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Des mises en garde récurrentes mais ignorées

par Kharroubi Habib

Plus regardant sur les équilibres macroéconomiques que sur des enjeux sectoriels, le FMI a par la voix de sa directrice générale Christine Lagarde accordé son satisfecit aux autorités algériennes concernant leur politique de préservation de ces équilibres. Sauf que en visite à Alger à un moment où s'exprimait à partir de Ouargla un imposant mouvement social avec des jeunes chômeurs à la pointe de la protestation, la patronne du FMI ne pouvait donner l'impression d'ignorer les causes qui en sont à l'origine. D'où l'assortiment du satisfecit qu'elle a délivré aux autorités du pays par des « conseils » leur donnant à comprendre que pour un Etat comme l'Algérie le respect des équilibres macroéconomiques ne constitue pas une fin en soi et la panacée à ses problèmes économiques et sociaux.

 Christine Lagarde n'a rien dit à ces autorités de plus que ce que des experts et autres acteurs socio-économiques nationaux non « organiques » n'ont de cesse de tenter de leur faire entendre. A savoir que tant que la politique économique du pays reste dépendante de l'argent des hydrocarbures, la situation de l'Algérie restera marquée par la fragilité. L'hôte des autorités algériennes leur a concédé avec diplomatie que leur gouvernance du pays a enregistré des points positifs mais non sans leur préciser qu'elles « peuvent mieux faire ». Car ces points positifs ne sont pas indicatifs pour l'Algérie qu'elle est en voie de sortir de la fragilité dont souffre son économie.

 Ainsi sur la question du chômage des jeunes que ces autorités minimisent en s'abritant derrière des statistiques tronquées, Lagarde a abondé dans le sens des manifestants qui à Ouargla se sont rassemblés pour dénoncer les incohérences de la politique et des pratiques de l'Etat en la matière. Elle a en effet soutenu que selon le FMI ce chômage avoisine les 20% alors que le taux officiel dont les autorités algériennes se gargarisent est de moins de 10%. Les pouvoirs publics ne manqueront pas de claironner à satiété le « bon point » que leur a accordé le FMI par la voix de sa directrice générale. Mais en éludant qu'il s'est accompagné de mises en garde sur une « embellie algérienne » qui n'est pas basée sur des politiques économiques et financières créatrices de croissance, d'emplois et de richesses durables.

 Elles ont beau être récurrentes et venir de milieux qui ne sont pas fondamentalement dans la dénonciation radicale du pouvoir algérien, ces mises en garde n'ont pas ébranlé les certitudes unilatérales de ses décideurs quant à la pertinence des tâtonnements qui caractérisent leur vision économique. Se prévalent de science et connaissances infuses en la matière, les autorités algériennes se refusent à toute concertation inclusive avec les sphères économiques et sociales du pays qui ne partagent pas leur vision. Il en résulte que l'Algérie va droit au mur sans que ses autorités admettent que les recettes qu'elles ont expérimentées ont échoué et que dans une telle situation le bricolage et la persistance dans l'improvisation enfoncent le pays et aggravent sa fragilité alors que se rapproche pour lui inéluctablement l'ère du post-pétrole.

 Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a inauguré depuis sa nomination une démarche consistant à aller au contact du pays pour cerner les problèmes qui se posent aux populations, c'est en théorie un bon pas dans la bonne direction qui gagnerait à s'accompagner de l'ouverture d'un grand débat national sur ce qu'il y a lieu de faire pour sortir le pays de ses impasses. En a-t-il obtenu la latitude de le faire ?