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Hollande attaqué de partout résiste

par Pierre Morville

La France se déchire dans des polémiques, souvent sans intérêt. Et de semaine en semaine, une querelle chasse l'autre, sur fond de chômage grandissant. Il existe dans toutes les nations. une certaine propension à l'auto dénégation.

Mais il est vrai que les Français sont incontestablement les champions du Monde dans au moins deux domaines : la pétanque et la capacité à dire du mal d'eux-mêmes, et ce le plus fortement possible. Pour ne pas tomber dans cette dernière catégorie, rappelons que la France dispose néanmoins d'une des meilleures écoles de mathématiciens du monde, qu'elle maîtrise plutôt bien l'énergie nucléaire, la philosophie, les nouvelles technologies, les trains à grande vitesse, le cinéma intello (bon, là, je suis d'accord, ça se discute) et l'armement, que l'excellence de notre cuisine est reconnue au-delà de la Voie lactée, et que Paris est évidemment la plus belle ville de tous les continents (avant Marseille et Montpellier, concurrencées de très près par Alger et Oran?).

Il n'empêche. Les Français ne vont pas bien et râlent tout le temps. Quand on regarde les innombrables sondages, quand on lit les quotidiens, quand on écoute ou regarde les innombrables talk shows et autres émissions de débats sur les très innombrables chaînes de télévisions et de radios, on en sort quotidiennement convaincu : " tout va mal, rien ne va plus, tout fout le camp ! ". Et les très nombreux Français qui interviennent sur les ondes, interrogés sans cesse par téléphone, le confirment : " Je peux vous l'attester personnellement : ça va mal de chez très mal ! ".

Les Français, pessimistes dehors, optimistes à la maison !

Un sondage publié en fin d'année dernière souligne que 72% des Français envisagent l'avenir de la société française de manière pessimiste.

Plus de sept Français sur dix se disent inquiets pour " l'avenir de la société française" et ils sont près d'un Français sur deux (47%) à l'être pour leur avenir personnel, selon un sondage CSA pour BFMTV publié le 30 novembre.

Selon l'étude, seuls 26% des personnes interrogées sont "optimistes" sur l'avenir de la société française, un chiffre en baisse de dix points par rapport à octobre. Le pessimisme est élevé dans toutes les catégories d'âge, particulièrement marqué chez les ouvriers et employés que chez les cadres et professions libérales.

Interrogés sur leur propre avenir, les Français se partagent plus équitablement : 49% se disent optimistes, mais ils sont en baisse de neuf points. Le niveau de pessimisme pour l'avenir personnel atteint son niveau le plus bas depuis février 2011, précise le CSA.

A l'inverse, un autre sondage réalisé début décembre par IFOP pour Coca-Cola montre que 71% Français estiment avoir de la chance de vivre à notre époque. 71% des personnes interrogées estiment avoir de la chance de vivre à l'époque actuelle. 74% ont d'ailleurs un projet personnel qu'ils espèrent réaliser. Même chez les jeunes de moins de 30 ans, ce sentiment est partagé : les deux tiers d'entre eux (66%) se trouvent bien dans l'époque actuelle. Et ils sont près de 90% à avoir un projet en tête.

Cet optimisme malgré la crise s'explique selon le sociologue Bernard Cathela par la devise suivante: "Quand je me regarde je me désole, mais quand je me compare, je me console." En effet, lorsqu'ils se comparent au passé, "les gens s'aperçoivent qu'on vit bien mieux que nos grands-parents, on vit plus longtemps, on vit en meilleure santé, on a un système de santé qui marche bien", explique ce sociologue. Ce qui compte avant tout c'est "moi, ma tribu, ma famille, mes amis, potes de travail, mon club?", avance le sociologue. Tout en cherchant "la convivialité, une forme d'affectivité partageuse qu'on retrouve d'ailleurs sur les réseaux sociaux sur Internet." Pour garder le moral, ça ne se passe plus en société, on reste dans sa bulle.

