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Beaucoup de suspense, peu de ferveur

par Abed Charef

Semaine cruciale pour l'Algérie. Le processus électoral pour la présidentielle d'avril va être lancé, mais rien ne garantit que la vie politique va s'emballer.

C'est une semaine décisive qui commence en Algérie. Dans quelques jours, se dessineront les contours de ce que sera l'élection présidentielle d'avril 2014. Avec, coup sur coup, l'annonce probable de la candidature de M. Ali Benflis, la convocation du corps électoral par le président Abdelaziz Bouteflika, et des éclaircissements sur ses intentions.

Dès dimanche, M. Benflis devrait annoncer sa candidature, qui ne fait plus de doute. Ses proches sont formels. Il ira à la bataille, que M. Bouteflika soit candidat ou non, assurent-ils. Celui que la presse présente comme le rival le plus sérieux du président Bouteflika, a décidé de tenter l'aventure, malgré la terrible épreuve de 2004, quand il avait été laminé par l'appareil d'Etat mobilisé au profit du chef de l'Etat.

M. Benflis avait été échaudé, ce qui l'avait poussé à zapper l'élection de 2009. Pourquoi a t-il décidé de tenter de nouveau l'aventure en 2014? La maladie de M. Bouteflika apporte une partie de l'explication. Dans un pays normal, en cas de duel avec M. Bouteflika, M. Benflis n'aurait pas besoin de livrer bataille, pour des raisons évidentes. Mais en Algérie, rien ne fonctionne normalement. Et comme pour les scrutins présidentiels antérieurs, il est évident que la décision finale est prise ailleurs, par les fameux « décideurs». Une décision qui sera validée par l'appareil d'Etat, lequel se mettra en branle le moment opportun pour au profit de « l'élu». M. Benflis a t-il des raisons de penser que ce scénario ne sera pas exécuté ? Ou bien pense-t-il avoir les moyens de le contourner ? Il devrait donner des éléments de réponse dimanche prochain.

Le chef de l'Etat, quant à lui, a choisi de subir de nouveaux contrôles médicaux avant de convoquer le corps électoral. Il était obligé de faire le voyage avant le début de la campagne électorale, car toute hospitalisation, entre le lancement du processus électoral et l'élection elle-même, se retournerait contre lui.

A priori, M. Bouteflika va encore attendre avant d'annoncer son choix concernant sa propre candidature. Mais les médias publics ont déjà annoncé la couleur, en diffusant des spots louant son bilan. L'entourage de M. Bouteflikaet les membres du gouvernement qui s'expriment sur le sujet restent dans le vague, car la moindre certitude risque de tuer le vote. L'élection risque en effet de perdre tout son intérêt dès le moment où la candidature de M. Bouteflika sera confirmée.

Cette candidature peut-elle être abandonnée ? Le certificat médical que M. Bouteflika ramènera du Val de Grâce sera décisif. Ce qui pousse un analyste à affirmer que « les médecins du Val de Grâce seront les premiers arbitres» de la présidentielle algérienne. Ils auront la charge de «valider la candidature ou d'exclure le joueur le plus important dans cette compétition», dit-il. Au final, ces médecins risquent d'avoir plus de poids sur la vie politique algérienne que les électeurs !

CERCLES ET RESEAUX DE POUVOIR

Le moment de s'intéresser à ces électeurs n'est pas encore arrivé. Mais les choses vont s'accélérer dès cette semaine, pour déboucher probablement sur de nouvelles surprises : il n'y a pas de carte électorale en Algérie. En dehors du vote pour le candidat considéré comme étant celui du pouvoir, il n'y a aucune règle pour évaluer un scrutin. Les clivagestraditionnels sont absents, ou rejetés au second plan.

Il y a, certes, un microcosme d'idées, de convictions, de propositions, de réflexion, mais il est très limité en nombre, et son impact sur la société reste très modeste. Il y a ensuite des réseaux d'intérêts, puissants, mieux structurés, capables d'influer sur l'opinion, mais soucieux d'abord d'accompagner les décisions du vrai pouvoir. Rédha Hamiani, président du FCE, l'a crûment admis : la politique économique de M. Bouteflika «nous convient», a-t-il dit, mais il a refusé de se prononcer sur une éventuelle candidature du chef de l'Etat, préférant attendre que l'intéressé se déclare.

Quant aux réseaux de pouvoir qui ont supplanté les partis politiques, ils sont capables de voter dans n'importe quelle direction. Dans les partis, ils peuvent, aujourd'hui, voter pour Amar Saadani ou Ahmed Ouyahia, à la tête du FLN et du RND, et de se désavouer demain pour soutenir Abdelaziz Belkhadem ou Abdelkader Bensalah. Sans état d'âme. Pour la présidentielle, aucun « militant» du FLN n'a de certitude, aujourd'hui, pour qui il va voter.

A côté de ces appareils de pouvoir, il y a une Algérie « out». c'est la plus nombreuse. Elle est soucieuse de paix et de stabilité. C'est une Algérie qui ne demande qu'à vivre, en espérant mieux accéder à la rente, si possible. Comme dans tous les pays du monde, cette Algérie vote traditionnellement pour le pouvoir en place. Et c'est cette Algérie qui, au moment voulu, validera, dans l'urne, la décision prise au sommet. Une décision qui pourrait devenir publique très rapidement, peut-être dès cette semaine.