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Des «ou» au pays des loups

par Moncef Wafi

Dans moins de quatre jours, les Algériens vont vivre au ralenti, au rythme du mondial brésilien. Un sursis d'un mois pour le gouvernement qui aura la latitude de manœuvrer en absence d'une opposition souveraine et à la hauteur et qui pourra même rencontrer le numéro Un de l'AIS, devant les caméras, et non plus derrière la porte de service comme l'a fait Ouyahia, le préposé à la nouvelle Constitution. Il pourra arrêter les chômeurs de Ouargla qui ne regardent pas les matches de foot et juger les non-jeûneurs qui cassent la croûte entre deux mi-temps. Pour mettre un peu plus de bromure dans le lait du peuple, la télé a déboursé 30 millions de dollars aux Qatariens pour les droits de 24 matches, prix de l'acte de piraterie dont s'est rendue coupable l'ex-Unique lors de la retransmission de la rencontre entre le Burkina et l'Algérie. 30 millions plus d'autres exigences de Bédouins que Dieu a pris, ces dernières années, en sympathie et dont les dirigeants ne construisent pas les autoroutes les plus chères au monde pour s'effriter trois ans plus tard. L'Algérien pris à la gorge aura beau maudire ces nomades customisés qui ont rendu impossible l'accès aux chaînes BeIn, mais il ne peut que s'en prendre à ses propres responsables incapables de lui redonner l'esquisse d'un sourire en achetant les droits de tous les matches du mondial en puisant dans le Trésor public. L'argent du pétrole, des impôts, du peuple. Un argent qui lui appartient et non à une poignée de décideurs qui l'écrase un peu plus et chaque jour qui passe de ses grosses semelles privatisées. Des décideurs qui ont privatisé le pays, enfin ses ressources, qui ont vendu son ventre à ceux qui ferment les yeux sur des urnes trop éméchées pour être honnêtes, qui ont acheté des appartements luxueux dans les capitales du monde et bâti des fortunes sur le dos courbé du petit peuple. Un peuple qui pourra oublier, pendant un mois seulement, qu'il est gouverné par des incompétences, à tous les niveaux de décision, que son Parlement est rempli d'estomacs inutiles aux poches sans fond. Il pourra regarder les matches et surtout le beau jeu, les gradins remplis de supporteurs et non pas de criquets prêts à s'abattre sur tout ce qui est vert au coup de sifflet final.

Il pourra, comble du bonheur pour le gouvernement, assister à la qualification de son équipe au 2ème tour, puis aux quarts, et qui sait peut-être aux demi-finales et? la finale. Le rêve est permis et qui plus est, il n'est pas imposable. L'Algérie en finale contre le Brésil, ça serait beau comme une Ghardaïa pacifiée ou une autoroute à l'allemande ou encore un ministre derrière les barreaux ou un pays démocratique ou des traîtres fusillés ou, ou, ou..., mais comme tous ces « ou » sont chimériques, l'Algérie ne sera jamais en finale de la coupe du monde.