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2017, année inquiétante

par Pierre Morville

Il est assez désolant de faire le constat que cette nouvelle année 2017 est porteuse de risques sérieux, de crises multiples, de conflits amplifiés.

La principale cause de déstabilisation a été évidemment l'élection du dramatique clown Trump à la tête de la première puissance mondiale. Le nouveau président multiplie les décrets, ordonnances, circulaires toutes plus inquiétants les uns que les autres.

Dernier en date, un embargo contre les candidats musulmans à l'immigration aux États-Unis et le net refus d'accueillir des réfugiés qui auraient cette confession. Intitulé « Protéger la nation contre l'entrée de terroristes étrangers aux États-Unis », le décret a été mis en application immédiate dès sa signature, le 27 janvier. Le texte fait référence à une loi de 2016 qui établit une liste de « pays à risque » : le Yémen, l'Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l'Irak.

Le décret interdit pendant quatre-vingt-dix jours toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de ces sept pays. Les réfugiés syriens, dont seulement 18 000 ont été acceptés aux Etats-Unis depuis 2011, sont eux définitivement interdits d'entrée, jusqu'à nouvel ordre. De façon plus générale, le texte bloque le processus d'admission des réfugiés du monde entier pendant cent vingt jours.

La mesure concernera-t-elle les binationaux européens (italo-libyens, germano-irakiens?) ? Oui ,bien sûr : pour les binationaux non américains, c'est la nationalité de l'un des Etats visés qui primera et ils se verront interdire l'accès au territoire américain si l'une des nationalités est celle d'un des sept pays visés par le décret, à l'exception du Royaume-Uni et du Canada, qui ont déclaré avoir obtenu, dimanche, une exemption.

Rappelons que les États-Unis sont par définition une terre d'immigration, où des colons européens ont conquis un vaste territoire en marginalisant et souvent en massacrant les populations autochtones indiennes. Rappelons également que les États-Unis, pays qui développe une laïcité limitée, a toujours promu la liberté religieuse comme l'un des axes fondamental de sa conception républicaine. Cette liberté ne s'applique plus à l'évidence aux différents cultes musulmans, sunnites ou chiites.

Comme toujours cette décision qui rappelle les exactions aux Etats-Unis, contre l'immigration chinoise à la fin du XIXème siècle ou les mesures illégalement coercitives prises contre les citoyens américains d'origine japonaise pendant la seconde mondiale, choque une grande partie de l'opinion publique américaine. De nombreux juristes et institutions juridiques américaines protestent. De nombreux citoyens manifestent dans de nombreux cortèges, contre cette dérive quasi dictatoriale. L'Onu s'est émue. Dans le monde arabe comme dans l'Union européenne, les protestations affluent.

Mais Donald Trump n'en a rien à carrer

Sur le plan tactique, il faut lui reconnaître une grande habileté. Il agit très vite, avant même que le congrès ou les instances de la justice fédérale viennent limiter ou contrecarrer ses décisions, créant par ce fait une réalité de fait qu'il sera difficile de modifier.

Sur un plan moral, la plupart des décisions de Trump relèvent de l'indignité et ses mensonges sont infiniment multiples. Il s'était présenté lors de sa campagne électorale comme le défenseur des « travailleurs blancs pauvres », il ne favorisera en réalité que la petite minorité la plus riche du pays : aujourd'hui les 20 premiers milliardaires ont désormais plus d'argent que la moitié des américains, soit 152 millions de personnes.

Les USA contre le reste du monde

Sur le plan des relations internationales, des risques de tensions se renforcent tous les jours.

1er débat : le Mexique. Les États-Unis ont deux voisins frontaliers, le Canada et le Mexique. Donald Trump a réaffirmé récemment l'une de ses promesses de campagne : ériger un mur entre les deux pays, pour éviter l'arrivée de migrants mexicains. Le président s'est lancé dans ce combat dès le premier jour de sa candidature, en accusant le voisin du sud d'envoyer aux États-Unis «des criminels et des violeurs».Sa promesse de construire un mur sur les 3200 km de la frontière ? pourtant déjà couverte de barrières physiques et électroniques sur environ 1 200 km. Et Trump a décidé que le prix de cette construction devrait être assuré par le Mexique ! Au rebours de cet affrontement, un déficit commercial de près de 59 milliards de dollars dans les échanges entre Washington et Mexico, au bénéfice du Mexique.

