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Les hallaba à deux doigts d'être accusés de terrorisme - Contrebande : 1,5 milliard de litres de carburant par an !

par Salem Ferdi



«Ça suffit !», a lancé, hier, le ministre algérien de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, en parlant du trafic de carburants qui a provoqué des pénuries mettant à rude épreuve les automobilistes. Pour lui, ce trafic est une «gangrène pour l'économie nationale».

C'est 1,5 milliard de litres de carburants qui sortent chaque année illégalement d'Algérie, a indiqué le ministre algérien de l'Energie et des Mines dans une estimation chiffrée du volume de carburants transféré vers les pays voisins. «La contrebande de carburant est une gangrène pour l'économie nationale. Ça suffit !», s'est indigné M. Yousfi lors d'une visite de travail à El-Oued. «Nous avons 1,5 milliard de litres qui sortent du pays d'une manière illégale. Cela représente un (1) milliard de DA», a avancé le ministre. Avec une telle quantité, ce sont 600.000 véhicules qui tournent au-delà des frontières du pays. M. Yousfi, tout comme son collègue du ministère de l'Intérieur, M. Dahou Ould Kablia, n'est pas très loin d'accuser les contrebandiers, les fameux «hallaba», de se livrer à du sabotage économique, voire à du terrorisme. L'accent semble résolument mis -au moins au niveau du discours- sur une volonté de s'attaquer frontalement à cette activité «frontalière» par excellence. Mais qui prend des proportions telles que les contrebandiers ne se contentent plus de siphonner les stations d'essence dans les wilayas frontalières et élargissent leur champ de «traite». Le ministre de l'Energie a affirmé que les pouvoirs publics avaient pris des «mesures fermes» en collaboration avec les autorités des wilayas situées près des frontières pour s'attaquer au fléau. «Mais il faut que tout le monde s'y mette» pour combattre ce phénomène, a-t-il souligné. Il y a quelques jours, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, a déjà élevé l'activité de contrebande de carburant en menace sécuritaire.

UN PROBLEME SECURITAIRE

Les grosses pénuries actuelles qui ne sont pas tout à fait résorbées ont poussé les pouvoirs à réévaluer les risques posés par l'activité de contrebande sur un produit sensible. Jusque-là, on s'accommodait presque d'une activité qui est en général naturelle au niveau des frontières. Mais conjuguée avec d'autres facteurs, comme la baisse de la production, cette activité est devenue trop visible et trop pesante. Avant Yousfi, Dahou Ould Kablia avait donné une estimation de 25% de la production nationale de carburant qui est, selon lui, «gaspillée et exportée illégalement» aux frontières. Il a relevé à cet effet l'énorme anomalie qui fait que la wilaya de Tlemcen «consomme plus de carburant qu'Alger». Le problème tant «sécuritaire qu'économique», est devenu tellement sérieux qu'une réunion interministérielle s'est tenue et a pris des mesures dont certaines d'ordre sécuritaires pour déclarer la guerre aux hallaba. L'une des mesures qui peut être dissuasive si elle est effectivement appliquée prévoit la saisie de «tous les moyens de contrebande du carburant, des biens des contrebandiers et d'autres mesures au niveau des stations NAFTAL». Le fait est que les «trayeurs» n'ont rien de clandestins, ils sont très aisément identifiables. Abdeltif Rebah, ancien cadre du secteur de l'énergie, a souligné que l'ampleur prise par l'activité des hallaba est d'abord un problème de respect de l'ordre public. L'extension de l'activité met «directement en cause l'efficacité des dispositifs et des organes de contrôle».

PAS TOUCHE AUX SUBVENTIONS

Les autorités privilégient ainsi la réponse sécuritaire et refusent d'entendre les appels à une révision à la hausse des prix du carburant qui ferait perdre à l'activité hallaba de son attractivité. Le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a écarté toute idée d'une levée des subventions sur le carburant et a appelé à «rationnaliser» la consommation. L'Etat continuera à soutenir les prix des carburants car une suppression de la subvention étatique à ces produits «stratégiques» est «politiquement difficile». Il a laissé entendre que même si le gouvernement voulait augmenter les prix et réduire les subventions, ces mesures ne passeront pas devant le Parlement. Cela a été systématiquement le cas durant les dernières années au point d'amener le gouvernement à renoncer à proposer ces mesures. «De par notre expérience, nous savons qu'il est difficile politiquement de supprimer (cette) subvention. A chaque fois que nous envisagions une hausse d'un dinar, nous nous heurtions à une opposition».