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Eaux troubles

par Abdelkrim Zerzouri

Pense-t-on sérieusement qu'il est possible de créer une organisation des pays importateurs de pétrole ? Face à la hausse des prix du baril, les Occidentaux ne savent plus où donner de la tête pour faire retrouver son équilibre au marché pétrolier. Après avoir fait pression sur des pays influents au sein de l'Opep+ afin d'augmenter leur production, ce qui a été décidé lors de la réunion du 2 juin dernier, avec une légère augmentation de la production de 650.000 barils par jour en juillet, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont engagé des discussions autour de la création d'une organisation qui fonctionnerait en Contre-Opep. On cherche à travers cette nouvelle organisation en gestation à peser sur le marché pétrolier, au moins avoir une petite influence sur les prix du baril. Ces pays ne veulent plus aller chacun de son côté acheter du pétrole.

Les initiateurs de ce projet veulent effectuer des achats groupés pour stabiliser les prix qui, selon des spécialistes, peuvent dépasser les 150 dollars le baril dans les prochains six mois. C'est l'un des principaux objets d'un déplacement en Europe de plusieurs responsables du Trésor américain, qui doivent se rendre en ce mois de juin en Europe pour discuter principalement de la création de cette nouvelle organisation. Les Etats-Unis sont moins exposés que les pays européens à cette crise énergétique, pourtant, ils sont les premiers sur le front à tenter de convaincre leurs alliés de la bonne idée. Est-ce pour maintenir intacte la cohésion des pays européens face à la Russie, en leur faisant croire qu'il existe une solution pour avoir la main sur le prix du baril, alors que la seule solution à tous les problèmes qui éreintent les gouvernements européens reste le retour à la paix entre l'Ukraine et la Russie, et non le contraire ? De leur côté, s'appuyant sur l'argument économique, les experts sont formels là-dessus, un cartel se forme à partir de l'offre et non de la demande. L'urgence de la paix ne peuvent la sentir que les populations qui subissent les répercussions de la guerre, les Ukrainiens qui ont dû fuir leurs maisons, les Africains qui commencent à sentir la faim par manque de blé, puis viennent les Occidentaux qui commencent à faire les frais de cette guerre, subissant une inflation qu'ils n'ont pas vécue depuis trente ans, et une crise énergétique qui risquent de très mal se terminer pour eux. Et tout indique que les pays qui seront épargnés par les désastreuses conséquences de la guerre en Ukraine seront très rares ! Enfin, la hausse des cours mondiaux du baril n'est pas due à un problème d'approvisionnement du marché par les pays membres de l'Opep+, pour aller chercher à créer une Contre-Opep, mais bien en raison du recul des exportations du pétrole russe, qu'on cherche en plus à mettre sous embargo !? Une incohérence indescriptible qui doit bien profiter à ceux qui privilégient la nage dans les eaux troubles.