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L'opposition et l'excessif

par Abdou B.

« Les évènements sont plus grands que ne le savent les hommes » F. Guizot

Lorsque le premier magistrat annoncera dans les formes requises, au moment choisi par lui le contenu des réformes initiées et leur calendrier, il est fort probable que la classe politique se positionnera sur des thèmes anciens, sans changer d'un iota. Et à l'évidence, sauf grosse surprise, les partis qui sont l'architecture de la majorité qui gouverne s'auto-féliciteront, alors qu'ils ne sont pour rien dans les choix de M. Bouteflika, et trouveront les meilleurs arguments pour « soutenir ». En adoptant cette démarche qui est la leur depuis le premier jour du premier mandat de M. bouteflika, ils travaillent encore plus au discrédit de la politique et confortent le Président qui, dès le départ en 1999 avait annoncé la couleur en déclarant qu'il était un candidat libre qui entendait ne rien devoir aux partis pour présider à 100%. L'allusion directe ou du moins déchiffrée comme telle, concernait une partie des chefs militaires et du DRS qui ont traversé un moment décisif et tragique du pays sous la menace des tenants politiques et ceux armés qui gravitaient autour de la nébuleuse de l'ex-FIS. Avant l'élection de M. Bouteflika. Avec l'épuisement du troisième mandat et au moment où nombreux sont les candidats déclarés, semi candidats ou en embuscade pour le prochain scrutin présidentiel, il est tôt pour des bilans définitifs. Mais des constats sont indiscutables. Il y a assurément dans le champ politique des absences de sérénité, de continuité dans le temps, d'un esprit fédérateur et constructif qu'impose le réel algérien très perturbé. De chaque côté on cherche à exclure l'autre, quitte à manipuler l'Islam et faire appel au diable comme témoin à charge. Dans la rupture des liants élémentaires, le pouvoir a sa part de responsabilités dans le non respect des règles démocratiques. La fermeture des médias lourds, l'évanescence du Parlement correspondent cependant aux pratiques du parti unique exercées dans presque toutes les formations, à l'intérieur même de celles qui ont les labels « démocratique » et « républicain » avec l'idolâtrie du chef en prime. Si le tableau n'est pas entièrement rose il n'en comporte pas moins des succès déterminants, des évolutions positives, certaines contrariées par une culture de l'inertie, par des rentes de situation fort dangereuses et par une administration qui fait dans la politique, la culture et même le sport. Les lacunes et les dysfonctionnements qui provoquent des révoltes, des grèves et des émeutes peuvent être éradiqués par le pouvoir qui a le pouvoir, l'information vraie et les statistiques, les réserves de change?ces paramètres doivent être communiqués à l'opinion, au Parlement et à tous les opérateurs économiques. Contrairement à certaines analyses, les appareils disparates, traversés par un nomadisme politique incessant qui ont des intérêts spécifiques ne « roulent » pas tous et sincèrement pour M. bouteflika. On peut même, sans beaucoup de risques, concevoir que des cercles du pouvoir, des sectes de courtisans sont plus nocifs que des opposants et des commentateurs qui visent le Président ou le système globalement.

La réconciliation nationale, axe central de la politique intérieure, si elle reste à parachever sur d'autres versants que ceux directement liés au terrorisme, aux repentis, aux patriotes, aux disparus demanderait plus d'imagination et de convictions du côté de la majorité qui se contente de paraphraser le Président et d'excommunier sur le mode papal ceux qui la critiquent. Le reflux considérable du terrorisme est une réalité, sans occulter ce qui lui reste de capacités de nuisance et les vies qu'il fauche, enterrées dans l'anonymat. Le retour vers une « normalité civile » se fait sérieusement par des touches parfois ignorées par la presse écrite et parasitées dans les médias lourds ennuyeux et perçus comme de simples porteurs de messages officiels, et qui desservent plus qu'on le pense les actions de M. Bouteflika. Tout dernièrement, il a été mis fin théoriquement à la mainmise de « la police politique » sur les enquêtes d'habilitation pour la nomination des cadres au profit de la justice. Cette normalité, qui reste à concrétiser complètement sur le terrain, toute républicaine a été mise sur rails en 1990. Elle est aujourd'hui reposée. A part Le Quotidien, La Tribune qui lui a consacré en son temps un éditorial, aucun acteur démocrate et républicain n'a commenté cette décision. Ce silence est-il réprobateur ? Ou bien existent encore des courants qui entendent mouiller jusqu'à la fin du monde l'armée et les services dans les marais politiques et leur faire endosser des nominations, des renvois et même des résultats électoraux ? Ce qui serait un crime contre la démocratie, l'ANP et les évolutions positives espérées pour le pays dans lesquelles l'armée ne ferait pas de politique.

Depuis sa première élection, largement commentée, les opposants d'envergure, de moyenne grandeur et les insignifiants en termes d'ancrage populaire et de programme ont passé au crible, sinon à la moulinette le moindre geste de M. Bouteflika. Les partis d'opposition purs et durs, les commentateurs de presse, des personnalités qui ont exercé des responsabilités, ont, tous, délivré des rafales de critiques et d'analyses plus ou moins pertinentes. Parmi ses détracteurs les plus virulents, certains ont déployé des trésors d'acrobatie pour lui faire endosser, à lui seul, l'ensemble des aspects négatifs dans la marche du pays. D'autres ont essayé, et essayent de lui opposer « la pureté républicaine » des forces armées, pour ensuite condamner sévèrement l'ensemble du régime, y compris l'ANP, le D.R.S. et la majorité. Au point que des charges ressemblent plus aux gémissements d'amoureux transis plutôt qu'à des projections programmatiques, des pistes patriotiques pour des consensus fertiles.

A force de tomber dans l'opposition pour mériter le sigle d'opposant, des courants, inexorablement, sombrent dans le pur esprit anti-patriotique pour valoriser tous les délires anti-algériens. La sécurité nationale, la politique étrangère, les succès diplomatiques ou autres à l'extérieur sont purement et simplement occultés. La tendance est de confondre sans état d'âme tout le pays avec un homme, validant ainsi la thèse par ailleurs pourfendue du démiurge. Mais s'opposer au plan politique autorise-t-il toutes les extravagances ? Le Conseil National Economique et Social (C.N.E.S.) a été distingué par ses pairs africains et les autres en 2000. Juillet dernier, le président du C.N.E.S., à Rome, a été élu à la tête de l'Association Internationale des C.N.E.S. et associations similaires. L'Algérie n'était pourtant pas candidate et aurait dû attendre des lustres après son élection de 2000. Mais les Conseils africains et les autres ont décidé autrement. Cependant, l'évènement n'a pas eu l'écho légitime alors qu'il s'agit là du pays et non d'un homme. Ce dernier s'il reçoit des éloges, des remerciements pour services rendus à l'Afrique, à la paix sait parfaitement qu'à travers lui, ce sont des compétences et des élites nationales qui sont concernées. Et ces élites, ces anonymes ou super médiatisés patriotes existent. Mais l'Algérie, des institutions, dont certaines sont calamiteuses, des responsables dont certains sont au-dessous de tout sont confondus avec un homme, un système. Le « tout aux orties » fait aisément plonger dans l'excessif?