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Echos et redondances au Sahel

par Salim Metref

Alger redevient subitement le cœur de l'équation sahélienne sans lequel toute tentative diplomatique ou militaire d'apaisement de cette région ne serait, semble-t-il, pas viable.

Les tentatives d'isolement de l'Algérie et du rôle qu'elle pourrait jouer dans la résolution de ce conflit n'ont pas manqué. Manipulations, trafic d'influence, jeu trouble et parfois ambigüe de parties pourtant partenaires de l'Algérie et qui ne se font pas prier lorsqu'il s'agit de bénéficier de soutien et d'aides financières conséquentes ont constitué la trame de spectaculaires événements et retournements de situations qui ont caractérisé cette zone géographique extrêmement sensible mais surtout extrêmement riche en ressources naturelles.

La visite à Alger du ministre français de la défense participe sans doute de la volonté française de desserrer l'étau sur les troupes françaises déployées en Afrique et qui, semble-t-il, n'ont pas réussi à atteindre les objectifs qui leur ont été fixés. Ainsi le probable embourbement en Centrafrique et la résurgence de l'insécurité au Mali constituent quelques unes des difficultés rencontrées et qui n'étaient sans doute pas intégrées dans un agenda cousu de fil blanc.

Le redéploiement militaro-diplomatique français en Afrique revigoré sans doute par l'opportunité de l'enlèvement de centaines de jeunes filles au Nigéria et de l'organisation d'un sommet à Paris dédié à la sécurité dans une région frontalière du Cameroun, anglophone, membre du Commonwealth et qui échappe à l'influence française, comporte beaucoup de non-dits.

Cette résurgence et ses sous-bassement économiques croise pourtant et sans le dire le fer avec d'autres puissances économiques et militaires qui ne veulent pas laisser se faire surprendre en Afrique. La Chine travaille sur le plan économique et avance ses pions en finançant parfois sur ses propres deniers de véritables projets de développement économique et social tandis que les Etats-Unis, confrontés eux-aussi à de nombreux défis dont celui du maintien de leur leadership au plan mondial, se repositionnent et affirment à ceux qui auraient tendance à l'oublier leur implication dans l'échiquier africain en affirmant notamment par la voix de leur ambassadeur, invité d'honneur à la 47éme édition de la foire internationale d'Alger, que l'Algérie dispose des capacités militaires pour se sécuriser elle-même. Cette déclaration sonne comme un avertissement à ceux qui souhaitent déployer des forces d'intervention dans les zones instables du Sahel et qui prétendent vouloir aussi sécuriser la stabilité de l'Algérie.

Mais au-delà des visées et des louvoiement des uns et des autres, nul n'est enfant de chœur en la matière, l'Algérie a tout intérêt à privilégier, sans être naïf ni «idiot du village global (I)», une politique de bon voisinage accompagnée lorsque cela est nécessaire d'aides véritables au développement concret de pays et de populations qui font surtout face à de réelles difficultés économiques et parfois même de survie. Et à consolider ses propres capacités de défense et de dissuasion d'un immense territoire, devenu le plus grand d'Afrique, après la partition du Soudan, et qui suscite plus que jamais les convoitises de puissants de ce monde qui n'hésitent pas parfois à jouer aux pompiers pyromanes et à créer des foyers de tension pour s'inviter ensuite à les résoudre. L'avenir nous révélera sans doute les véritables visées des uns et des autres. L'Algérie se trouve aujourd'hui au milieu d'une zone devenue extrêmement instable et la consolidation de sa puissance et de sa force passe impérativement par l'assainissement définitif du contentieux politique interne et de la prise en compte véritable de l'exigence du saut qualitatif démocratique qui libérera beaucoup d'énergie au profit de la stabilité et des exigences induites par les graves turbulences qui perdurent à ses frontières.

(I) Formule empruntée à un ancien ministre français des affaires étrangères qui l'utilisa à propos de son pays.