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Abdallah de Jordanie au four et au moulin

par Kharroubi Habib

Il n'a pas été fortuit que le secrétaire d'Etat John-Kerry a choisi de rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas à Amman en Jordanie. Dans cette capitale arabe, il a eu en le roi Abdallah II un ardent partisan de son initiative de relance du processus de négociations entre Palestiniens et Israéliens qui a joint ses efforts aux siens pour convaincre le président palestinien de donner son consentement pour sa reprise.

Abdallah II de Jordanie est de tous les chefs d'Etat arabes le plus favorable à la solution de création d'un Etat palestinien dans les territoires occupés quelles qu'en soient les conditions qu'Israël met pour l'accepter. Il sait en effet que l'échec de cette solution mettra en péril l'existence de la Jordanie et de sa monarchie, et cela par le fait que les sionistes qui rejettent catégoriquement l'existence d'un Etat palestinien délimité par les frontières de 1967 et militent ouvertement pour l'épuration ethnique en Israël qui doit à leurs yeux être un Etat purement juif ont remis sur le tapis le projet de faire de la Jordanie l'Etat qui devrait être celui des Palestiniens. Le roi dont le trône et la stabilité de son pays ne sont assurés que par la protection que les Etats-Unis lui accordent est partie prenante de toutes les initiatives visant à ramener Palestiniens et Israéliens à la table des négociations.

Aux Américains, il a mis à leur service le capital influence dont il dispose auprès de la direction palestinienne que préside Mahmoud Abbas. Il était donc dans la stratégie développée par la diplomatie américaine dans le dossier palestinien celui qui a eu la charge de remontrer à Abbas qu'il doit en finir avec des préalables à la reprise du processus des négociations. Mais si Abdallah a été très visible et agissant sur le volet de la négociation visant à convaincre les Palestiniens à faire « confiance » à la médiation américaine dont s'est chargé John Kerry, il a également fait l'événement sur celui de la crise égyptienne.

Abdallah II a été en effet le chef d'Etat arabe qui a le plus franchement exprimé de la satisfaction au changement intervenu en Egypte avec la destitution du président Morsi et la mise à l'écart du pouvoir des Frères musulmans. Satisfaction qui lui a fait aller au Caire pour l'exprimer sans détour aux nouvelles autorités en butte à un vaste et durable mouvement de protestation populaire pro-Morsi et Frères musulmans. C'est que le changement intervenu en Egypte conforte la monarchie jordanienne confrontée elle aussi chez elle à l'opposition des Frères musulmans locaux. Lesquels évidemment ont pris fait et cause pour Morsi et ses partisans qui n'auraient pas manqué de leur fournir aide et soutien dans leur confrontation politique avec le régime monarchique. Abdallah II a donc tout à gagner que le processus de négociations palestino-israéliennes reprenne et que la transition en Egypte réussisse et éloigne la perspective d'un retour au pouvoir dans ce pays des Frères musulmans. Il n'en demeure pas moins que le ciel jordanien est assombri par les nuages des bouleversements qui s'opèrent au Moyen-Orient et sont en train de dessiner une configuration géopolitique qui fait peser le doute sur la survivance du royaume jordanien.