Alors que valent tous ces résultats plutôt contradictoires ? En matière de sondages, le type de questions posées, le panel des interviewés choisis induisent souvent les réponses recherchées par les commanditaires. Mais les médias en raffolent, ça fait vendre, comme les scandales, vrais ou inventés !

François Hollande et les médias : ouille !

La France, mon pays râleur, a ainsi été bouleversé, essentiellement par les médias, ces quinze derniers jours, par deux débats " historiques ", illustrés par des milliers d'articles, interviews, débats?

Est-ce que Dieudonné est un triste individu ?

Est-ce que François Hollande a trompé sa compagne ?

Je suis obligé de vous dire, hélas, la vérité : oui. Dans les deux cas. Est-que ce sont des affaires importantes ? Non, en aucun cas.

Prenons " l'affaire Dieudonné ". Dieudonné est un humoriste, d'origine franco-camerounaise, parfois talentueux mais qui a mis son humour au soutien à des causes d'extrême-droite, embrassant des thèses racistes, xénophobes et antisémites (Notons à ce propos, que les langues sémitiques, du nom de Sem, dernier fils de Noé selon la Bible, regroupent beaucoup de monde : des juifs aux arabes, des descendants des Phéniciens aux Ethiopiens). L'offensive de Manuel Vals, ministre de l'intérieur, visant à interdire un spectacle de Dieudonné, (nouveau héros du Front national qui peut devenir le 1er parti politique de France), pour trouble à l'ordre public, a eu deux conséquences déplorables : tout d'abord, il pose de sérieuses questions de droit sur la liberté d'expression. Ce droit constitutionnel est garanti à tous par définition et s'étend jusqu'aux ennemis de notre constitution républicaine. L'initiative musclée de Manuel Vals a également fait connaitre Dieudonné à des millions de Français très agacés par la politique actuelle du gouvernement, en le rendant paradoxalement populaire dans certains milieux, défavorisés ou non. Joli résultat !

Dans cette opération menée par les élites énarchiques de la France au nom de la bien-pensance mais aussi pour détourner l'opinion, en ce début d'année, des vrais sujet qui fâchent, comme la supposée inversion du chômage fin 2013, promise par le président, les médias ont servis de caisse de résonnance.

Quelques jours plus tard, retour de bâton. Un magazine " people ", " Closer ", révélait que François Hollande, énarque et Président de la République française, avait une maitresse ! Information immédiatement relayée par tous les médias.

Et alors ? Si l'on faisait la liste des " aventures sentimentales" des dirigeants de la Vème République française depuis 1958, à l'exception notable du Général De Gaulle et du 1er ministre socialiste Lionel Jospin, une édition spéciale du Quotidien d'Oran n'y suffirait pas. Vaudeville?

Notons tout de même que les " révélations " de " Closer " intervenaient quelques jours avant une très longue conférence de presse présidentielle (près de 3heures devant 500 journalistes !) qui s'est déroulée mardi dernier, relayée par les télévisions et les radios. Curieuse coïncidence.

François Hollande a été relativement convaincant dans sa contre-offensive médiatique même si les Français attendaient surtout des réponses probantes sur deux questions essentielles : leur emploi et leur revenu. Pour l'instant, ils restent sur leur faim. Certes, le Président de la République française s'est fortement engagé dans un " Pacte de responsabilité " qui engagerait l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et les partenaires sociaux, les organisations patronales et syndicales, sur plusieurs objectifs, valoriser une " logique de l'offre ", faire baisser le coût du travail tout en promettant de maintenir le pouvoir d'achat et réduire la dépense publique pour compenser le tout. 50 milliards d'économies sur la dépense publique d'ici 2017 vont ainsi être réalisés, a annoncé François Hollande qui semble avoir oublié que le budget de l'Etat tire à lui seul pour un tiers, la croissance du PIB français. Moins de budget public, moins de croissance?

