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Le président de l'Association de sauvegarde des cimetières chrétiens d'Algérie, Jacques Cavanna, est depuis hier à Alger. Cet avocat du barreau de Montpellier, qui a vécu dans le quartier d'El-Hamma (Belcourt) jusqu'aux dernières années avant l'indépendance, critique sévèrement les politiques français et affirme qu'entre 50 et 60% des pieds-noirs espèrent obtenir la nationalité algérienne. Le Quotidien d'Oran: Vous vous rendez en Algérie à la tête d'une délégation de «pieds-noirs». Quel est le but de cette visite ? J.C.: La première délégation de rapatriés que j'ai conduite date de 2001 et depuis cette date, j'ai conduit une délégation pour chaque Toussaint dans les cimetières d'Alger et des environs. Le but est comme vous le savez de venir sur place nous recueillir sur les tombes de nos parents ou grands-parents et de retrouver le pays et les amis. Les retrouvailles sont d'ailleurs toujours poignantes. Il n'y a aucun but politique et ce n'est au surplus pas notre propos. Comme vous avez pu vous en rendre compte, les retours de pieds-noirs sont nombreux depuis l'an 2000. Q.O.: Pourquoi ce choix du 1er novembre (61e anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne) pour venir en Algérie ? J.C.: Pourquoi le choix du 1er novembre ? Ce n'est pas un choix car la Toussaint le 1er novembre est une fête chrétienne. De tout temps, la Toussaint, qui est une fête religieuse, est la fête qui honore tous les saints et les morts. Je vous confirme que nous venons depuis 15 ans en Algérie à chaque Toussaint. Q.O.: Pensez-vous que les autorités algériennes sont aujourd'hui plus attentives aux préoccupations des pieds-noirs ? J.C.: Je peux vous dire que personnellement j'ai toujours reçu le meilleur accueil et j'ai toujours eu une écoute attentive des autorités algériennes, et ce même au très haut niveau. Les préoccupations de la communauté des rapatriés sont aujourd'hui essentiellement l'entretien et la rénovation ou la maintenance des cimetières, sachant qu'il s'agit bien évidemment d'une partie du patrimoine algérien; aussi, lorsqu'un enfant passe devant l'un de ces cimetières, il sait qu'il passe devant une page d'histoire de son village ou de son quartier. J'ai toujours été reçu chaque fois que je l'ai souhaité et je dois dire également j'ai eu la chance d'avoir eu des facilités pour les accès aux différents cimetières. La preuve est que certaines communes ont elles-mêmes remis en état le cimetière communal ou ont fait son entretien. Les exemples sont nombreux même s'il faut essayer d'en faire davantage avec peut-être le concours des communes de France. C'est tout ce patrimoine qu'il faut que nous préservions ensemble. Q.O.: Le problème des cimetières chrétiens en Algérie revient tel un leitmotiv dans certains milieux politiques français. Un député de la droite a même demandé le rapatriement des ossements des Français morts en Algérie. Est-ce que vous ne sentez pas de la manipulation politicienne ? J.C.: Que le problème revienne régulièrement dans les milieux politiques français n'est qu'une poudre aux yeux. Je vous confirme que c'est cyclique; à chaque nouvelle élection, les politiques de tous bords se rappellent que nous existons et viennent depuis 60 ans avec le chœur des sirènes faire des promesses. Après les élections, les mêmes ténors de la promesse nous ont complètement oubliés, ils sont aux abonnés absents jusqu'à la prochaine élection et cela dure depuis... 60 ans. D'autre part, les mêmes politiques nous ignorent même pour nous demander notre avis, par exemple sur les cimetières. Q.O.: Les cimetières musulmans sont régulièrement profanés en France mais cela n'a jamais suscité de tollé de la part de cette même classe politique. Pourquoi cette politique de deux poids, deux mesures ? J.C.: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre affirmation concernant les cimetières musulmans en France. Ils sont généralement bien entretenus par les communes et par les familles. Il est vrai que quelques tombes ont été profanées dans certains cimetières, mais à chaque fois il y a eu des enquêtes (avec déplacement de ministre dans certaines profanations) policières et des sanctions pénales à l'encontre des auteurs de tels actes méprisables et inadmissibles. En France, sauf à ce que quelque chose ait pu m'échapper, les services de police et le Parquet ont recherché les auteurs et les ont