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La crédibilité de
la FIFA est
sérieusement entamée par ce silence et sa gestion de ce que l'on appellera
l'affaire (ou les affaires) Algérie-Egypte du Mondial
2010.
Outre la gestion de cet épisode par cette prestigieuse institution, il serait très judicieux de se pencher sur la gouvernance de cette opulente institution. La première grande défaillance de cette institution, dans l'épisode Algérie-Egypte, a été de ne pas avoir classé ce match dans la catégorie «à hauts risques». L'inconséquence et la duplicité, ici, sont flagrantes. «La normalité sécuritaire d'un match à hauts risques» Pourquoi mettre en garde l'Egypte, lui rappeler ses obligations de sécurité et s'abstenir de classer ce match dans la catégorie qui est la sienne, comme préconisent ses règlements. Ce classement n'est pas une simple déclaration ou une formalité, mais implique des mesures de sécurité particulières. Pourtant l'importance de ce derby arabo-arabe, les précédents Algérie-Egypte ont toujours été accompagnés d'incidents de divers degrés de gravité. On citera pour cela le cas Belloumi qui rappelle des incidents graves lors d'un match entre deux pays frères. Des raisons particulières, des rivalités historiques, politiques (le sport n'échappe pas aux interférences politiciennes), des concurrences nationalistes (arabe) continentales (Afrique), des ambitions de leadership arabe et aussi le caractère décisif de la compétition, autant d'éléments explosifs. Tout s'est passé comme si la FIFA voulait épargner à l'Egypte des obligations préventives et en conséquence la mettre à l'abri de sanctions éventuelles. La FIFA et l'Egypte ont ainsi circonscrit le match dans une normalité sécuritaire irresponsable. L'engagement écrit d'une obligation naturelle La deuxième duplicité ridicule et aberrante est l'exigence d'un engagement écrit de l'Egypte de veiller au bon déroulement du match. Le document en question n'a pas, à notre connaissance, été publié, il aurait, cependant, été intéressant d'en connaître le contenu exact. Le caractère ridicule de cet engagement écrit provient du fait que la sécurité est une obligation naturelle du pays hôte et prendre ou rappeler cet engagement par écrit est au mieux paradoxal, au pire hypocrite et en tous les cas suspect. Pourquoi rappeler un engagement naturel par écrit s'il n'était pas mis en doute et s'il n'y avait l'inquiétude de le voir bafoué. Et pourquoi cette inquiétude n'a-t-elle pas induit les conséquences réglementaires dictées par les textes de la FIFA. A côté de sa défaillance dans la prévention, la FIFA a failli dans ses obligations de sanctions. L'impunité complice et les déclarations tardives Aucune sanction n'a été prise devant une agression aussi ouverte, aussi flagrante, aussi odieuse. Il a fallu attendre le troisième jour après le match pour qu'un représentant de cette organisation déclare de façon officieuse à Khartoum que la question du match du Caire était à l'étude par les organes de règlement des différends. Mais de qui se moque-t-on ? Attendre que le match incriminé consomme ses effets, que «la belle» se termine, pour étudier les incidents survenus et se prononcer sur sa validité du match et décider des mesures à prendre. Voilà ce qu'on appelle créer une situation inextricable. Si l'on annule le match du Caire qu'adviendra-t-il du match de Khartoum ? La procédure d'urgence pouvait prendre deux formes: - Reporter sine die le match de barrage parce que tributaire du verdict. - Réunir en référé les organes de règlement des différends pour étudier la question. Ainsi le match de barrage ne sera pas joué sans que le sort du match du Caire soit tranché ; pas question de créer un fait accompli. Cette mesure est dictée par une logique élémentaire. Les précédents ou la sévérité sélective Des sanctions plus graves auraient été prises pour des incidents de moindre gravité, disent ceux qui connaissent cette institution. La FIFA a ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre de la Fédération grecque de football au sujet des incidents survenus lors du match contre Israël en qualifications au Mondial-2010 (2-1), le 1er avril dernier. La critique de cette institution ne doit pas se circonscrite à un match ou à un cas d'espèce, l'examen superficiel des statuts révèle une organisation en porte à faux avec les principes qu'elle invoque. La présidence de la FIFA: l'exclusivité européenne Sur les huit présidents qui se sont succédé à la tête de la FIFA depuis 1904 (plus d'un siècle), sept sont des ressortissants de pays européens à l'exception du Brésilien Havelange. Cette organisation ne semble pas appliquer - comme il est de coutume - la tradition