Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Enseignants: entre frustration et conscience professionnelle

par Kharroubi Habib

La reprise des cours par les enseignants grévistes arrachée de la façon contestable que l'on sait par les autorités, nous a fait écrire dès son annonce que la famille éducative n'est pas près d'oublier l'humiliant traitement qui lui a été infligé. Constat sur la base duquel nous avions ajouté que l'appel lancé dans ces conditions par le ministère de tutelle à ces enseignants pour qu'ils assurent le rattrapage des cours perdus en raison de la grève et éviter ainsi à leurs élèves leurs répercussions négatives sur leur scolarité, avait peu de chance d'être entendu. Deux syndicats, le CNAPEST et le CLA, ont confirmé ce que nous craignons en affirmant que leurs affiliés refusent de procéder au rattrapage des cours. Un refus sur lequel, malgré l'humiliation qu'ils ont ressentie, ces enseignants ne se seraient arc-boutés si, semble-t-il, la tutelle ne s'était pas avisée de vouloir gérer ce rattrapage par des décisions administratives sans concertation avec eux. En agissant de la sorte, le ministère de l'Education pense peut-être avoir solutionné le problème. Ce qui est infirmé par les déclarations sur le sujet des deux syndicats cités précédemment et surtout par les lycéens qui face à ce blocage dont ils craignent à juste titre d'en faire les frais, organisent des protestations qui risquent d'aller en s'amplifiant à l'approche des examens.

 Les enseignants, nous en sommes convaincus, n'envisagent pas avec gaieté de cœur la perspective d'une année blanche pour leurs élèves. Qu'ils sont par conscience professionnelle et respect pour ceux-ci ainsi que pour leurs parents et citoyens ayant été en sympathie et solidaires avec leur mouvement revendicatif, prêts à l'effort nécessaire pour qu'il n'en soit pas ainsi. Il suffirait à notre avis, tel que demandé par le CNAPEST, que l'administration convie rapidement à un dialogue serein sur la question.



 Une grève qui se finit mal a inévitablement des répercussions négatives chez ceux au sein desquels son issue perpétue le sentiment d'avoir été frustrés. Les enseignants sont dans cet état d'esprit. C'est retourner le couteau dans la plaie à vouloir les contraindre autoritairement à pallier à ce que la grève a occasionné de retards dans la dispense des cours. C'est aussi une façon de faire peser sur eux uniquement la responsabilité d'une situation dont les autorités refusent d'admettre qu'elles furent un protagoniste dont le comportement autiste y a eu sa part.

 L'erreur que ces autorités commettent c'est de persister à croire qu'en étant arrivé à mettre un terme au débrayage dans l'éducation nationale, elles ont cassé l'esprit frondeur et revendicatif des enseignants. Elle leur fait prendre des décisions qui pour certaines d'entres elles (licenciement et interdiction aux syndicats et leurs adhérents de tenir des assemblées générales) confortent les enseignants qu'une «chasse aux sorcières» est engagée dans le secteur après l'arrêt arbitraire de leur grève.

 Faire appel dans ces conditions à leur «sagesse» pour rattraper les retards cumulés, tout en mettant à exécution des décisions et instructions qui les heurtent, c'est justifier qu'ils soient tentés de reprendre la grève ainsi qu'en a averti le CNAPEST. Pour tout dire, il se peut que la «sagesse» prévale et éloigne ainsi le spectre de l'année blanche. Pour autant, le secteur de l'éducation nationale n'a pas fini avec la contestation tant que les rapports administration de tutelle - enseignants resteront ce qu'ils sont.