condamnés. Je pense qu'il est nécessaire que nos politiques de chaque côté puissent avoir des accords pour que chaque profanation d'où qu'elle vienne soit sévèrement sanctionnée. Nous pouvons travailler ensemble sur ce sujet. Vous savez bien évidemment qu'il n'y a pas (à ma connaissance) de cimetières musulmans mais qu'il existe des «carrés» musulmans au sein des cimetières communaux, principalement des villes. Q.O.: Vous êtes connu, M. Cavanna, pour votre combat pour l'obtention de la nationalité algérienne pour les Français nés en Algérie. Est-ce que vous pensez que cela aboutira un jour ? J.C.: Le problème de la nationalité est effectivement un problème politique et ne peut résulter que d'une volonté politique. Le Maroc a légiféré et a décidé que le rapatrié du Maroc né dans le pays peut demander la nationalité marocaine. Enrico Macias disait que pour lui, il n'était pas pensable de demander un visa pour aller dans son pays. On ne peut pas contester à notre chanteur national de ne pas aimer l'Algérie. Le droit algérien concernant la nationalité repose sur le droit du sol. Il ne me paraît pas anormal pour celui qui le souhaite de réclamer cette double appartenance. Cette demande est la démonstration d'un attachement à ce pays. Les consuls d'Algérie en France pourront vous confirmer qu'ils sont régulièrement interrogés par ceux qui réclament cette double nationalité; et ce n'est pas pour ensuite réclamer une retraite ou un RSA !! J'ai effectivement dit à plusieurs reprises que dans la communauté rapatriée, environ 50 à 60% étaient demandeurs. Mais combien d'Algériens réclament ou veulent réclamer la nationalité française ? Environ plus de 80% et sans compter ceux qui à tous les niveaux l'ont déjà sans rien dire. Je suis bien placé pour y répondre. J'ai à mon cabinet entre 130 et 150 dossiers, outre les dossiers pour lesquels j'ai précisé que le postulant n'était pas éligible (demande de réintégration ou demande de naturalisation). Je ne sais pas si cela aboutira. C'est du ressort de la souveraineté algérienne, et du ressort du gouvernement algérien. Je serais néanmoins celui qui aura posé le problème, celui qui aura permis d'ouvrir le débat et peut-être celui qui aura permis de franchir un grand pas. Q.O.: Il existe des «extrémismes» aussi bien en Algérie qu'en France pour ce qui est de la question des pieds-noirs. Certains ne veulent pas tourner la page de la guerre entre les deux pays. Comment vous expliquez cela ? J.C.: Il existe effectivement des extrémistes des deux côtés de la Méditerranée. J'ai pour habitude de dire qu'il y a de chaque côté 10% d'irréductibles; ce qui veut dire qu'il faut faire tout ce qui est possible avec les 90% ouverts à la tolérance et à la fraternité. On ne peut pas empêcher certains de continuer à croire qu'ils sont encore en 1962. Il n'y a pas d'explication, ils étaient extrémistes et le sont restés même avec l'âge. C'est un simple constat, pas une critique. Aujourd'hui, je n'ai pas la prétention de refaire l'histoire, il y a des historiens dont c'est le métier qui nous expliqueront toute cette période. Par contre, il y a l'avenir et personnellement je suis tourné vers cet avenir. Q.O.: Pensez-vous qu'avec l'avènement des présidents Hollande et Bouteflika, les relations entre l'Algérie ont connu un bond significatif sur le chemin de la réconciliation ? J.C.: Je ne crois pas que la présidence Hollande comme celle de son prédécesseur laissera un souvenir impérissable ni à l'Algérie ni à la communauté rapatriée. Il n'y a pas de bond significatif et sérieux et il ne pourra pas y en avoir tant que la diplomatie française sera ce qu'elle est vis-à-vis du pays. Les relations diplomatiques avec l'Algérie doivent être laissées à ceux qui connaissent le pays, sa culture et ses mentalités, à ceux qui ont cette double culture. Il y a beaucoup à dire sur ce point et votre question mérite d'être plus longuement développée ultérieurement. Q.O.: Enfin, on dit que vous avez été reçu à plusieurs reprises par le président Bouteflika. Est-ce que vous confirmez l'information ? J.C.: J'ai effectivement demandé à être reçu par monsieur le Président Bouteflika, j'ai échangé des courriers mais je n'ai jamais dit que j'avais été reçu par celui-ci. C'est une affirmation de vos confrères à qui j'ai adressé un droit de réponse pour qu'ils le publient. J'ignore si cela a été suivi d'effet. |
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