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Réda Hachlef, SG de l'Association des minotiers privés «Il y a toujours un décalage entre la prise de décision et son application»

par Abdelkader Zahar

Le Sg de l'association des minotiers privés explique dans cet entretien les raisons des tensions survenues sur la farine. Il revient sur la relation entre sa profession et celle des boulangers.

Où en est cette crise de la farine qui revient régulièrement ? La tension sur la farine est due à la non linéarité de la demande. C'est à dire que la demande augmente en hiver, les Algériens consomment beaucoup plus de pain, ensuite elle diminue en été et une bonne partie du mois de Ramadan. Durant l'hiver 2008, nous avons été confrontés à la même situation alors l'OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) a ajouté des quantités durant cette période. En 2009, il n'y a pas eu de tension, parce que la quantité ajoutée par l'OAIC en 2008 a été importée par les privés en raison de la baisse des prix du blé à l'international. En 2010, nous sommes revenus à la même situation de 2008, c'est-à-dire que les prix à l'import sont tellement élevés qu'il est très difficile d'en acheter pour vendre une farine à un prix subventionné. Les pouvoirs publics ont donc pris le relais en donnant 60% de quotas aux moulins au lieu de 50% auparavant.

A quelle quantité correspondent ces 60% ?

Disons qu'on a pratiquement rajouté une journée par semaine. Logiquement cela devrait régler le problème comme en 2008. A mon avis, cela devrait rentrer dans l'ordre le temps que les marchés soient alimentés.

Est-ce qu'il existe des mécanismes ou bien s'agit-il de décisions prises par à-coups pour faire baisser une tension sur le marché de la farine ?

C'est l'OAIC qui a la charge de la régulation dans le secteur céréalier. Quand il y a des perturbations dans les bourses, l'Office doit intervenir pour réguler le marché local. Dans le passé, il n'y avait pas le Comité interprofessionnel des céréales (CIC), ni de discussion avec les professionnels de la filière. Mais depuis le début de l'année 2010, nous avons remarqué qu'il y a beaucoup d'échanges, ce qui a permis d'être plus près de l'information et des problèmes qui peuvent surgir pour les régler ou les atténuer.

Le CIC comprend les pouvoirs publics, les agriculteurs, les transformateurs, et les boulangers. Actuellement, c'est l'installation des Comités régionaux (CRIC) qui est en cours, afin d'aider à une meilleure remontée de l'information vers la structure centrale.

Malgré l'installation du CIC au début 2010, l'association des boulangers est montée plusieurs fois au créneau pour faire part d'un manque de farine et d'une probable hausse des prix. Est-ce dû à un manque de coordination ?

Le CIC fonctionne depuis peu. Quand il y a eu un manque de farine, les boulangers avaient posé le problème, et on avait dit que la solution était de rajouter des quantités aux minotiers pour répondre à cette demande. Vous savez, il y a toujours un décalage entre la prise de décision et son application.

Où en est la signature de la convention entre les boulangers et les minotiers dont il a été question ces derniers temps ?

 Je vais vous expliquer brièvement la nature de la relation entre le boulanger et le minotier. D'habitude le boulanger a besoin de plusieurs qualités de farines. Il est donc obligé de s'approvisionner chez 3 ou 4 transformateurs. Ce qui est, pour lui, un problème supplémentaire de gestion des approvisionnements. Pour éviter ces tracas, il s'adresse à un distributeur qui lui ramène toutes les sortes de farine dont il a besoin. Mais quand il y a eu un manque sur la farine, les distributeurs, n'ayant pas pu avoir les quantités suffisantes, s'échangeaient entre eux les différents produits pour tenter de satisfaire les boulangers. C'est ce qui a créé une tension sur certaines qualités de farines. Maintenant que les quotas ont augmenté, les distributeurs reviendront à leur programme habituel.

Pour ne pas attendre les circuits de distribution, nous avons donc invité les boulangers de s'approvisionner directement auprès des moulins, le temps que cette tension s'estompe. Libre à eux après, de reprendre leurs habitudes de s'approvisionner beaucoup plus chez les distributeurs (qui leur ramènent plusieurs qualités de farines) que chez les minotiers.

La prochaine étape n'était-elle pas de dépasser ces problèmes récurrents d'approvisionnement et d'aller vers le volet qualité, et en quelque sorte professionnaliser plus la filière ?

 Effectivement. Il y a eu dernièrement une journée d'étude sur la filière céréales à Annaba, organisée par un opérateur privé, où il a été justement question de relever le défi de la qualité. Lors de cette journée, tous les intervenants dans la filière, producteurs, transformateurs et boulangers ont insisté sur cet aspect important de la qualité pour satisfaire notre consommateur.