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Tourbillons de printemps

par Bachir Ben Nadji

Ces jours-ci l'actualité est vide. Nous avons l'impression qu'il ne se passe rien ou pas grand-chose.

Hé bien non, la guerre suit son cours au Mali et l'armée française avance à reculons, en attendant son probable départ du nord de ce pays. En dehors de ce qui se passe dans ce pays et du " scoop " tchadien de l'élimination de deux chefs d'El Qaida que ni la France, ni les Etats-Unis ni aucun autre pays ne veulent confirmer, la situation semble calme, comme s'il n'y avait rien à vous dire. Il faut cependant souligner le fait que l'armée tchadienne arrivée quelque peu en retard, a «réussie à créer un exploit», alors que l'armada française n'a pas pu arriver à abattre les deux chefs de l'internationale terroriste et du trafic de drogue et de cigarettes dans le Sahel.

 Certes, il y a l'actualité internationale avec ce qui se passe en Tunisie et en Egypte, pays ou les choses bougent dans tous les sens.  Alors sachez que ces deux pays avec lesquels l'Algérie partagent beaucoup de choses, sont, au lieu d'accéder à la stabilité après «leur printemps», entrés de plain-pied, l'un dans un tunnel et l'autre dans un tourbillon, et là nous ne devons que leur souhaiter de s'en sortir pour le bien de leurs peuples, car les dirigeants ne sont que de passage. Au proche orient, il y a la Syrie qui mobilise toujours les médias du monde, en attendant que les mercenaires continuent leur œuvre dévastatrice d'un autre pays, après l'Irak, qui compte un patrimoine des plus riches du monde musulman et de l'humanité. Là, il faut attendre que les Russes et les Américains s'entendent sur le devenir de Bashar El Assad que des gens venus d'ailleurs, et soutenus par les voisins turcs, appuyés par les pétrodollars et les politiciens occidentaux, pas tous heureusement, décident de son sort.

 Les uns veulent le voir finir comme l'ex leader libyen, d'autres comme l'ex président tunisien. Dans ce bras de fer qui aura le dernier mot, serait-ce les Russes, serait-ce les Américains, ou serait-ce El Assad lui-même.

En Amérique latine, il y a eu le choc de la perte par le Venezuela de son Comandante, Hugo Chavez, vaincu par la maladie, lui qui a su faire face aux détracteurs de tous genres, aux Américains qui ne pouvaient le «gober», à son opposition dont le rôle déstabilisateur est connu de tous et à ses geôliers de quelques jours lors du putsch dont il avait fait l'objet et qui aurait pu faire de lui un nouveau Allende. Hugo Chavez est heureusement mort sur son lit, personne n'a eu sa peau, lui qui a voué sa vie à ses compatriotes qui l'ont adoré comme Bolivar. Et chez-nous me diriez-vous, il ne s'est rien passé et notre actualité est aussi vide.       Et bien non, chez nous, il s'est passé beaucoup de choses, à commencer par ce qui ne va pas dans les partis. Au FLN, on a débarqué Belkhadem, mais on n'a pas pu embarquer quelqu'un d'autre faute de consensus, celui pour lequel il a été «opté» a été rappelé par le Maitre du Monde, par Dieu, et en fin de compte les hommes de ce parti ne sont pas encore arrivés à se départager. Dans les autres partis politiques, la situation n'est pas aussi reluisante. Au RND, M. Bensalah avec toute sa stature de deuxième homme du pays, fait face à un front qui veut s'imposer par rapport à l'équipe de M. Ouyahia que ses «ennemis politiques» veulent diaboliser. Au sein des autres partis c'est presque la même situation, tant chez ceux de la bannière verte que chez les plus démocrates ou certains militants cherchent des noises à leurs chefs, façon de vouloir s'affirmer eux aussi, et également participer à des actions de déstabilisation de l'intérieur pour que personne n'accuse la main étrangère.

 La fronde est en train de toucher tout le monde et on s'attend à un été chaud dans les quartiers généraux politiques.

 En dehors de la vie partisane, il y a eu le dossier du scandale de Sonatrach 2, alors que Sonatrach 1 n'a pas encore révélé grand-chose, en dehors de noms de ceux qui ont été à l'origine de la dilapidation de deniers publics. Le dossier semble rester ouvert alors que le scandale de Sonatrach 2 a pointé du nez, venant principalement d'Italie et du Canada.

 Au-delà de cet évènement, il y a le bruit des claquettes qui vient du sud. Des jeunes, chômeurs ou sans emplois, ont décidé de marcher pour revendiquer le droit au travail. L'appel à cette marche a été différemment interprété, et chacun est parti avec sa chanson, les uns pensant à un «coup contre l'Etat», d'autres à un coup contre Sonatrach, et d'autres à un coup contre les walis et les autorités locales. Toutes les parties visées par les claquettes ont paniqué et chacun a préconisé sa potion magique, alors que la solution réside dans l'emploi, même si les jeunes de notre temps utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour communiquer. Il faut leur procurer du travail, les occuper de manière efficace, les payer, et leur permettre de dépenser l'argent gagné.

