Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

GHARDAÏA, ACTE II

par Moncef Wafi

Intervenant, hier, en marge d'une séance du Conseil de la nation consacrée aux questions orales, le ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, a affirmé, avec aplomb, qu'il n'y a aucune preuve «tangible» de l'implication de mains étrangères dans les incidents de Ghardaïa. Il ajoutera, avec la même gravité, qu'il se peut qu'il y ait des mains non étrangères à l'intérieur du pays qui, peut-être, cherchent le pourrissement. Mais qui a accusé encore ces fameuses mains étrangères d'être derrière ce qui se passe dans la région du M'zab ? Alors que la formule est consacrée propriété intellectuelle de l'Etat algérien, qu'on nous ressort à chaque fois qu'un pneu est brûlé par un citoyen excédé, la main étrangère est le prétexte usité, galvaudé, mâché et recraché par les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays en panne d'explications rationnelles au ras-le-bol du peuple.

Et cette hypothèse de mains non étrangères, donc nationales, qui sont, peut-être, selon la terminologie ministérielle, responsables de la violence intercommunautaire. Une nouveauté dans les explications habituelles des locataires du fauteuil de l'Intérieur mais qui renseigne sur l'incapacité actuelle du gouvernement à endiguer le conflit à Ghardaïa. Mais comment peut-on avancer une telle accusation sans craindre de voir la violence se répandre en dehors des murs de la wilaya ? Les propos du ministre sont graves et le fait d'accuser, même en y mettant les formes, d'autres Algériens d'être derrière l'embrasement de la région doit appeler à un débat plus poussé et une enquête judiciaire pour en dénouer tous les fils.

Cette tentative d'explication de Belaïz conforte quelque part le communiqué d'octobre dernier des notables de la vallée du M'zab qui ont dénoncé des parties, sans les citer, qui ont manipulé ces événements à des fins obscures. Les rédacteurs du communiqué n'avaient pas trouvé mieux que de s'en prendre à la couverture médiatique de ces événements en la fustigeant, sans appel, la qualifiant de contraire au «travail journalistique noble» et de «pratiques irresponsables». Pour eux, cette couverture médiatique est un «précédent dangereux», une «apologie» et une «incitation à la division visant la déstabilisation de la région et, par là même, du pays en essayant d'induire en erreur sa jeunesse». Rien que cela.

Le ministre de l'Intérieur soulignera certainement en direction de la presse nationale que l'action du gouvernement dans la région n'a pas échoué. L'information semble peut-être restée à Alger puisque sur le terrain et à Ghardaïa, on continue toujours à se faire la guerre. Car comment peut-on évoquer un quelconque succès alors que le cycle de la violence se perpétue au fil des exactions et des sentiments d'injustice ? Même si la situation à Ghardaïa est «maîtrisée» sur le plan sécuritaire, selon les affirmations du ministre, le mal est plus profond et la répression ne fera qu'exacerber les haines. C'est vite oublier qu'un mort, quel qu'il soit, Arabe ou Mozabite, malékite ou ibadite, pour reprendre la terminologie en vigueur, appellera toujours à être vengé. En attendant que la raison l'emporte.