Est-ce réaliste et est-ce que c'est l'attente des Français ? François Hollande a pris en ce début d'année un tournant politique très favorable aux entreprises, " principaux créateurs de richesses " et l'on est passé par paliers, depuis 18 mois d'exercice du pouvoir, de la social-démocratie au " social-libéralisme " où le poids du marché libéral devient déterminant, où l'Allemagne devient l'exemple à suivre, où l'Europe fédérale prend le pas sur les nations alors que la crise de l'Euro est loin d'être terminée et connaitra peut-être un rebond dans les mois qui viennent?

Mais pour l'instant, François Hollande, devenu " social-libéral ", a néanmoins plutôt réussi sa conférence de presse de nouvelle année, dans un contexte qui lui reste cependant largement défavorable.

Tunisie : morne 3ème anniversaire

Le 17 décembre 2010, l'immolation du jeune Mohammed Bouazizi impulse la " révolution de Jasmin " et le 1er mouvement des printemps arabes. Le 14 janvier 2011 le président Ben Ali s'enfuit vers l'Arabie saoudite. La Tunisie a donc célébré, mardi, le 3e anniversaire de la chute du régime Ben Ali, mais dans une assez grande discrétion :

Le président Moncef Marzouki, le Premier ministre islamiste démissionnaire Ali Larayedh et son successeur désigné, Mehdi Jomaâ, accompagnés de hauts responsables politiques et militaires, ont participé à une brève cérémonie de lever du drapeau, place de la Kasbah à Tunis. L'adoption d'une nouvelle Constitution avait été promise pour cette date symbolique, ce qui ne fut pas réalisé en raison de désaccord politiques multiples.

Un tiers des quelque 150 articles doivent encore être examinés et des dispositions clés sur l'exécutif et le pouvoir judiciaire ont été rejetées dans un climat houleux à la Constituante.

Toutefois, pour Béligh Nabli, directeur de recherche à l'IRIS, " la Tunisie confirme sa mue politique, certes difficile et heurtée, mais réelle. Le pays vit aujourd'hui une accélération de son processus de transition constitutionnelle, qui intervient après une grave crise politique avec la paralysie de l'Assemblée constituante à la suite de l'assassinat, le 25 juillet 2013, de Mohamed Brahmi, un député de l'opposition tué par balles comme l'avait été avant lui une autre figure de l'opposition de gauche, Chokri Belaïd et sur fond de dégradation de la situation sécuritaire, économique et sociale ". Pour ce chercheur, l'affirmation des contre-pouvoirs de l'opposition et de la société civile ont cependant forcé les islamistes d'Ennahda à faire preuve de plus de pragmatisme et d'ouverture, non sans arrière pensée stratégique et électorale. Une posture qui a permis au " dialogue national " mené en particulier par les syndicats des salariés et du patronat : l'UGTT et l'UTICA, de s'ouvrir et " d'aboutir concrètement à l'avènement d'un nouveau gouvernement restreint, composé d'" indépendants " ou du moins de personnalités non encartées, dirigé par Mehdi Jomaa ". Celui-ci est chargé de préparer les prochaines élections ( promises libres et transparentes) législatives et présidentielle.

Coté Constitution, beaucoup de travail reste à faire mais le chercheur note cependant des progrès significatifs " Outre la consécration de libertés et droits fondamentaux, individuels et collectifs, dont l'égalité entre les citoyens et les citoyennes (" égaux devant la loi sans discrimination "), un article topique mérite d'être souligné : " L'Etat est le gardien de la religion. Il garantit la liberté de conscience et de croyance et le libre exercice du culte ". D'un côté, le principe de la liberté de conscience est consacré (ce qui en soi est exceptionnel dans le monde arabe) et la charia (ou Loi islamique) n'est pas " constitutionnalisée " ou reconnue comme source formelle du droit civil tunisien, l'Etat tunisien est " civil ", précise le chercheur.

Mais les principales préoccupations populaires sont aujourd'hui d'un tout autre ordre : le niveau de l'inflation atteint de telles proportions que les avancées politiques et démocratiques risquent d'être annihilées par les défaillances économiques et les régressions sociales. " Le sentiment de désenchantement démocratique et un discours populiste ou " anti-classe politique " gagnent le peuple tunisien " conclut Béligh Nabli.