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Donald Trump, alerte rouge !

par Mourad Benachenhou

« En vue de protéger les Américains, les Etats-Unis doivent s'assurer que ceux admis dans ce pays ne cachent pas des attitudes hostiles envers notre pays et envers ses principes fondateurs?Les Etats-Unis ne peuvent pas, et ne doivent pas, admettre ceux qui ne soutiennent pas la Constitution, ou ceux qui placeraient des idéologies violentes au-dessus des lois américaines. » Décret-loi du 28 Janvier 2017 Numéro EO13770 intitulé « Protection de la Nation contre l'entrée des terroristes sur le territoire des Etats-Unis . »

«Le texte du décret-loi de Trump n'utilise jamais les mots «Islam» ou «Musulmans.» Mais il est si plein de mots codés qu'il est impossible de se tromper sur ses objectifs? La théorie qui sous-tend l'ordre est que les Musulmans, plus spécifiquement les Musulmans nés à l'étranger, sont perçus comme une sorte spéciale de menace d'extrémisme violent.» dans : Zack Beauchamp, Vox.com 28 Janvier 2017.

Les statistiques compilées par des organismes officiels américains peuvent-elles soutenir la thèse que le principal danger qui menace les citoyens américains sur le territoire des Etats-Unis viendrait du terrorisme ?

Pour les Américains, le risque d'être assassinés par d'autres Américains ou par des Latino-Américains est Infiniment plus grand que d'être tué par des «terroristes islamistes radicaux.»

Il ne semble pas que les «islamophobes,» actuellement au pouvoir à la Maison Blanche puissent trouver dans ces statistiques quelque élément probant donnant à cette «menace terroriste» intérieure un caractère si grave, qu'elle constituerait un danger immédiat d'annihilation de la nation américaine, danger exigeant des mesures particulièrement dirimantes contre les Musulmans tant américains qu'étrangers, et plus spécifiquement ceux qui viendraient des sept pays mentionnés dans le décret-loi du président Donald Trump.

Ce que révèle le chiffre des crimes commis par armes à feu entre 2001 et 2013 est que la probabilité qu'un Américain ait perdu la vie du fait d'une attaque terroriste pendant cette période, et malgré le nombre massif de victimes des actes lâches et barbares du 11 Septembre 2001, est cinquante fois moindre que la probabilité qu'il ait été tué par un autre Américain. Voici ce qu'indique cette compilation, diffusée par la chaine de télévision cryptée : CNBC, une chaine qui n'a pas la réputation d'être libérale ou de sortir des canons de l'établissement journalistique des Etats-Unis :

«Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies estiment que 153.144 personnes ont été tuées dans des homicides avec utilisation d'armes à feu entre 2001 et 2013, dernière année où ces données sont disponibles?

«La banque de donnée globale sur le terrorisme ? qui utilise un critère pour déterminer les attaques terroristes et inclut aussi des actes de violence plus ambigües dans leurs objectifs-estime que 3046( dont les victimes des attaques du 11 Septembre 2001) personnes aux USA sont mortes dans des attaques terroristes, ou probablement terroristes, entre 2001 et 2014.»

Ce qui saute aux yeux c'est qu'un Américain encourt plus de risque d'être tué par un autre Américain, de la même religion et de la même race que lui, que par un «terroriste radicalisé et barbu,» venu d'un des sept pays déclarés «foyers de terrorisme» par le décret-loi du Président Trump.

De plus, et sans pointer du doigt une communauté quelconque, une compilation statistique sur le nombre de détenus dans les prisons américaines indique que 28,4 pour cent des 162.489 prisonniers en provenance d'Amérique latine ont commis des meurtres, soit 46.146.

Là aussi la conclusion est facile à tirer. Le risque pour un Américain, de quelque origine que ce soit, d'être assassiné par une personne en provenance d'un pays d'Amérique latine, est plus grand que son risque d'être la victime d'une attaque, exécutée par un «terroriste radical islamique.»

Un décret-loi islamophobe

Si le décret-loi de Trump avait comme unique objectif de garantir aux Américains une plus grande sécurité, il aurait dû soit inclure des mesures visant à réduire les causes derrière le massacre dont les Américains sont les victimes du fait d'agressions à main armée par leurs propres concitoyens, soit , additionnellement, à décréter contre les personnes originaires d'Amérique Latine une interdiction totale d'entrée sur le territoire américain,- et avant même la construction du fameux «mur de séparation entre les Etats-Unis et le Mexique,» auquel Netanyahu s'est pressé de marquer son approbation.

La thèse, qui continue à être défendue à cor et à cri, non seulement par le président des Etats-Unis, mais également par ses soutiens, que ce décret-loi ne vise pas les personnes de confession musulmanes, mais est simplement un acte légitime et constitionnellement fondé, de protection des citoyens américains, ne repose sur aucun élément concret la justifiant. Les victimes des attaques terroristes, si condamnables et si méprisables que ces actes puissent être, et compte tenu du fait qu'une seule victime est une victime de trop, et que la vie est un bien trop précieux pour être enlevé de manière brutale, sont une proportion infime par rapport aux victimes de crimes de sang tuées par d'autres Américains, ou par des émigrés venus d'Amérique latine.

La conclusion qu'a tiré le journaliste du site d'information «vox.com» s'impose comme une déduction solide et non biaisée :

« Trump dit que son interdiction d'entrée des refugiés a pour objectif de protéger l'Amérique, C'est en réalité de l'islamophobie.»

