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La fièvre parlementaire

par El Yazid Dib

C'est une contagion que de se sentir utile pour les autres et avoir ainsi le miracle de les rendre heureux alors que l'on est incapable de le ressentir pour soi.

Cet appétit vorace de vouloir paraître et s'afficher sur les remparts, les impostes et les arcades n'a pas, à l'instar des joutes précédentes, diminué de l'ardeur des professionnels aux candidatures. « ils » se sont, tous, jetés sur des formulaires à remplir, sur des rêves de privilèges croyant les faire monter dans les escaliers ou de la ville ou de son histoire.

La fièvre de la députation gagne du terrain dans toutes les têtes qui se prennent pour des crânes. La contagion ne date pas de l'ère du règne unique. Elle est de parution toute récente. Si dans le temps elle s'étendait, allégrement, dans le terrain trop fertile des sans-emploi, des fonctionnaires aux carrières inachevées, des demandeurs d'embauche privilégiée ; elle se propage, aujourd'hui, pour conquérir le corps des quêteurs de statut social, des inassouvis des postes supérieurs et surtout des protecteurs de fortune.

Ces entités gonflées de mercantilisme qui ne soulèvent nul souci de pensions, de retraites ou de primes, plus qu'ils ne s'acharnent sur le taillage d'une place ou d'un strapontin aux cotés du pouvoir.         Etre dans l'hémicycle et avoir cette proximité immédiate de renflouer davantage ses tiroirs est un objectif, disent-ils, managérial. Personne ne démentira l'existence de l'achat de sièges quand l'aveu provient de ceux-là mêmes qui l'ont essayé avec de bon résultat. D'autres candidatures, sans éclats politiques, viennent disposer à leur bon-vouloir du tremplin que leur offre le parti, en l'absence des authentiques militants, de ceux qui, rares, continuent à avoir foi en la lutte des classes et vainquent leur égo. Il est, aussi, de ces gens qui, osés, audacieux et sans se soucier de la clameur publique silencieuse, violent les listes d'inscription et se projettent déjà dans la trajectoire de l'APN.

Il est irrationnel, si l'on pense réussir en faisant les mêmes errements d'avoir un résultat autre que celui déjà obtenu. Il est encore difficile de pouvoir décider de qui, de l'ancien ou du novice, du déjà vu et testé ou de l'inédit, aura la capacité de la bonne représentativité. Le dilemme est de toute période et de tout pays.

Seulement ailleurs, le cheptel politique se renouvelle au gré des exigences de l'heure et aux recommandations de l'urgence factuelle. Les partis de toute obédience idéologique ne s'épargnent pas de recourir aux candidats refroidis, devenus, à la longue, fades et insipides. Le menu qu'ils concoctent n'est pas assez riche tant que l'œil décisif ne se pointe que sur ceux qui, à longueur de journée, faute de faire mieux, habitent les sièges locaux et les permanences. Pour certains, éviter ces locaux et boycotter leurs permanences, n'est qu'un recul tactique ou une distance à prendre, leur permettant, croit-on savoir, de se préserver ou de sauver un honneur qui, en fait, n'a pas besoin de tels écarts citoyens. L'honneur d'une personne n'est-il pas la proximité de la multitude populaire, de cet électorat divers que l'on fuit et que l'on drague une fois candidat ?           Descendre de son piédestal, quitter son air hautain, négliger ses fortunes, amadouer ses ardeurs, fidéliser son engagement, tuer ses rancunes, égaliser ses compatriotes, naturaliser sa démarche, et bien d'autres vertus humaines, resteront un critère pré-requis pour un homme qui se met, volontairement et sans plébiscite au vote public. Alors que l'action politique et le vrai militantisme ne se garnissent pas, uniquement, dans un faux sourire ou une aimable parole mais doivent se faire sur terrain, dans la masse ; certains de ces gens là prennent la fonction élective pour un poste de fonction publique.

A sentir ceux qui vont resurgir dans ma ville natale, y foutre le camp, le temps du mandat, reste un exil salutaire. Dormir, fermer les yeux, ne rien voir ni entendre ; voilà que le glas sonne et que le réveil vous happe de cette léthargie quinquennale. Désolation ou situation identique ; le pire est dans ce temps perdu, ce gaspillage, gratuitement consommé, alors que la vie continue. L'on a vécu bien ou mal avec autant de mièvreries, de déceptions, de désillusions et parfois de moitié de joie. Ça passe vite.