Autre problème : ce ne sont plus les Mexicains qui sont aujourd'hui candidats à l'exil mais les habitants de l'Amérique centrale confrontés à une extrême pauvreté dans des régimes souvent très dictatoriaux. Autre rappel, ce sont les États-Unis qui ont conquis militairement à la fin du XIXème siècle des provinces mexicaines telles le Texas ou la Californie. Enfin, il existe aux États-Unis une importante communauté hispanophone qui regarde avec beaucoup de suspicion cette politique agressive de Trump.

Mais ce dernier adore par-dessus-tout le conflit. Il a récemment contesté l'accord nord ?américain Alena, accord commercial depuis 1994 entre les USA, le Canada et la Mexique et a mis fin à l'accord commercial TPP Asie-Pacifique. Il fait également preuve de son agressivité en s'attaquant à la deuxième puissance internationale, la Chine.           

Dans des termes et avec des formes encore une fois surprenantes.

Principal objectif du nouveau président américain : la réduction du déficit commercial entre les États-Unis et la Chine, qui, entre janvier et novembre 2016, a été de 319 milliards de dollars. Pour le réduire, la nouvelle administration pourrait utiliser sa méthode préférée, qu'elle a déjà évoquée pour le Mexique : des droits de douane élevés. Donald Trump avait évoqué un tarif de 45 % sur les importations chinoises. Il a également renoué des relations avec Taiwan, pays indépendant mais que la Chine considère comme faisant partie de son empire.

Ronald Reagan avait fait alliance en 1978 avec Deng Xiaoping en reconnaissant le principe d'un pays , la Chine et de trois systèmes : la Chine communiste, Taiwan et Hong-Kong, colonie anglaise qui a été rétrocédé à la Chine en 1997. L'objectif était de réintroduire la Chine dans l'économie mondiale mais surtout de détacher à l'époque la Chine de l'URSS.

Aujourd'hui, l'économie chinoise devient une rivale de la puissance américaine, y compris dans le domaine des nouvelles technologies. Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft ont maintenant des concurrents chinois comme Alibaba, Baidu, Tencent ou Huawei. En proposant une alliance privilégiée à Vladimir Poutine, il semble bien que l'objectif de Trump est aujourd'hui à l'inverse de détacher la Russie d'une éventuelle alliance avec la Chine?

