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Le chaud et le froid

par Ali Brahimi

Jadis, les familles algériennes mangeaient le pain de blé d'Algérie. C'était le temps de l'indépendance alimentaire et de la confiance au génie des paysans algériens.

Rôties à petit feu sur des plateaux en terre cuite (tajines), les galettes de blé ou d'orge étaient tout de suite enveloppées dans des mor ceaux de draps en laine (mendils), tissés a la main, afin qu'elles gardent leur saveur intacte pendant des semaines. Les familles algériennes avaient des âtres en terre cuite et assez de réserves en bûches et des copeaux de bois afin de faire cuire les galettes et préparer les soupes au mois du Ramadhan. Malgré le peu d'aliments qu'elles avaient, elles étaient rassasiées car elles se contentaient de peu de choses et n'amassaient pas excessivement de nourriture.

 Et au cas où des chefs de familles citadines, achetaient quelques baguettes de pain, à la boulangerie du coin, ils les cachaient sous leurs burnous, en hiver, et les gandouras la saison estivale, des regards indiscrets. En effet, c'était malséant et déshonorant d'aller chez le boulanger sauf pendant la période des fêtes pour faire cuire les gâteaux, ou des grosses galettes durant la première semaine du Ramadhan. Et ce sont les filles ou les garçons qui s'occupaient de porter Khobz edar, avant et après cuisson, auprès des boulangeries. C'était tout un cérémonial inoubliable.

Par la force des choses, de nouvelles habitudes alimentaires ont eu le dessus sur les anciennes. A l'évidence, confectionner le pain de maison, c'est fatigant et coûteux pour les uns et démodé chez les autres qui préfèrent le « prêt-à-manger », y compris chez des gargotiers, avec les risques de salissures nuisibles à la santé/. A l'image des viandes insuffisamment congelées, fruits et légumes non lavés, gâteaux avariés, voire de l'eau minérale et des glaces polluées ou périmées.. Pour le moment ce n'est pas le seuil de la catastrophe, néanmoins les médias et les médecins sonnent l'alarme, chaque été, puisque des intoxications alimentaires à cause des salmonelles, dysenteries, etc., ont été signalées partout en Algérie.

Jadis, les aliments étaient consommés le jour même, puisqu'il n'y avait pas de moyens de stockage frigorifiés et le cas échéant, ils étaient salés et poivrés. Boucané, la viande est conservée dans des grandes jarres entreposées dans les caves ventilées et réfrigérées naturellement. Cette manière de conserver les denrées puise ses origines dans la civilisation andalouse, et plus loin encore dans l'histoire.

 A ce sujet, un médecin andalou, probablement d'origine égyptienne, prénommé El-Ghazi, a séjourné à la citadelle des Beni-Hamad, (1014-1153). Il attachaient aux d'arbres centenaires, tels le Cèdre aux odeurs purifiantes, des gigots de viande ovine et bovine et les laissaient ainsi exposés a l'air sain et frais de ces microclimats montagneux aux températures basses même en plein été et par conséquent permettaient relativement une bonne conservation des aliments. Une source d'eau, tempérée en hiver et assez fraîche en saison estivale, située à proximité de la citadelle hamadrenne(montagne du nord du Hodna) porte son nom jusqu'à présent. Grâce à ses multiples expériences, dans le domaine du froid, il avait prouvé que la réfrigération naturelle conserve les produits carnés. Son contemporain, l'agronome andalou, d'origine omeyyade, Ibn el âyam auteur d'un livre sur l'agriculture, avait inventé le principe de l'irrigation, par goutte à goutte, dans le jardin des connaissances, d'où le Généralife en espagnol, situé à Grenade en Espagne. Il enterrait des grandes jarres, pleines d'eau fraîche, à côté des racines d'arbres fruitiers notamment le grenadier, la vigne et le figuier. Ce sont également les Andalous qui ont mis en application le procédé de l'insémination artificielle des animaux domestiques. Ils transportaient la semence du pur-sang arabe, conservée dans des outres en peau de chèvre (guerba) appropriée du point de vue de la non variation brusque des températures, de la région du Nadjd en Arabie jusqu'en Andalousie, d'où la production et la multiplication du cheval arabo barbe qui a fait la renommée des cavaliers de l'Afrique du Nord et la région du sud de l'Espagne, du Portugal, de la France?.