Et il ajoute : «depuis le 11 Septembre, les suprématistes blancs et extrémistes du même type ont tué plus d'Américains aux USA que tous les extrémistes, Américains ou non-Américains ensemble. Il semble que, si votre objectif est de sauver des vies et d'arrêter l'extrémisme, il est plus raisonnable de prêter attention à ce qui se passe dans notre maison que de distinguer un groupe particulier d'émigrés qui viennent, de manière disproportionnée d'un seul groupe religieux? Le décret-loi de Trump est une sorte de «loi d'exclusion des Musulmans.»

Weimar et Hitler, une histoire à remettre en mémoire

Beaucoup de commentateurs ont établi une similitude entre le décret-loi de Trump et l'infâme «Décret d'urgence pour la protection du peuple et de l'état,» par lequel Adolph Hitler a imposé sa dictature contre le peuple allemand, en violation de la Constitution de Weimar, pourtant établie en 1919 par une assemblée constituante formée de représentants de différents partis politiques.

Ce décret a été suivi d'une «loi d'urgence visant à la suppression de la détresse dans le peuple et dans le Reich,» et de la «loi sur les pleins pouvoirs,» qui ont permis à Hitler de mettre de côté les stipulations de la constitution de Weimar, qui était l'une des plus libérales et des plus généreuses des constitutions des pays avancés.

La meilleure constitution du monde ne garantit pas contre les dérives dictatoriales

Hitler n'a jamais abrogé cette constitution, dont la validité est demeurée jusqu'en 1946, année de son abrogation. Il a, suivant l'expression de l'autre «dictateur raciste,» Netanyahu, «transcendé la Constitution Allemande.» On sait ce que ces pleins pouvoirs ont fait pleuvoir de destructions et de malheurs sur le peuple allemand, comme sur les peuples de toute la planète Terre. (voir : www.bundestag.de en français)

Et on constate également que la meilleure constitution démocratique du monde ne constitue pas une garantie solide contre les dérives dictatoriales qui dorment en chaque chef d'Etat, et dont le nouveau président américain a donné de multiples preuves, dont la plus récente, et sans doute non la dernière, est ce décret-loi anti-musulman.

La Constitution de Weimar n'a pas échoué du fait de ses dispositions. Au contraire, et elle doit continuer à être l'objet d'étude approfondie de la part des constitutionnalistes algériens , trop portés sur l'exemple français, et négligeant l'expérience constitutionnelle allemande particulièrement originale et progressiste et dont le meilleur exemple est cette constitution de Weimar, une source d'inspiration pour les adeptes du progrès sociale, et qui aurait servi de meilleur cadre que la constitution française de la 5ème République.

Cette constitution a été la victime d'un homme arrivé au pouvoir rempli de haine, qui a vite fait de trouver les moyens légaux pour rendre nulles toutes les dispositions prévues par elle garantissant les libertés et l'égalité devant la loi de tous les citoyens, allant jusqu'à interdire qu'ils soient forcés de révéler leur religion, et leur donnant des droits sociaux que ne prévoyait aucune des constitutions des pays avancés de l'époque.

En conclusion

On ne peut que citer un article paru sur la revue «Foreign Policy, «qui souligne la dérive islamophobe , dont la manifestation la plus patente et la plus officielle est le récent décret-loi signé par le Président Donald Trump, et qui pourrait être le premier pas vers une dictature qui ne se révèlera que peu à peu, et qui est fondée sur l'incitation à la haine religieuse, du même modèle que le système hitlérien, et porteuse de malheurs encore plus grands, non seulement pour les pays à majorité musulmanes, mais pour la communauté humaine dans son ensemble.

Voici ce que dit cet article, paru sous le titre prémonitoire de « Les Etats Unis de l'Islamophobie,» signé de Kim Ghattas, et publié le 5 juillet 2016 :

«Une étude publiée l'an dernier par la société de consulting 416lab a montré que sur 25 années de couverture et de gros titres, le portrait de l'Islam et des Musulmans sur le New York Times a été plus négatif que le cancer, l'alcool et la cocaïne? Ceci forme le subconscient collectif américain et aide à normaliser les attitudes racistes. Le racisme brutal de Trump a attiré le plus d'attention. Mais, la récente campagne électorale abonde d'exemples d'allusions calomnieuses et de xénphobie banalisées.»

Y-a-t-il parmi les Américains une opinion publique qui refuse ce glissement vers le fascisme plus ou moins proche du nazisme, mais visant les Musulmans ? Les réactions massives et pacifiques montrent que l'espoir de voir le peuple américain défendre les valeurs sur lesquelles sa constitution est bâtie, existe et se manifeste concrètement. Les condamnations de l'acte législatif du Président Trump par l'appareil judiciaire fédéral américain prouvent que l'endiguement de cette islamophobie dangereuse pour la survie même de l'humanité est encore possible .

Mais la vigilance est de rigueur, car l'équipe gouvernementale choisie par ce président laisse la voie ouverte à une dérive dictatoriale d'extrême droite décidée à vider de leur force la constitution et les lois américaines de protection des droits de l'homme.

Va-t-on vers une réplique de l'accord Ribbentrop-Molotov de 1939, ouvrant la voie vers une guerre mondiale sous prétexte de lutter contre le «terrorisme radical islamiste,» et de détruire sa manifestation la plus cruelle ; à savoir «Daesh ?» Ou faut-il garder l'espoir d'un sursaut salvateur avant le saut dans l'abîme de la violence totale ? Seul l'avenir proche le dira. En cas de cataclysme, nul pays n'échappera à ses conséquences, et , pour l'homme d'état, ramper sous son lit pour s'en protéger n'est pas la bonne solution !