La Chine veut se rapprocher de l'Europe

Face au nouveau protectionnisme américain, la Chine toujours communiste se fait aujourd'hui le principal défendeur de la mondialisation, comme l'a vivement déclaré le Président Xi Jinping au dernier sommet de Davos. Autre réponse chinoise, faire de l'Europe un allié privilégié. « Berlin est clairement courtisée par la Chine. Six jours après l'arrivée de la nouvelle administration étasunienne, le Premier ministre chinois Li Keqiang a appelé Angela Merkel pour affirmer que « l'Allemagne et la Chine devraient envoyer un signal de stabilité aux marchés mondiaux et, ensemble, assurer le système international de la pérennité d'une libéralisation du commerce et des investissements ». Pour finir, le chef du gouvernement chinois a assuré la chancelière de son soutien à la construction européenne » note Romaric Godin, de la Tribune. L'Allemagne et l'Union européenne en général pourrait être tentée d'accéder plus largement au marché chinois, ce qui lui permettrait de compenser les fermetures protectionnistes qui sont programmées par Donald Trump pour défendre le marché américain. La tentation est d'autant plus grande que le nouveau président américain semble se désintéresser de l'alliance militaire américano-européenne symbolisée par l'OTAN, l'alliance atlantique étant jugée par Trump comme « obsolète ». Autre provocation, le nouveau président américain s'est réjoui du Brexit, une « chose merveilleuse » selon lui, l'exemple du départ du Royaume uni de l'Union européenne devrait selon lui, être suivi dans peu de temps par d'autres pays européens ! « Trump affiche publiquement son mépris à l'égard de l'UE. Au gré de ses tweets, ou de ses interviews, il la voit comme une prison des peuples, comme un monstre bureaucratique, qui vivrait sous la domination de l'Allemagne, afin de l'enrichir. Après avoir félicité la Grande-Bretagne pour son Brexit, il a reçu chaleureusement son premier ministre le 27 janvier 2017 - sans qu'on perçoive encore clairement ce que Theresa May a gagné de concret en se précipitant comme un caniche. Trump encourage ouvertement les pays membres de l'UE à la quitter au plus tôt » souligne Renaud Girard dans le Figaro. Le rapprochement avec la Russie proposé par Donald Trump est-il réellement sérieux ? Les propositions en matière de politique étrangère du nouveau président américain restent pour grande partie mystérieuses, voire énigmatiques. Au Moyen-Orient, il a clairement désigné Daesh comme l'ennemi principal, félicitant Vladimir Poutine pour son action en Syrie mais, parallèlement, il s'en prend très vivement à l'Iran, dénonçant la traité signé avec ce pays par Barack Obama. Problème, l'Iran est le principal allié de Vladimir Poutine pour le règlement des différents conflits alimentés par le djihadisme radical sunnite qui affectent autant la Syrie que l'Irak. Allez comprendre?

Tempête pour François Fillon

Un autre admirateur de Vladimir Poutine traverse aujourd'hui une crise majeure. François Fillon qui avait été désigné par la primaire de la droite et du centre comme candidat à la prochaine élection présidentielle, pourrait bien être obligé de renoncer à ses ambitions d'être le futur chef de l'État français. Et pourtant, jusqu'à la semaine dernière, l'ensemble des sondages le donnait gagnant à la prochaine élection. Mais il y a les révélations du Canard enchainé : Après avoir d'abord révélé que Pénélope Fillon avait touché 500 000 euros d'argent public comme assistante parlementaire de son époux, Le Canard enchaîné a publié une deuxième salve dans son édition du 1er février. « Et les chiffres sont à la hausse, rapporte Le Monde, le journal satirique affirme désormais que la femme du député de Paris aurait en fait reçu, au total, plus de 900 000 euros, comme assistante parlementaire et en tant que conseillère littéraire à la Revue des deux mondes. L'hebdomadaire affirme, en outre, que M. Fillon aurait rémunéré deux de ses enfants comme assistants parlementaires quand il était sénateur de la Sarthe, entre 2005 et 2007, pour un montant de 83 735 euros brut sur vingt et un mois ». Outre l'importance des sommes, pour grande partie sur fonds publics, versées par François Fillon à sa famille, la question qui se pose surtout, porte sur la réalité du travail effectué par sa femme et ses deux enfants. D'autant que Pénélope Fillon a très souvent déclaré qu'elle ne se mêlait aucunement de politique. Difficile à conjuguer avec sa prétendue mission d'assistance parlementaire de son mari François Fillon.

La justice a réagit rapidement en ouvrant une enquête sur ce travail apparemment fictif. Le candidat Fillon pour l'instant crie au complot et au déversement de calomnies, sans nier les faits eux-mêmes. « La déflagration de l'affaire Fillon pourrait conduire le candidat à un affaiblissement irréversible, si les révélations se poursuivent et que les faits sont confirmés », constate Le Figaro, plutôt favorable à l'actuelle opposition de droite, «dès lors, se pose la question d'une candidature alternative, dans le cas, évoqué par François Fillon lui-même, où une mise en examen, ou un décrochage trop brutal dans l'opinion, le contraindrait à se retirer de la course prématurément. Dans les statuts de la primaire, rien ne prévoyait une telle option, et Alain Juppé a rapidement fait savoir qu'il refuserait d'être un recours ». Casse-tête à trois mois de la présidentielle.