 A l'occasion du défilé du 14 juillet, en France, des souches chevalines issues de ces croisements ont été observées pendant la cérémonie. Les services vétérinaires de la cavalerie française ont, au fil du temps, notamment depuis la colonisation de l'Afrique du Nord, amélioré les variétés du barbe et de l'arabo-barbe plus svelte et au sang très chaud. A partir de 1931, début de la colonisation française en Algérie, le corps militaire des Spahis (Sbeyssi), tirés aux quatre épingles, a été institué notamment dans la steppe et le Sahara de l'Afrique du Nord.

En Afrique du Nord et au sud de l'Europe, l'architecture en pisé de terre était assez répandue dont la merveilleuse Alhambra (El-Hamra) a Grenade (Espagne) et tant d'autres joyaux architecturaux ocrés au sud-ouest de la France (Toulouse)?.encore intacts a ce jour malgré les aléas du temps et du climat. Des villages voire des châteaux sont construits en parpaings d'argile, mélangée avec l'eau et de la paille, permettaient une bonne isolation thermique évaluée par les spécialistes de 5 à 10 degrés de moins en période d'été, et de plus en saison hivernale. Vendredi passé, la chaîne télévisuelle France 24 a montré un jeune inventeur algéro-francais qui a créé un soulier de sport en cuir. Selon sa démonstration, il diminuerait de trois fois la température, au niveau des pieds, par rapport à celui habituellement chaussé par les sportifs. Il était parmi la délégation des chercheurs scientifiques qui avaient accompagné l'ex-président M. Chirac au cours de sa visite en Algérie.

 En Algérie, ces derniers temps, des déclarations contradictoires, de la part des partis politiques, toutes obédiences confondues, qui ne cessent de casser les pieds des gens, notamment instruits, de plus en plus démobilisés. En effet, ils sont en train de souffler le chaud et le froid, en termes de changement de prise de position par rapport à leurs précédentes déclarations à l'encontre des pays en révolution, dans le cadre des printemps arabes qui ne cessent de se poursuivre en toutes saisons, dont l'été égyptien !

 A propos du comportement de certains gouvernants du monde occidental en train, également, de souffler le chaud à l'intention du régime égyptien en place d'une part, et du glacial à l'adresse du parti de la liberté et la justice des Frères musulmans, d'autre part. Ceci dénote l'ambiguïté des pays occidentaux dont l'Allemagne et les USA qui ont, cette semaine, demandé la libération du président égyptien destitué.

 En effet, ils ont donné l'ordre dimanche passé, au gouvernement égyptien de faire libérer immédiatement, le président égyptien déposé du fait, nous semble-t-il, de son incapacité d'estimer, à sa juste valeur, la température de la révolution du peuple égyptien dans toutes ses composantes. En plus, les peuples en révolution, ne se plieraient jamais devant un parti politique fût-il le dépositaire, soi-disant, des principes de la religion. Cela est aussi valable pour une institution s'autoproclamant garante exclusive de la souveraineté nationale. Seul le peuple est dépositaire de l'autorité. La récente visite de l'envoyé spécial des USA au Caire, M.William Burns, dénote la volonté de la Maison-Blanche à ménager la chèvre (les Frères musulmans), a toutes fins utiles, et les choux (ceux qui ont fait déchoir le président égyptien) en vue de leur signifier qu'il faut coûte que coûte garder la bonne température face à l'opposition politique surtout islamique. Selon les déclarations, du sous-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères des USA, l'Egypte ne sera, en aucun cas, comme la Syrie.

 Une allusion politique adressée a ceux qui souhaitent propager le feu dans la région du Moyen-Orient. C'est malheureux d'en arriver là, mais c'est comme ça que le monde de la politique va. Tantôt chaud, tantôt froid !