Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Election présidentielle algérienne 2014 : note explicative

par Kamel Kacher *

Le président Abdelaziz Bouteflika est probablement déçu.

La veille des présidentielles algériennes il avait par prévoyance évincé les potentiels prétendants à la magistrature suprême, qui sont les Ouyahia, Belkhadem & Co, juste après les législatives de 2012.Il nomme un premier gouvernement en septembre 2012 avec Sellal à sa tête, prépare un aménagement de la constitution, prévoyant un poste de vice-président, pour bien verrouiller son pouvoir. Bouteflika voyait donc s'ouvrir devant lui la voie menant directement au quatrième mandat.

Mais tout s'est avéré vain. L'AVC d'avril 2013 a porté un coup dur à cette stratégie, la révision de la constitution est reléguée aux calendes grecques. La question qui se pose à Bouteflika est comment préserver les intérêts du clan présidentiel ? Il procède, en urgence, par un second remaniement gouvernemental en septembre 2013, avec toujours Sellal à sa tête, mais en octroyant les postes clés aux membres du clan les plus fidèles, Belaiz à l'intérieur, Louh à la justice, Medelci au Conseil Constitutionnel, sans oublier Gaid Salah comme ministre délégué à la défense, chef d'état major, et Messahel à la communication.

En dépit de ses promesses généreuses, et des sommes colossales dépensées ( plus de 500 milliards de $ US), en quinze années de règne, Bouteflika et ses gouvernements successifs(Benbitour, Benflis, Ouyahia, Belkhadem, Sellal) n'a pas réussi à relever le niveau de vie de la population ou à museler la corruption effrénée. Le pillage économique à grande échelle s'est poursuivi, seuls les clans mafieux s'y livrant ont en profité.

Celui qui doit se sentir dans ses petits souliers, c'est bien le président Bouteflika qui se retrouve entre le marteau et l'enclume. Néanmoins, sur la toile de fond des résultats économiques peu reluisants pour lui, Bouteflika n'a plus rien d'autre à faire que de se pénétrer du sage proverbe : "Faute de blé on mange de l'avoine" et de contracter un mariage d'intérêt avec l'une ou l'autre partie.

Des négociations entre le président et Benflis oblige nécessairement Bouteflika à consentir à de douloureux compromis politiques et aussi à s'exposer à un danger bien plus grand. Un accord avec Benflis ne serait probablement pas stable. Ce qui prévaut ici ce ne sont pas des questions de sympathie ou d'antipathie personnelle entre les deux personnalités politiques, mais le fait que dans le passé, des désaccords étaient visibles aussi bien dans le domaine de l'économie, dans lequel Benflis manifeste un sens de l'Etat plus développé que le libéral Bouteflika, que dans celui de la politique où Benflis ne partage pas l'enthousiasme du président sur la question des relations avec la mouvance islamiste et les pays du Golf.

Les politiques occidentaux chargés d'élaborer la stratégie dans la zone MENA en sont bien conscients. Des signaux en provenance des Etats-Unis et de la France poussent Bouteflika vers un accord avec Benflis, que le président pourrait, sans perdre la face, présenter comme "un acte de réconciliation nationale dans le pays profondément scindé".

La confusion et le désarroi qui règne dans l'entourage de Bouteflika ne peuvent pas effacer l'ombre de l'usurpation qui pèserait sur chaque action du pouvoir en cas du choix d'un quatrième mandat. Il ne reste à Bouteflika qu'à choisir entre les différentes solutions que lui proposent les différents clans pour arriver à un compromis. D'ailleurs, sa marge de manoeuvre est limitée. Bouteflika et Benflis ont des visions différentes sur l'avenir de l'Algérie. Si le premier voulait édifier un système politique typiquement bonapartiste, s'appuyant sur la majorité de la population défavorisée et lasse de la mainmise des fonctionnaires, le second prône la démocratie bureaucratique d'une Algérie riche.

Il y a les partisans du statu quo, ceux qui ont peur pour leurs situations acquises et leurs privilèges, mais aussi ceux qui redoutent un changement brutal, non contrôlé, susceptible de conduire à des désordres publics gravissimes. C'est cette idée de la transition et du compromis qui fait son chemin.

En raison de la maladie du Président, qui est venu fausser les calculs du quatrième mandat, le clan a concocté un plan B dans la perspective de peser dans la succession pour pouvoir obtenir une assurance d'impunité.

Parmi les potentiels présidentiables qui sont A. Benflis, A. Sellal, A. Ouyahia, A. Belkhadem, M. Hamrouche et A. Benbitour, pour que le scrutin ait les apparences d'une compétition disputée, sans compter les simples figurants et les lièvres récurrents et sans poids politique réel qui sont L. Hanoune, F. Rebaine, M. Touati, qui à force de courir et de concourir ont perdu toute crédibilité auprès de l'opinion publique, les seules personnalités qui ont donner lieu à des tractations sérieuses pour le scrutin prochain sont Sellal et Benflis.

L'autre alternative à laquelle les décideurs ont probablement pensé est qu'A. Bouteflika se présente, car pour extravagante qu'apparaitrait aux yeux de l'opinion cette option, la finalité est de préserver la stabilité du pays dans un environnement géostratégique instable et dangereux. Mais sous conditions que juste après son réélection il procède à la révision constitutionnelle, en instituant le poste de vice-président avec de larges prérogatives et le retour à la norme de limitations à 2 du mandat présidentiel. Il cédera juste après son poste au vice-président qui gérera la transition, celle-ci ne dépassera pas les deux années. Le temps de préparer des élections présidentielles anticipées, ouvertes et transparentes. Date butoir 2016. Le candidat idéal pour ce poste, pour gérer la transition, s'il n'est pas déjà choisi, ne peut être qu'A. Sellal.

Benflis jouera le jeu pour crédibiliser le scrutin 2014 en échange de l'assurance d'obtenir le quitus pour devenir le futur président lors des élections présidentielles anticipées de 2016.

Attendant pour voir ce que les jours prochains nous révèlent. Les électeurs n'auront qu'à plébisciter le choix que feront les décideurs de l'establishment algérien.

Le flou maintenu jusqu'à présent sur les élections présidentielles rend les conditions du compromis si complexes qu'il est impossible de prédire le résultat. L'équation algérienne a toujours été à plusieurs inconnues. Toutes connues.

* Expert en Global Risk Management , Conseiller Supérieur en Management & Communication