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Maghrébines, je vous aime

par Ali Brahimi

Malgré tous les cloisonnements frustrants d'hier, régissant les relations entre l'homme et la femme, l'élite de la gent féminine maghrébine,d'aujourd'hui, est en train d'investir de plein droit de nouveaux espaces qui lui étaient interdits, par le passé récent , puisqu'ils étaient accaparés abusivement par les hommes.

A l'occasion du dernier match amical de football entre l'équipe nationale et celle de la Serbie, tout le monde aura remarqué la forte présence, dans les gradins du stade du 5 Juillet, de superbes femmes toutes parées aux couleurs nationales. Un décor saisissant que les footballeurs serbes n'ont pas manqué de photographier ! Malheureusement, la déception fut grande au vu du jeu fourni et du lamentable résultat confirmant, sans ambages, le manque de volonté et d'absence d'une tactique imaginative de la part de l'ensemble de l'équipe nationale totalement? hors-jeu. Malgré ces défaillances visibles, elles n'ont lésiné sur aucun effort moral pour les encourager.

 Cet engouement est issu, bien évidemment, depuis le match tourmenté entre l'Algérie et l'Egypte au Caire et, surtout, celui de Khartoum, au Soudan, rehaussé par la qualification presque inattendue au Mondial, des Verts contre les Rouges, suivie par de grands défilés de joies et stridents youyous fêtant la victoire tant au niveau des villes que dans les campagnes. Une communion éclipsant, pour un temps, toutes les désunions et les affaires de la? corruption. C'était hier !

 En revanche, ce qui est édifiant à retenir pour l'avenir, c'est que ces changements dans les moeurs déclencheraient à terme, nous l'espérons, d'autres sursauts allant dans le sens d'une prise de conscience pertinente, et ce, pour d'autres triomphes dans des domaines liés au développement humain dans son ensemble. A l'exemple du foisonnement d'initiatives merveilleuses, afin d'organiser le 8 Mars de cette année, fêtant la Journée internationale de la femme.

 A l'image, également, du mouvement émancipateur enclenché, durant la guerre anti-coloniale, par les épervières novembristes. Jusqu'au bout de leurs forces ! En effet, des combattantes de l'ALN - Armée de Libération Nationale - ; ont courageusement protégé maintes fois, au prix de leur vie, leurs frères de combat, notamment des responsables, encerclés par les forces militaires coloniales.

 Au cours des années du terrorisme, au mois de carême de 1995, un policier a été abattu froidement devant l'immeuble ou il habitait à Kouba - Alger - ; alors, sa femme avec ses enfants et toutes ses voisines avaient descendu précipitamment les escaliers afin de porter secours au dit agent agonisant. Au même moment, les hommes fuyaient, en sens inverse, et regagnaient apeurés leurs logis. Une pitoyable scène rapportée par une journaliste, d'uns publication disparue elle aussi, locataire dans ladite bâtisse.

 Ceci pour dire, à l'évidence, que la bravoure et la veulerie n'ont pas de sexe encore moins qu'elles nichent spécifiquement dans les apparences? moustachues. Cette évidence est parfois escamotée par l'arrogance de la gente masculine aidée en cela par des références soi-disant religieuses conjuguées à des comportements et accoutrements mi-modernistes mi-conservateurs exhibés ostensiblement afin de mieux tromper les gens. Une hypocrisie qui n'a pas d'égale !

 Un autre événement mérite également d'être rappelé. Il s'agit de ce groupe d'une dizaine de jeunes enseignantes lâchement égorgées dans la région de Sidi Bel-Abbès. Toutes, avec leurs hidjabs, elles se sont mises à genoux sur ordre de leurs bourreaux. A quelques encablures d'un mausolée zaouiste. Ainsi prosternées devant le Seigneur créateur de toutes choses, elles ont rendu atrocement leur âme sans pleurer ni gémir. Comme des martyrs. Terrible époque que nous garderons à jamais dans notre lâche mémoire. Malheureusement, d'autres actes non moins horribles s'ajoutent à ceux passés, au quotidien, et touchent toujours en premier lieu le genre féminin tous statuts confondus : mère, épouses, filles, soeurs?. Pratiquement, chaque jour que Dieu fait, la presse nous rapporte des horreurs inimaginables lesquelles sont provoquées par le fils, père, le mari, cousin, etc. Souvent, elles sont passées sous silence, tellement que ces abjects actes de folie foisonnent, et se banalisent à tous les niveaux sociaux. Parfois sciemment pour le motif n'encensant que le côté positif des choses comme : du tout va bien madame la marquise.

 A l'échelle de nos voisins maghrébins, il existe ce genre de dépravations notamment celles liées aux effets de la drogue et autres non-droits qu'ils canalisent et, le cas échéant, les évitent autant que possible par différents mécanismes prévoyants sinon ils les répriment durement. Car ils ont des services complètement disponibles à leurs mission Par contre, chez nous, en plus des crimes causés par les hallucinogènes combinés aux déceptions socioprofessionnelles voire existentielles, nous en subissons d'autres comme une fatalité alors qu'il s'agit que de la mauvaise gouvernance emballée cycliquement tout en étant accompagnée par des maffieux règlements de compte sous le regard impassible des gouvernants et gouvernés, qu'ils soient hommes ou femmes. Comme une tare !

