Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'odeur de l'argent

par Moncef Wafi

La CTRF, la police du département des finances, a transmis en 2016 une trentaine de dossiers de blanchiment d'argent sur les quelque 1.300 déclarations de soupçon et rapports confidentiels adressés par les banques et certaines administrations. Cette guerre contre les fonds suspects, l'Algérie se devait de la mener, suivant des standards internationaux, pour se débarrasser déjà de sa peu enviable présence dans la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d'action financière mais aussi et surtout pour des impératifs de sécurité intérieure. Car qui dit blanchiment d'argent vise directement son origine qui puise ou dans la drogue ou dans un tout autre trafic criminel.

Pourtant, on est en face d'une ambiguïté tout algérienne où la chose et son contraire cohabitent naturellement. Si la lutte contre l'argent sale est une des priorités sécuritaires, au même titre que le terrorisme, en parallèle, l'Etat, et dans un souci de bancariser les 40 milliards de dollars de l'informel gravitant à la périphérie des circuits financiers classiques, n'a pas hésité à lancer en 2015 une incroyable opération de régularisation fiscale. Cette démarche, apparentée à une amnistie fiscale, avance cachée derrière un rapatriement des milliards de l'informel. Elle est là qui ne dit pas son nom, prête à racheter une virginité fiscale en payant une taxation forfaitaire libératoire et volontaire de 10% au fisc algérien au titre de l'IRG sur les revenus de parts sociales et dividendes sur une année.

Même si l'Etat s'en défend, lui qui stipule que ces revenus ne doivent pas provenir d'activités criminelles, il n'en demeure pas moins qu'en l'absence d'enquêtes sur l'origine de ces fonds, c'est la porte ouverte à une amnistie fiscale en bonne et due forme. A la limite un blanchiment d'argent, crime que le même Etat combat. Il est tout bonnement permis de s'interroger sur l'efficacité d'une politique de répression alors qu'en amont le gouvernement ouvre grandes les portes à une bancarisation de l'argent de l'informel sans pour autant s'atteler à vérifier sa traçabilité. Le mal est plus profond et la guerre contre l'argent sale s'apparente à un combat déjà perdu d'avance puisque la pratique étant tolérée par l'Etat régulateur et ses tenants protégés par des dispositions sur mesure.