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Une femme, commandant en chef de l'US Army, vade retro Satana !

par Sid Lakhdar Boumédiene*

Entre un candidat aux facultés intellectuelles proches du zéro et une femme, demi-citoyenne sous tutelle, nous l'avons échappé belle. Les Américains auraient pu proposer l'élection de leur emblème, un aigle. L'auteur n'a pas perdu la raison, il se réfère tout simplement au code de la famille dont il lui est demandé allégeance juridique et adhésion. Et la lecture de ce texte le légitime à être consterné par une élection américaine qui insulte le droit et les nobles valeurs de notre civilisation.

Dès l'annonce de la quasi-certitude de l'élection d'Hillary Clinton, je me suis précipité vers l'œuvre majeure des juristes algériens, leur chef-d'œuvre intemporel, soit le statut de la femme. Et très rapidement, dès les premiers articles, il apparaît clairement que les Américains sont tombés sur la tête. Une femme, entendez-vous déjà la sonorité du mot qui trouble leur esprit et étrangle leur voix, «une femme» risque d'être à la tête du plus puissant Etat du monde.

Ce n'est pas seulement une folie, c'est une insulte envers toutes les règles qui fondent notre civilisation ancienne, celle qui nous parvient du septième siècle. Permettre à une femme de se présenter à la magistrature suprême, c'était pourtant déjà un acte impensable. Lui avoir permis de faire campagne face à un homme, c'était transgresser gravement la loi sociale. Mais l'élire à la fonction, ce serait totalement irresponsable. Pour les rédacteurs du code de la famille, nous sommes en présence d'une situation extérieure à la raison humaine. Barbare, animal, extraterrestre, reste à les laisser choisir la qualification de l'acte incompréhensible mais laissons-les reprendre leurs esprits avant de les questionner sur cet objet juridique non identifié.

Rassurons-les, un pays qui a inventé le chewing-gum et Donald le canard, c'est certainement pas très sérieux, faisons confiance à notre socle civilisationnel qu'est le code de la famille, certainement plus universel que les coutumes fantasques et impudiques des autres peuples.

En feuilletant de nouveau le code de la famille (je ne cesse de le faire depuis tant d'années tant il me fascine), je me demandais ce qui se passerait si nous transposions notre droit dans l'analyse de l'acte farfelu des Etats-Unis. Une démarche pédagogique qui mettrait en lumière, davantage qu'il est nécessaire, l'incongruité et la dangerosité de l'affaire.

Regardons tout d'abord pourquoi il y a une déviance importante par rapport aux valeurs fondatrices de l'Amérique elle-même. Nous évoquerons ensuite les nombreuses hypothèses de blocage institutionnel qui risquent de paralyser cette grande nation et, par conséquent, le monde entier.

Si les Américains avaient lu la Bible...

Si les Américains étaient cultivés, ils auraient souvenir des premières pages de la Bible qui, pourtant, est la base fondamentale de leur Constitution. Une créature modelée à partir d'une des côtes de l'homme, c'est déjà pas sérieux pour en faire son égal. Alors, vous vous imaginez, l'élire à la présidence des Etats-Unis !

Mais ce n'est pas tout, nous ne pouvons passer sous silence la suite, son acte impardonnable qui a entraîné le péché originel. L'homme, sage par nature, l'avait pourtant informée de l'interdiction de goûter au fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Pensez-vous, c'était justement ce qu'il ne fallait pas dire à l'être le plus sournois et le plus curieux de l'Eden. Satan le comprit si bien qu'il s'introduisit dans son corps pour instiller la tentation du diable.

Elle s'empressa donc immédiatement de pousser à la faute ce pauvre Adam et on sait où cela a mené la descendance humaine. Dès la première génération suivante, il y eut un assassinat dans la famille, perpétré par l'un des deux frères, enfants du couple. Caen fit comprendre à Abel qu'il n'y avait pas de place pour deux mâles dominants et l'assassina aussitôt.

C'était parti pour des millénaires de déboires durant lesquels l'homme a compris qu'il allait subir éternellement les conséquences de sa faiblesse initiale envers cet être perfide dénommé femme, entièrement possédée par le diable. Heureusement pour lui, il était doté d'une musculature plus puissante, un argument de dissuasion qu'il ne tarda pas à opposer au sexe «faible». Ainsi, on ne le reprit jamais plus à faire une seconde fois l'erreur jusqu'au jour maudit de ce mois de novembre 2016 où son attention risque de nouveau d'être prise à défaut. Une femme commandant en chef de l'armada nucléaire la plus importante au monde, et voilà que resurgirait le péché originel qui confirmerait une seconde fois la damnation éternelle des êtres humains.

C'est comme si l'espèce humaine, par cet acte irréfléchi, ait voulu boucler son cycle. Celui-ci commença par l'imprudence d'Eve, se terminera-t-il par une déflagration nucléaire causée par Hillary ? L'apocalypse prévue par la Bible serait donc provoquée par une femme comme la genèse de la damnation terrestre débuta par sa perfidie.

Les déboires institutionnels d'une crise annoncée

La faute étant ainsi faite, il ne reste plus qu'à l'assumer. Laissons la morale de côté et parlons du plus urgent, soit la marche institutionnelle des Etats-Unis dans l'immédiate période qui suivra la prise de fonction si l'épouse Clinton était élue. A en croire notre code de la famille, une grave question va se poser, Hillary possède-t-elle la capacité juridique pour tous les actes de sa future mission ? Notre code est formel à ce sujet, une femme ne possède pas une personnalité juridique entière puisqu'elle est mise sous tutelle et classée dans la catégorie des «majeurs incapables», au même titre que les mineurs ou les personnes déficientes mentalement. Bien entendu, la très grande sagesse de notre vénéré code, conforme à l'avancée de notre civilisation, nous interdit de la noyer à la naissance. De même que nous ne pouvons plus la qualifier de «meuble» (au sens juridique) mais considérer qu'elle est «dotée d'une sensibilité» comme viennent de le confirmer les législations européennes à propos des animaux.

