Benkoussa, trader à la City de Londres, affirme quant à lui que «seul un Etat fort avec des institutions complètement refondues est en mesure de mener les réformes structurantes» nécessaires pour faire de l’Algérie un pays émergent.
 
REFORMER L’ETAT ET LES INSTITUTIONS

Encore plus radical, l’ancien premier ministre Ahmed Benbitour, le premier à avoir annoncé sa candidature dès décembre 2012, estime qu’il «est vital de changer la manière de gérer le pays». Plutôt versé sur les dossiers économiques, M. Benbitour n’en pense pas moins que la priorité doit aller à des actions plus larges, en vue de moderniser l’Etat et les institutions, moraliser la vie publique, revoir l’organisation territoriale de l’Etat». Il parle de «refondation» de l’Etat, incluant une refondation des institutions, de l’économie, de l’école, ainsi que la promotion des compétences nationales et la maîtrise de la numérisation. Il prône aussi une réorganisation territoriale, en instaurant une quinzaine de grandes régions qui auraient une large autonomie dans la mise en place de politiques économiques. Et puis, «les responsables doivent rendre compte de leur gestion, mais aussi de leurs déclarations», dit-il.

Soufiane Djillali, candidat du parti «DjilDjadid» (nouvelle génération), affirme qu’il veut introduire «de nouvelles fonctionnalités dans le mode de gouvernance» du pays. Selon lui, «tout le programme» qu’il propose «est conçu pour essayer de créer» cette nouvelle Algérie.

REVANCHE DU POLITIQUE

Pour M. Benouari, l’économie algérienne est ligotée, et ne peut «accéder au statut d’économie émergente sans se doter des outils d’une économie émergente», dit-il. Il prône notamment de recourir à une réforme monétaire «basée sur un nouveau dinar totalement convertible». Mais c’est là un choix politique avant d’être économique, dit-il, soulignant que la faiblesse économique influe à son tour sur le politique. «Si l’Algérie adopte l’attitude d’un Etat faible, avec un président malade et une économie extrêmement travestie, elle ne peut pas soutenir avec vigueur une politique étrangère solide et assumer un leadership au Maghreb», dit-il. A l’inverse, avec une politique hardie, et des réformes courageuses, elle peut intégrer le top 20 des pays les plus puissants dans vingt ans.

Kamel Benkoussa prône quant à lui une « refonte globale» de l’Etat. Il propose d’en réaliser les grands chantiers sur un premier mandat, et affirme qu’il faut la poursuivre au-delà de dix ans. Car, pour lui, l’Algérie souffre «d’un abandon de l’Etat». Il rejoint M. Benouari, en affirmant : «Nous n’avons pas d’image forte de l’Etat algérien. Nous avons un Etat faible».

Ultime symbole de cette reconnaissance de la suprématie du politique, le collectif Nabni, qui se voulait un think-tank centré sur l’économie, a publié un programme détaillé dont la partie la plus marquante contient des propositions politiques remarquables de précision, que lui envieraient la plupart des partis.