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L'INCROYABLE CHARGE RENTIERE

par Abdou BENABBOU

C'est un peu comme si on se disputait pour savoir qui doit aller titiller le couffin au marché, occultant au préalable une entente sur ce que l'on doit préparer à manger ! La mêlée devient quiproquo, chacun se méfiant de la perspective d'un menu de table imposé. Le peuple, lui, se contente chaque vendredi de réaffirmer la nécessité de bannir les méchouis réservés et de réhabiliter les caisses enregistreuses pour que le pouvoir donne enfin une honorabilité au portemonnaie.

Après un long cauchemar, la population se réveille prise en étau entre des élites fragmentées souvent autoproclamées et un pouvoir rigide qui prétend vouloir se censurer. Lourd mais vague contentement général qui a l'air de se satisfaire à réclamer, avec le flou des marches ingénues, la justice et la démocratie.

De fait, l'incroyable charge rentière n'est abordée aujourd'hui que par la décapitation des têtes des présumés instigateurs de la rapine généralisée. Ce préambule justicier, aussi spectaculaire et inattendu soit-il, impose cependant l'ouverture d'une large fenêtre sur l'impératif d'une profonde régulation sociale dont l'application serait difficile à accepter par les Algériens jusqu'ici, eux aussi à des degrés différents soudoyés par l'enracinement d'une culture d'assistés. Au nom d'un soutien social dans tous les domaines, programmé pour qu'il s'en serve le premier, le pouvoir a vidé le sens de la citoyenneté. La résonance du droit mal compris a, par plusieurs de ses aspects, des conséquences désarmantes. L'Algérien est un des rares êtres au monde à exiger que le logement et l'emploi lui tombent du ciel et la folle semée de milliers de milliards sous différents prétextes déraisonnés a fait des finances publiques un immense puits livré à une gigantesque razzia des plus incongrues.

Il sera difficile de réhabiliter la raison. Elle est sujette à un retour imparable à des normes universelles sans lesquelles un peuple ne mérite pas d'exister. Avec ces normes rétablies, les Algériens ne doivent pas se dispenser de définir, en paix, avec maturité et en toute sérénité, la société dans laquelle ils seraient censés vivre et évoluer.