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Election présidentielle: La semaine du doute

par Ghania Oukazi

L'élection présidentielle d'avril prochain laisse planer un doute pesant sur la candidature de Bouteflika en raison du temps qui est pris pour son annonce solennelle.

Bien qu'elle ne suscite aucune curiosité parce qu'elle lui est donnée, d'emblée, acquise, l'élection présidentielle qui tend à avoir lieu plus le 2 que le 9 avril pour, dit-on, «des considérations de respect des échéances légales de fin de mandat», reste, quand même, étroitement liée à la disponibilité de Bouteflika à l'annoncer ou pas dans les délais requis. En effet, le président a à peine une semaine pour le faire en comptant avec les 30 jours calendaires accordés au retrait des imprimés pour la collecte des signatures et l'annonce de la candidature en elle-même.

Le président avait, pour rappel, déclaré le 8 janvier dernier, premier jour du retrait de ces imprimés. Si l'on s'acharne à faire remarquer qu'il n'existe, à ce jour, aucune candidature digne de ce nom, l'on compte quand même 18 qui se sont rapprochés du ministère de l'Intérieur pour vouloir se porter candidats à la candidature présidentielle dont 12 ont véritablement retirés les imprimés nécessaires au lancement de la procédure y afférente. Ne reste que Bouteflika dont la candidature ne fait aucun doute dans la forme mais dans le fond, elle suscite de grandes interrogations.

Il est connu que dès que le président disparaît un laps de temps de l'écran de la télévision nationale, c'est l'ensemble du pays qui se pose des questions. L'épisode du Val-de-Grâce, l'hôpital français vers lequel il a été évacué en urgence en 2005, est souvent évoqué quand il s'agit de décrypter les absences du président aussi anodines soient-elles. Il faut croire que les décideurs n'ont pas encore acquis la bonne manière de communiquer avec leur peuple. Ne sont assidûment rendues publiques que les correspondances que le président adresse, en général, à partir des cieux à ses homologues, lorsque son «Glam» traverse les airs territoriaux de pays étrangers.

L'on se rappelle que Bouteflika s'était fortement énervé lorsque la presse l'avait donné, à plusieurs reprises, pour malade. Il avait profité de la visite à Alger de Nicolas Zarkozy, alors ministre de l'Intérieur français, pour crier à la face du pays que «je ne suis pas malade et je ne veux pas qu'on s'occupe de ma santé.» Une sentence qui ne répond pas du tout aux exigences faites aux hauts responsables, particulièrement à un chef d'Etat, d'entretenir, en premier, des relations de transparence absolue avec son peuple. Bouteflika doit, quand même, savoir que ceux qui se posent des questions sur sa santé, sont rongés par des inquiétudes légitimes, celle en premier de voir assurée la continuité de l'Etat en cas d'empêchement légalement prescrit par la Constitution dans ses formes précédentes et celle plus récente. Depuis mercredi, le pays est retombé subitement dans les grandes supputations. «Et si Bouteflika ne se présente pas?» est cette question qui a presque remplacée celle de tout temps mais «qui voyez-vous à sa place, pour son remplacement?» Il y en a même qui pensent qu'il y aurait risque de report de l'élection présidentielle. Ceci étant dit, le président a été vu hier à l'écran de la télévision nationale comme dans ses habitudes, souriant et décontracté. Une simple image de lui, a fait tourner les yeux et les oreilles vers d'autres sujets, celui précis invoquant un éventuel remaniement ministériel «de dernière minute avant l'élection.» L'on nous dit que «le président veut remanier le gouvernement sur la base d'une équation à 4 degrés...» On nous décrypte les propos: «le président veut procéder au changement de certains ministres pour introduire un véritable équilibre régional au sein de l'Exécutif.» Le changement ministériel interviendrait, selon nos interlocuteurs, «au profit du Sud, de l'Est et du Centre.» La faisabilité d'un tel changement, à la veille d'une élection présidentielle, laisserait perplexe tant elle prêcherait par son absurdité.

A défaut de débats politiques tellement nécessaires à la réanimation d'une scène en léthargie, l'on se retrouve à (se) poser ce genre de questions qui, de toute évidence, n'auront jamais de réponses, exceptées celles sous forme du fait accompli. Il n'est pas sûr que la relève soit une problématique que le pouvoir accepterait de soumettre à large réflexion. D'ailleurs, avec le recul, la décision de Saïd Saadi de geler les activités de son parti, le RCD, pourrait être vue comme dictée par des impératifs d'un «wait and see» imposé par une situation de flou et de flottement en principe, annonciatrice de changement. Ceci dans un pays qui évolue normalement. Pour l'instant, le gouvernement travaille toujours «sur instruction de Son Excellence». Tous les ministres s'arrangent pour glisser cette formule magique qui donne l'impression qu'ils ne gèrent rien mais qu'ils sont toujours en attente d'une instruction. D'ailleurs, en aparté, on les entend dire «en vérité, nous gérons les affaires courantes jusqu'après l'élection».

Aux dernières nouvelles, si la date de la tenue de l'élection présidentielle est donnée plus pour le 2 avril prochain, celle de l'annonce de la candidature de Bouteflika est reculée, au lieu d'aujourd'hui, pour jeudi 5 février. «Ça se passera l'après-midi à la coupole Mohamed Boudiaf du complexe du 5 Juillet, toutes les dispositions ont été prises pour ce grand rassemblement,» nous dit un militant du RND qui ajoute, peut-être pour convaincre davantage, que «les invitations viennent d'être envoyées».