La solution est là et uniquement là. Et avec tout cela rien ne s'est passé et l'actualité est toujours vide me diriez-vous. Hé bien non, il y a le football de chez nous, celui de la première ligue, le championnat qui offre de jolis derbies, même si le niveau de notre ballon rond reste en deçà des espérances de fans. Il y a aussi la Coupe d'Algérie qui offre de belles rencontres prometteuses en attendant les deux équipes qui disputeront la finale le 1er Mai prochain. Les joutes sont serrées et les pronostics aussi sur les deux onze qui animeront la prochaine finale de Dame Coupe.

Hé oui, chez nous, il y a le Tour d'Algérie cycliste qui réunit des coureurs d'une vingtaine de pays pour la compétition certes, mais aussi pour la découverte de l'Algérie par des jeunes et des moins jeunes de plusieurs contrées de la planète. L'Algérie a besoin de se faire connaître par le cyclisme aussi, et le Tour d'Algérie peut être un des moteurs de la promotion touristique.

Vous me direz toujours que l'actualité est toujours vide, là je crois que c'est seulement une impression. Il se passe beaucoup de choses, ailleurs comme chez nous.

Ailleurs, la presse s'intéresse au moindre petit évènement et le rapporte. Il y a différents moyens de le faire parvenir l'information aux consommateurs. Il y a les chaînes de télévision, il y a les radios, il y a les journaux pour le faire, et le plus petit des évènements est couvert par une nuée de journalistes, de reporters de la télévision et des radios. Le lendemain, ou parfois le jour même, le plus petit fait se retrouve sur les colonnes de la presse locale, nationale et même internationale. Et chez nous, me diriez-vous ? Malheureusement nous n'avons pas le même nombre de médias lourds que beaucoup de pays en Europe et aux Etats Unis. Certes nous avons de bons journalistes, mais pas les moyens des autres, ce qui fait que nous ne pouvons pas faire la meilleure politique de l'information. Et en plus, ailleurs, je ne citerais que l'Europe, la presse régionale est assez développée.         Dans chaque région, dans chaque grande ville, il y a un journal, il y a une chaine de télévision. Le cas de la presse régionale et locale en Allemagne est édifiant. Près de mille titres de journaux traitent de l'information locale, alors qu'en France, ils seraient plus d'une cinquantaine de titres locaux qui restent inconnus pour beaucoup de gens ailleurs.

Chez nous, il y a quelques caméras du secteur public et là quand elles sont en bon état, à Oran, à Constantine, à Bechar, à Ouargla, j'espère n'avoir rien oublié, ce qui reste trop insuffisant pour faire part aux Algériens la réalité du terrain. Certaines chaînes privées algériennes, de droit étranger, tentent de combler un vide mais faute de droit d'accès partout, n'arrivent pas à étancher la soif des téléspectateurs.

Pour la presse écrite c'est une autre paire de manches. L'absence d'imprimeries et d'encouragement de journaux locaux, rajoutent au retard de l'accès de l'information à tous. Les quelques journaux «locaux», deviennent faute de stratégies des quotidiens traitant beaucoup plus d'évènements nationaux, alors que le lectorat local a besoin de se faire entendre pour que les décideurs, tant locaux ou nationaux, sachent en quoi consistent les attentes de ces populations. Revenons à l'actualité et tentons de voir plus claire si elle est vide ou non. Je vous dirais que c'est à chacun son angle de vision. Il y a ceux qui voient avec des yeux critiques, il y a ceux qui ne font que survoler les évènements, il y a ceux qui s'arrêtent sans voir. Il y a aussi ceux qui écoutent, ceux qui entendent, ceux qui enregistrent, mais il reste qu'il manque ceux qui écrivent, ceux qui parlent, ceux qui vous éclaireront.

Il manque aussi les moyens de le dire, de le faire parvenir, et c'est pour toutes ces raisons que beaucoup de gens vous dirons, il ne se passe rien, l'actualité est vide, mais dans les faits, il faut bien ouvrir les yeux et les oreilles pour bien voir et bien entendre. Il faut que toutes les parties parviennent à trouver le meilleur créneau qui ferait que tout évènement soit exploité à sa juste mesure et que l'information soit traitée dans toute sa richesse. Il y a beaucoup de choses qui se passent en Algérie, aux décideurs d'encourager la création d'imprimeries locales, d'aider à la création de journaux locaux au même titre que les radios locales, devenue en un temps assez court le moyen le plus sûre d'être, dans une certaine mesure, même si elles ne sont pas parfaites, à l'écoute du citoyen. Il faut que tout le monde sache que l'université algérienne a formé et forme actuellement des centaines de jeunes diplômés en sciences de l'information provenant de toutes les régions du pays, et que ces jeunes en rentrant chez eux ne trouvent aucun débouché et se rabattent sur des emplois n'ayant aucun rapport avec leur formation. Serait-ce le moment pour les autorités, à tous les niveaux, de saisir cette opportunité pour encourager le plein emploi pour cette masse d'universitaires, en attendant de solutionner les autres problèmes des jeunes sans qualifications afin que tous contribuent à la construction de leur pays, l'Algérie.