 Pourtant, des femmes maghrébines longtemps brimées par toutes sortes de défigurations turco-zaouistes précoloniales ainsi que par les désorientations identitaires - aujourd'hui transposées par ironie de l'Histoire en France terre d'asile dit-on - causées par la colonisation et autres « protectorats », ont réussi merveilleusement de les contenir sinon les dépasser, et ce, grâce à l'éducation pertinente de leurs enfants ainsi qu'a l'union des forces progressistes qui ont su combiner moyens humains et les objectifs de développement notamment dans les domaines de l'Education, l'Agriculture et le Tourisme. C'est ce qu'on appelle avoir le sens de la mesure des priorités socioculturelles et économiques fondamentales et de s'éloigner de la mégalomanie, maniaco-dépressive, mère de toutes les grandes catastrophes aussi bien individuelles que collectives.

 A ce sujet, l'Algérie et la Libye, qui possèdent d'immenses ressources en hydrocarbures, sont les moins visitées par les touristes, à l'image de la Mauritanie, et importent des milliards de dollars en nourritures et investissent d'autres dans les infrastructures liées aux attraits touristiques sans pour autant qu'ils développent le savoir-faire de la gentillesse et surtout le savoir parler aux touristes.

 A titre d'illustration, la Tunisie et le Maroc font des prouesses dans ces secteurs. Ils exportent leurs produits agricoles vers toute l'Europe, grâce à leurs ingéniosités respectives, et font savamment de la promotion touristique à l'échelle du Monde. La Tunisie fait même de la publicité pour? la blonde Deglet Nour algérienne.

Au Maroc, après les restrictions archaïques du Makhzen, du temps du défunt roi Hassan II, à l'encontre de toutes les libertés pour des motifs de discipline collective liée au pouvoir, l'actuel jeune monarque semble se diriger dans la voie du modernisme équitable de la femme par rapport à l'homme. La Moudawana, véritable charte régissant la vie familiale, malgré ses insuffisances pratiques, participe vers un plus en termes d'émancipation des relations entre l'homme et la femme. Cette semaine, l'Union européenne a tenu une réunion avec le Maroc, à Grenade, ancienne capitale de la province andalouse de Boabdil - Mohamed XI -, pour discuter des relations multilatérales avec le royaume du Maroc, et ce, dans le cadre de l'espace euro-méditerranéen dont nous dépendons mais que nous valorisons piètrement. Tandis que Hassan II, de son vivant et à quelques mois avant son décès en 1999, en ultime visite en France à l'occasion du 14 Juillet, avait sollicité du Président Chirac le parrainage et l'assistance pour son héritier. Avec le Roi d'Espagne également. Et tant d'autres puissances. Les points soulevés, lors du sommet de Grenade, reflètent ces visées «testamentaires» mûrement élaborées. Ils touchent, le changement climatique, la crise économique, l'émigration clandestine, la sécurité, le Sahara occidental, les libertés individuelles et collectives?. L'acceptation forcée, du retour vers son pays de Aminatou Haidar s'inscrivait dans le dernier cadre précité. Il y a lieu de reconnaître que le jeune roi du Maroc, malgré ses innombrables difficultés internes et externes, est bien entouré et surtout pertinemment conseillé.

 L'inscription du conflit du Sahara occidental comme point à l'ordre du jour dudit sommet euro-marocain est une réussite, de la part de la diplomatie marocaine, dans ce sens bien que tout est relativisé par l'Union européenne pour des considérations de géostratégie. La réaction de Aminata Haidar, à l'encontre de ce sommet, de par son aura minutieusement propagée, reste un élément générateur à d'autres acquis programmés et convoités en sourdine. L'essentiel, pour nous autres, est d'anticiper dans quel sens chemineront ces événements. Et, surtout, de ne pas se tromper lourdement sur les intentions des uns et des autres ; d'autant plus que les hautes voltiges politiques sont tellement impénétrables pour ceux qui sont envahis par l'atonie mêlée à de la mélancolie mêlée aux hantises d'un passé peu louable aussi bien individuel que collectif !

 Au Sahara occidental - les autorités marocaines le désigne en territoire saharien maghrébin - ; mais au fait, existe-t-il un Sahara oriental ? La femme sahraouie, à l'image de la superbe Aminatou Haidar ex-gréviste de la faim aux Canaries, regorge de pertinence, de fermeté et de patiente exemplaire. L'entité de ce peuple se particularise en différents points dont celui de la liberté ancestrale du genre féminin. La reine amazighe Tin-Hinan, probablement originaire de cette partie du grand Sahara nord-africain, représente tout un symbole de cette lignée matrimoniale En effet, la femme sahraouie a eu, en tout temps, un rang privilégié, prépondérant, dans la société sahraouie dans son ensemble. A l'image des Touaregs, des Ifoghas, Chaâmbas? et autres peuplades s'apparentant à celles de la Maurétanie depuis l'époque romaine.

