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Cette Tunisie qui inquiète beaucoup de monde

par Kharroubi Habib

La «révolution du Jasmin» fait peur à beaucoup de monde. Pour certains, principalement les dirigeants arabes, pour l'effet de contagion qu'elle peut provoquer dans leurs pays respectifs. Pour d'autres, par la situation aux développements imprévisibles qu'elle a créée en Tunisie même. Les autorités algériennes, dont le pays est frontalier de cette Tunisie, redoutent les deux cas de figure.

 C'est en tout cas ce que donne à comprendre le fait qu'elles aient procédé au renforcement d'abord du dispositif sécuritaire le long de la frontière algéro-tunisienne puis à celui du maillage policier dans la capitale et les principales villes du pays. Cette dernière opération, et ce n'est pas pure coïncidence, est devenue visible après que la presse nationale eut rendu compte des tentatives de suicide de quatre citoyens ayant tenté de mettre fin à leur existence par le même mode opératoire qui a été celui choisi par le jeune Tunisien de Sidi Bouzid dont le geste a été le déclencheur des émeutes populaires devenues une révolution qui a chassé l'ex-président Ben Ali. Il ne fait aucun doute que le pouvoir à Alger n'exclut pas la possibilité de nouvelles manifestations de rue, d'autant qu'un parti, le RCD, a appelé à cela pour samedi prochain. Et rien ne dit que son appel ne sera pas suivi plus largement que pourrait le laisser croire la faiblesse de ses capacités de mobilisation. C'est pourtant avec ces autorités algériennes visiblement sur la défense que le principal conseiller du président Barack Obama pour la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste a choisi de venir discuter de la situation tunisienne et ses risques de retombées sur le Maghreb et le monde arabe. Certes, officiellement l'ambassade américaine à Alger a fait savoir que la visite à Alger de John Brennan «s'inscrit dans le prolongement des relations profondes entre Washington et l'Algérie, surtout en matière de coopération sécuritaire et militaire».

Sauf que cette visite, intervenant dans le contexte créé par la «révolution du Jasmin», prête à d'autres interprétations. En particulier celle que Washington chercherait à obtenir de l'Algérie qu'elle contribue à empêcher que l'Aqmi, profitant du vide sécuritaire provoqué en Tunisie par la chute de Ben Ali, ne vienne à s'implanter dans ce pays. C'est bien ce que redoute au premier chef le président américain et son administration. Nulle doute que les autorités chez nous sont réceptives à cette sollicitation qu'elles ont d'ailleurs anticipée en renforçant, comme déjà dit plus haut, le dispositif sécuritaire à la frontière est du pays. Le rôle de «vigile» à l'égard de la Tunisie post-Ben Ali, que les Etats-Unis veulent très certainement faire jouer à l'Algérie, suppose en toute logique qu'ils doivent de leur côté admettre le bien-fondé de la stratégie algérienne en matière de lutte antiterroriste notamment au Sahel infiltré par la même organisation dont ils craignent qu'elle essaime en Tunisie. Mais ce que ces autorités chercheront avant tout à obtenir de Washington en contrepartie de leur engagement sécuritaire contre la menace d'Aqmi sur la Tunisie, c'est qu'elle leur accorde son soutien irrévocable au cas où un scénario à la tunisienne menace de se produire. Ce soutien leur serait d'autant indispensable qu'elles savent ne pas pouvoir en bénéficier de la part de Paris.