Comment les Américains vont-ils faire pour rendre compatible un tel statut juridique avec la fonction présidentielle ? Les problèmes seront immédiats et apparaîtront dans des considérations les plus inattendues dont nous devons analyser l'une d'entre elles.

Nous connaissons le mari cavaleur auprès des jolies stagiaires de la Maison-Blanche. Et s'il lui prenait un désir de prendre une autre épouse comme l'autorise l'article 8 du code de la famille, devra-t-il demander le Pentagone comme domicile de la seconde épouse comme l'exige la règle de la parfaite équité stipulée dans l'alinéa 3 du même article ? Lorsqu'on connaît l'humeur volage du mari, le budget américain a des soucis à se faire.

Plus cocasse encore, s'il venait à l'esprit de Bill de prononcer le divorce. Il déclamerait à trois reprises sa répudiation et voilà l'Amérique avec une Présidente divorcée. Ce serait manifestement une situation intolérable au regard de l'âme profondément pudibonde des citoyens américains tout autant qu'envers les principes religieux de la Constitution. Il y eut un précédent fâcheux dans l'histoire du puissant Royaume-Uni où un héritier de la couronne abdiqua au lieu d'imposer cet affront au peuple d'un si grand pays.

Et si Hillary doit veiller tard, occupée à ses missions prenantes, au milieu d'un personnel politique et de conseillers majoritairement masculins, on demande un billet de sortie nocturne à Bill ou on l'invite aux réunions pour le respect des convenances ?

L'expression «chef de famille» fut abrogée dans le code de la famille mais c'est parce qu'elle était inutile, pas un mot du texte ne laissait entrevoir une autre considération juridique que la tutelle ferme de l'époux. Nous voyons bien là l'immense problème auquel serait confrontée l'Amérique. Comment la Présidente pourrait diriger son pays et tenir son rôle international lorsqu'elle ne peut le faire pour le moindre de ses actes civils sans l'aval de l'époux ? Doit-il apposer à chaque fois sa signature pour la sortie du territoire ou donner son accord pour tous les actes commerciaux ou guerriers que son épouse engagera au nom de l'Etat ? Lorsqu'un chef d'Etat est élu, on lui demande dans la plupart des pays de produire un certificat médical pour prouver sa bonne santé à pouvoir assumer une charge très lourde (oui, je sais, pas dans tous les Etats, seulement dans ceux qui ne possèdent pas de fauteuil). Je propose aux Américains d'y adjoindre la confirmation qu'Hillary ne peut enfanter. Car s'il venait à ce brave époux de ne pas se tromper d'élue, les Etats-Unis seraient dans un sale pétrin. Le code de la famille est très précis à ce sujet et encore plus prolixe qu'un manuel de vétérinaire ou d'un traité de biologie. La femme enceinte ou qui allaite, c'est une paralysie définitive du monde car le code est d'une rigueur impressionnante quant aux prohibitions juridiques concernant la femme indisponible.

Tout cela n'est pas sérieux et on voit bien le chemin dangereux que prennent les Etats-Unis. Mais je suis sûr qu'ils se ressaisiront. Si cet article est publié avant l'élection, il y aura peut-être une réaction saine de dernière minute de tous les machos d'extrême-droite, avec leur casquette et leur pick-up, des mamies bigotes et des farouches cow-boys de l'Amérique profonde, bien blanche et bien virile. Ils viendront voter en masse pour un homme, un vrai, le milliardaire Trump.

Et si cela est trop tard, qu'ils réagissent par un bonne procédure d'impeachment, comme en a connu Nixon, un homme pas tout à fait scrupuleux envers la loi ou encore Dilma Rousseff au Brésil, une femme, donc naturellement hors du droit. Et puis, on le voit bien, à l'heure de l'écriture du présent article, la candidate a des ennuis avec les autorités américaines, suite à ses mails professionnels envoyés à partir de sa boîte privée. Une «cervelle d'oiseau» peut-elle assumer le rôle de chef des armées en ayant les mêmes insouciances qu'une adolescente avec ses mails personnels ?      

Finalement, on a bien raison de penser qu'il ne faut pas sortir de nos valeurs séculaires car elles sont une vérité révélée, sage et conforme aux projets des êtres humains qui veulent vivre dans le juste et l'honorable. Vous imaginez-vous si les Algériens devaient perdre la tête comme les Américains ? C'est Biyouna élue Présidente de la République.

Il n'y aurait, diraient certains, qu'un être déraciné, hors des valeurs morales nationales, qui oserait le déclarer. Oui, je le confirme, c'est tout à fait exact, même si l'exemple n'est qu'un clin d'œil d'humour. Après tout, pourquoi pas ? Nous serions certainement gagnants au change. Je trouve cette femme, intelligente, adorable de gentillesse et inoubliable dans la magistrale interprétation de l'œuvre de Mohammed Dib. Un de ces hommes qui nous manquent beaucoup pour «perdre la tête» à vouloir s'aventurer dans d'autres horizons que la barbarie du code de la famille.

*Enseignant