En Mauritanie, la femme joue un rôle prépondérant dans la société malgré certains blocages culturels et cultuels. Ce distinguo n'est pas tellement profond par rapport à celui caractérisant l'ensemble des populations sahraouies ayant connu des greffages arabo-africains de par le passé médiéval. Dans l'un de nos articles, intitulé «le panache mauresque en deux tours», paru au Quotidien d'Oran du 22 mars 2007, nous relatons quelques aspects de ce pays. Nous rapportons, ci-après, des fragments : «Un deuxième coup d'Etat va avoir lieu, ce dimanche 25 mars 2007, en Mauritanie. L'auteur est le peuple maure organisé en tribus démocratiques». Et, plus loin : «En vérité, le Maure est entré discrètement dans le temple universel de la Démocratie. Comme un vent léger matinal, chargé d'une fuyante ondée du désert». Et encore «On dit que ?les Dromadaires (El Bel) bivouaquent sous l'attention de leur sage aîné'. C'est une maxime de bonne gouvernance. Un ancien poème bédouin dit ? le baudet est indécis, le cheval un brin de vent, et le camelin est noblesse'. El bghel inoudh ouitih, El Kheil Haba min errih, Oua El bel hiya acherrifa. A quelques exceptions et particularités naturelles liées, ainsi sont faites les sociétés humaines». Fin de citations. Cela dit, la femme mauritanienne est présente à tous les niveaux de la gouvernance. Ce qui la particularise, c'est sa sobriété et son charme issu d'un long métissage conjugué à l'influence du milieu atlantique et ses effluves spécifiques. En effet, c'est le seul pays maghrébin s'ouvrant totalement sur cet immense océan. Le Maroc, quant à lui, subit les deux influences : atlantique et méditerranéenne. Tout un équilibre écologique caractéristique.

La Tunisie, ce pays typiquement méditerranéen, a combiné intelligemment l'autoritarisme deylicale et libéralisation des mœurs progressistes, et engrange aux temps actuels, leur côté positif aux immenses retombées socioculturelles et économiques dont celle liée à l'évolution de la gent féminine dans tous les domaines, mais, également, les méfaits pervers de ce type de gouvernance instauré par le défunt Président Bourguiba et, actuellement, intensifié dans le même sens avec de nouveaux attraits mis en avant par son successeur ne se différenciant pas tellement du fondateur de la République tunisienne.

En effet, la femme tunisienne d'aujourd'hui jouit en toute liberté des bienfaits de son évolution mais, qu'en revanche, elle reste conditionnée par un tas de préjugés contraignants voire à sens unique, dont celui de l'encensement du maître du moment, hérités de l'époque de Lahbib - le chéri - personnifié à Bourguiba annihilant l'amour de la Démocratie et son corollaire la liberté d'expression considérée à tous les coups comme diffamatoire. En attendant, le pouvoir actuel en profite allégrement de cette situation sciemment bloquée. Pour le moment !

En Libye, la femme se particularise par les influences orientales via l'Egypte. Elle reste cependant ancrée à ses racines afro-maghrébines. Cette dichotomie existentielle se répercute sur le tempérament du système de gouvernance actuel dans son ensemble. Et, notamment, sur la classe dirigeante influencée par le régime mi-monarchique mi-chefferie - guide - tribalistes. La bédouinisation, socle fondamental des communautés sahariennes, régresse sensiblement, et ce, au profit des grands ensembles «citadinisés» liés aux immenses projets d'infrastructures d'habitat, d'hydraulique, etc. La Libye se dirige résolument vers la voie des républiques héréditaires, aidées en cela par le génie noir, ou la femme aurait peu de place sinon de pavoiser le décor. Comme, relativement, cela se passe chez-nous !

 Enfin, il est utile de noter, que dans les quatre continents, des pays sont dirigés par des reines, des femmes présidentes d'Etat, chefs de gouvernement, sauf en Afrique et dans les pays arabes polarisés, quant à eux, sur la poésie du «Ghazal» vis-à-vis de la gent féminine de leurs pays et? d'ailleurs ! Pourquoi nous n'avons pas une seule présidente d'Etat ? Peut-être qu'un jour nous aurons une réponse adéquate sur le sujet. Qui sait ?

 Maghrébines, unissez-vous pour le salut de notre Maghreb. Les hommes, que nous sommes, possédant l'une des plus riches régions d'Afrique voire du Monde, ont prouvé leur incapacité de pouvoir réaliser les rêves de nos enfants d'hier et d'aujourd'hui. On dit que : derrière chaque homme puissant, il y a une femme. Faites en sorte pour que la majorité de nos enfants le soient. Sans complexe de possessivité ni d'abandon ! Malgré tout, nous vous aimerons encore toujours plus !!!