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La Banque d'Algérie à l'assaut de la niche des commissions sur le commerce extérieur

par Oussama Nadjib

La niche de financement du commerce extérieur dans laquelle se sont engouffrées les banques algériennes après l'instauration du Credoc en prend un coup avec un règlement bancaire qui fixe des taux d'intérêt plafonds à ne pas dépasser. Le coût des importations devrait baisser. Les consommateurs vont-ils en profiter ? C'est la question.

Des mesures destinées à encadrer le financement du commerce extérieur étaient attendues depuis plusieurs mois. Elles sont devenues effectives avec le dernier règlement de la Banque d'Algérie fixant les «règles générales en matière de conditions de banque applicables aux opérations de banque ». C'est clairement un cadrage des marges des banques privées qui ont profité de l'imposition du Credoc obligatoire ? sans effet sur la croissance vertigineuse des importations ? pour se spécialiser dans le financement du commerce extérieur. Le financement du commerce extérieur est devenu très rentable pour les banques privées qui assureraient, selon certaines estimations, le financement de plus de la moitié du commerce extérieur alors que leurs actifs bancaires ne dépassent pas les 10%. La remise en cause du Credoc n'étant pas envisageable pour des raisons «politiques », ce sont donc les rémunérations prélevées par les banques qui sont cadrées. A la baisse. Elles étaient très élevées, certains avançant la somme de 500 euros pour un crédit documentaire de 50.000 euros. Les commissions de change prélevées étaient jugées également excessives. Elles se situent entre 1 et 2% alors que la commission de la Banque d'Algérie est pratiquement insignifiante à 0,1%. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Leksaci, s'en était ému et avait en guise d'avertissement rappelé que les agréments ont été délivrés aux banques «pour faire de l'intermédiation bancaire, c'est-à-dire principalement pour collecter l'épargne et financer l'investissement». La réponse était déjà prête dans les dossiers de la Banque d'Algérie puisque le nouveau règlement est daté du 8 avril 2013 alors que sa parution dans le JO n'a été faite qu'au début du mois de juin.

UN TAUX D'INTERET EXCESSIF FIXE

Ce règlement encadre les rémunérations, des tarifs et des commissions appliquées aux opérations de banque réalisées par les banques et établissements financiers. Outre une obligation d'informer les clients et le public des conditions de banque pratiquées par les opérations, le règlement prévoit que les «taux d'intérêt effectifs globaux sur les crédits distribués par les banques et établissements financiers ne doivent, en aucun cas, dépasser le taux d'intérêt excessif fixé par la Banque d'Algérie. Le règlement plafonne les tarifs des commissions prélevées par les banques, au titre des opérations de commerce extérieur à l'import et de transferts de revenus. Des montants plafonds ou maximum sont fixés pour le crédit documentaire, la remise documentaire ou tout autre transfert. (Voir encadré). La Banque d'Algérie corrige ainsi un des effets collatéraux le plus coûteux de l'imposition du Credoc qui a créé, selon la formule d'un banquier privé, un «effet d'aubaine ». Les banques privées ne sont en général pas très communicatives sur cet aspect. Mais Algeria Gulf Bank (AGB) souligne dans son rapport annuel 2011 «une hausse des commissions très marquée due, dans une forte proportion, au développement de l'activité commerce extérieur qui a vu la valeur des transferts vers l'étranger augmenter de 27% pour atteindre 2,4 milliards de dollars en 2011». Les banques privées se sont spécialisées dans le créneau et leur efficacité a été un facteur d'attractivité qui leur a permis de prendre un tiers de parts de marché.

A QUI PROFITE LA BAISSE ?

La mesure va nécessairement avoir un impact sur les banques privées qui se sont excessivement spécialisées dans le financement du commerce extérieur. «Elles vont devoir s'adapter et montrer qu'elles ont suffisamment de flexibilité et de capacités managériales » pour développer d'autres activités. Des spécialistes estiment excessif cependant de parler de «risque de faillite ». Mais la grande question est de savoir si le cadrage à la baisse des commissions prélevées par les banques aura un impact sur les prix des produits finis et semi-infinis importés en Algérie. Théoriquement, les importateurs devraient répercuter cette baisse. L'ancien président de l'Abef, Abderahmane Benkhalfa, en doute et craint un risque d'accaparement de cette baisse par les importateurs et les autres acteurs du circuit de distribution. Il souhaite que les services de contrôle du commerce se mobilisent pour que cette baisse des coûts des importations profite aux consommateurs et aux producteurs. «Si les prix ne baissent pas, l'opération décidée par les autorités bancaires n'aura pas atteint ses effets souhaités », a-t-il déclaré.