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Syndicat national des enseignants chercheurs et hospitalo-universitaires : «70% des praticiens travaillent au noir dans les cliniques privées»

par Ghania Oukazi

Le président du Syndicat national des enseignants chercheurs et hospitalo-universitaires estime qu'une éventuelle suppression de l'exercice de l'activité complémentaire risque d'être contre-productive.

Premier à réagir à la proposition de loi de députés relative à l'abrogation de l'article consacrant l'exercice de l'activité complémentaire dans les cliniques privées par les praticiens de service public tel que rapporté par notre édition d'hier, est donc le Syndicat national des enseignants chercheurs et hospitalo-universitaires (SNECHU). Son président, le Professeur Nacer Djidjeli qui est chef de service pédiatrie de l'hôpital de Belfort (El Harrach), conseille en effet, qu' «il faut lever le tabou de cette activité parce que dès qu'on en parle, ça irrite les poils de tout le monde, il faut en parler sereinement.» Il note en premier, qu'«il y a énormément de collègues à nous qui l'exercent, ce ne sont pas que les hospitalo-universitaires, il ne faut donc pas en faire leur affaire à eux uniquement.» Son autre remarque, «l'activité complémentaire est exercée un peu partout dans le monde, l'Algérie n'est pas une exception.» Le Professeur nous fait même savoir qu'un des responsables des hôpitaux de Marseille a affirmé à certains de ses confrères algériens que «cette activité apporte de la notoriété à l'hôpital et ça lui fait rentrer de l'argent.» Seulement -et c'est là toute la différence- «cet exercice est réglementé ailleurs d'une manière claire, stricte et rigoureuse,» reconnaît le Professeur Djidjeli. Il pense ainsi que «c'est une question de fermeté, il faut que l'administration applique la réglementation.» Bien qu'il avoue qu'il y a effectivement des dépassements dans ce domaine, le président du syndicat est persuadé que «la suppression de l'activité complémentaire n'est pas la solution qu'il faut pour y mettre un terme.» Il rappelle que cette activité était exercée chez les privés par les personnels du secteur public, avant même que le décret l'autorisant n'ait été signé.

Une enquête sur le fonctionnement des établissements de santé publique que le syndicat national a mené il y a moins de deux ans, a fait ressortir, selon notre interlocuteur que «70% des praticiens du secteur public travaillaient au noir dans les cliniques privées, c'est-à-dire sans autorisation.» Le chef de service estime que « seuls les 30% restants exercent l'activité complémentaire d'une manière légale, respectent ainsi la réglementation en vigueur, l'éthique et la déontologie.» Ce qui le laisse dire que «si on le fait, ça pénalisera ces 30% puisque les 70% ne se sont pas gêné pour la pratiquer au noir, ils ont toujours nargué les lois et ceux qui les ont élaborés.» Il en conclut que «la suppression ne changera rien du tout à cette situation.» Il pense même que «ça pourrait provoquer le contraire, les 30% qui travaillent en toute légalité, le feront eux aussi au noir.»

«IL FAUT APPLIQUER LA SANCTION LA PLUS SEVERE!»

Le Professeur Djidjeli souligne alors que «le ministère de la Santé doit surveiller tout le temps, partout, sans faillir et constamment.» Bien qu'il reconnaît que «la tâche n'est pas aussi simple parce que le ministère n'a pas les moyens qu'il faut pour s'en acquitter de la sorte», il n'est pas pour «baisser les bras, sûrement pas !» Pour atténuer de ces violations des règlements et lois en vigueur, le SNECHU propose par la voix de son président, «l'autorisation de l'exercice de l'activité complémentaire à tous les praticiens du secteur public, tous grades confondus, uniquement les week-ends et jours fériés. Il faut que ça soit réglementé ainsi». Des jours où les praticiens sont comptables d'eux-mêmes, ils ne sont donc pas tenus en principe de demander des autorisations pour activer ailleurs. Mais le Professeur n'en démord pas. Il ne faut plus, selon lui, que cet exercice soit permis une journée dans la semaine, «ça pénalise trop les services des hôpitaux,» estime-il. Avec ça, il insiste sur ce qui est à ses yeux «le plus important, que l'administration doit appliquer la réglementation dans toute sa rigueur et en cas d'infraction, il faut appliquer la sanction la plus sévère et la plus exemplaire qui soit, et ce quelque soit le grade ou le poste du praticien qui l'a commise.» Il prévient même que «jamais le syndicat ne défendra un confrère qui a commis une infraction.» Cette rigueur dans la prévention des dépassements, le Professeur Djidjeli en fait une demande pressante au ministère de la Santé. «On l'exige même !» dit-il. Il affirme qu'en même temps, «les cliniques privées doivent être mises devant leurs responsabilités, il faut qu'elles tiennent un tableau précis des noms de tous leurs intervenants du public, les dates et heures précises de leurs actes médicaux et autres précisions impératives au contrôle et suivi de l'activité complémentaire.» A défaut, recommande-t-il «ces cliniques risquent carrément la fermeture, il faut y aller, il ne faut plus tergiverser, il faut réglementer !» Le Professeur ne manque pas de souligner qu' «en parallèle, les services hospitaliers doivent être minutieusement évalués, dans leur manière de recevoir les patients, la qualité des actes médicaux dont ils doivent s'acquitter, la qualité de leurs programmes de santé, leur prise en charge des étudiants, la formation qu'ils sont tenus d'assurer.» En cas de «mauvaises notes», notre interlocuteur suggère que « l'équipe du service défaillant dans son ensemble ne doit pas bénéficier de l'activité complémentaire, elle lui sera interdite.» Le débat est ouvert. Il faut juste souligner que ce que propose le professeur Djidjeli est contenu dans une large mesure comme dispositions réglementaires dans les lois et circulaires en vigueur que les ministres de la Santé qui se sont succédés ont signées. C'est le contrôle et la sanction qui manquent le plus. Manque dont la gouvernance nationale semble faire une vertu dans tous les domaines.