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REVENIR, AU MOINS, A L'ESPRIT DE ZERALDA

par M. Saadoune

Que faire de la «main tendue» du roi Mohammed VI, qui a décidé de «prendre acte» des progrès dans les relations sectorielles entre l'Algérie et le Maroc et a appelé à une «dynamique nouvelle» pour régler les «problèmes en suspens» ?

 Qu'il le fasse dans un souci ? toujours présent ? purement médiatique de paraître chercher une sortie de l'immobilisme ou par souci réel de faire avancer les choses, Alger gagnerait à ne pas répondre par la négative. Bien entendu, le souverain marocain ne change pas de position sur le Sahara Occidental et il serait malhonnête d'y voir une attitude surprenante. Tout comme d'ailleurs Rabat ne sera pas fondé à voir dans la réaffirmation de l'attachement au principe fondateur de l'autodétermination de l'Algérie un comportement surprenant.

 Dans les faits, cela fait des décennies que les deux parties sont sur des positions inconciliables sur la question. Tellement inconciliables que le sujet est devenu la solution facile de ne pas se parler.

 En réalité, la loi de la géographie, pour ne pas évoquer celle de l'histoire ou de la culture commune, commande justement de «prendre acte» de cette divergence de fond et d'essayer d'avancer, de sortir du surplace.

 Le prélancement de l'Union du Maghreb arabe au sommet de Zéralda en juin 1988 a été fait alors que la question du Sahara Occidental se posait déjà. Il y avait donc une conviction ? qui s'est perdue en chemin ? que l'on pouvait avancer malgré ce problème. Et peut-être avec la certitude que plus on avance dans le bilatéral et dans l'Union du Maghreb, plus la question du Sahara Occidental sera plus aisée à résoudre.

 Il faut bien constater que depuis ce moment inaugural, les petits progrès ont été stoppés net par la crise de 1994 et les accusations, totalement infondées, du Maroc contre l'Algérie au sujet des attentats de Marrakech. Il y a eu récemment des rencontres entre ministres des deux pays et des projets de coopération se sont mis en place. Mais bien entendu, cela n'est pas suffisant. Il faut être inventif pour sortir d'un blocage qui peut durer, par inertie, encore trente autres années. Au début de l'année et prenant exemple du cas sino-indien, où, malgré un lourd différend frontalier, on a œuvré de concert pour le développement des relations économiques, le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) avait lancé l'idée d'un «corridor» pour les échanges entre l'Algérie et le Maroc.

 L'idée, évoquée publiquement, n'a suscité aucune réaction officielle. Elle avait pourtant le mérite de montrer que des acteurs de l'économie tentent de faire preuve de créativité face à une situation stérilisante.

 Le Maroc veut aboutir à la réouverture des frontières. C'est un objectif d'autant plus légitime que ces frontières n'ont pas vocation à rester éternellement fermées et à n'être, dans les faits, qu'un monopole des trabendistes. La vocation de ces frontières est de disparaître et non de se transformer en mur. Le discours du roi est peut-être purement médiatique, voire politicien, mais dans ce cas il ne faut pas lui donner un gain facile en rejetant d'emblée son appel.

 Il est bien clair que sur le Sahara Occidental, l'Algérie n'a pas à renoncer à ses positions de principe. Mais il est temps de revenir, au moins, à l'esprit de Zéralda et de sortir de la régression, à tout point de vue stérile, de l'année 1994 et des empressements désastreux de Basri et de Hassan II.