de la présidence continentale tournante. Une organisation inégalitaire Le nombre de place dans la Coupe du monde est réparti de façon inégale ente les continents. On expliquera peut-être mais on ne justifiera jamais pourquoi il n'y a pas longtemps l'Afrique n'avait qu'une place en Coupe du monde. L'étude des détails des statuts révèlent et confirment son caractère d'organisation inégalitaire et discriminatoire: La dernière version des statuts adoptés lors du 59e Congrès de la FIFA le 3 juin 2009 à Nassau et qui sont entrés en vigueur le 2 août 2009 consacrent ou plutôt conservent des règles et des principes inadmissibles et incompréhensibles. Leur analyse présente des aspects révoltants. La domination anglaise y est toujours et encore flagrante: la Grande-Bretagne est égale à quatre pays. Une association par pays 1- Peut devenir membre de la FIFA toute association responsable de l'organisation et du contrôle du football dans un pays. Par «pays», on entend dans ce contexte un Etat indépendant reconnu par la communauté internationale. Sous réserve des exceptions prévues aux al. 5 et 6, la FIFA ne reconnaît qu'une seule association par pays. L'exception britannique 5. Chacune des quatre associations britanniques est reconnue comme membre individuel de la FIFA. Pourquoi la Grande-Bretagne est représentée par quatre associations ? La Grande-Bretagne pèse, au sein de la FIFA, autant que quatre pays. Pourquoi ? La Grande-Bretagne est égale à la moitié du monde au sein de l'IFAB 1-L'IFAB (International football association board) est la seule structure habilitée à changer les lois du jeu de football est encore dominée par les Britanniques. Elle est composée de huit membres dont quatre, c'est-à-dire la moitié est désignée par la FIFA et l'autre moitié par les associations britanniques. (Article 6) Pourquoi ces associations d'un seul pays se partagent cette institution avec le reste du monde. La Grand-Bretagne pèse autant que tous les autres pays du monde au sein de l'IFAB, institution maîtresse des lois du football. La paternité du football ne saurait être une explication convaincante ? Alors pourquoi ? La suprématie anglophone L'anglais est la langue maîtresse, officielle de premier degré: - La FIFA a quatre langues officielles, l'anglais, l'espagnol le français et l'allemand. Article 8 des statuts. Et alors et l'arabe (où est l'Egypte oum el ourouba face à cette discrimination) et le russe et le chinois et le japonais. L'article ajoute: l'anglais est la langue officielle des procès-verbaux des communications. - L'anglais est la langue officielle parmi les officielles. - Pourquoi ? Et les autres langues des autres pays membres ? Dans les organisations qui ont un égal respect de tous leurs membres, plusieurs langues officielles sont consacrées et elles sont d'égales valeurs. Les statuts se rattrapent quelque peu en élargissant la liste des langues du congrès de la FIFA au portugais, au russe et à l'arabe. On ne comprendra jamais ou plutôt on comprend, mais on n'admettra jamais pourquoi les langues du congrès ne sont pas celles de la FIFA et pourquoi seul l'anglais est la langue officielle par excellence puisque c'est dans cette langue que sont rédigés les procès-verbaux, les communications et les correspondances du congrès . Un dernier alinéa de cet article consacré aux langues enfonce le clou et confirme la domination anglophone en disposant: - Les statuts, le règlement d'application des statuts, le règlement du Congrès, les décisions et les communications de la FIFA sont rédigés dans les quatre langues officielles (à savoir l'anglais, l'espagnol, le français et l'allemand) - et non celles du congrès qui sont au nombre de sept en ajoutant le portugais, l'arabe et le russe. En cas de divergences, précise le texte, la version anglaise fait foi. Il y a officiel et officiel. Le partage inégal des sièges au sein du comité exécutif La répartition des sièges au sein du comité va confirmer la prépondérance britannique d'abord et européenne ensuite. Les confédérations disposent des sièges suivants au sein du comité: a) CONMEBOL vice-président (1) membres (2) (Amérique du Nord) b) AFC vice-président (1) membres (3) (Asie) c) UEFA vice-présidents (2) membres (5) (Europe) d) CAF vice-président (1) membres (3) (Afrique ) e) CONCACAF vice-président (1) membres (2) (Amérique du Nord - Amérique centrale - Caraïbes) f) OFC vice-président (1) membres (?) (Océanie) g) Les 4 associations britanniques : vice-président (1) membres (?) Les quatre associations du Royaume-Uni sont: The Football Association, The Scottish Football Association, The Football Association of Wales et The Irish Football Association (Irlande du Nord). L'Union européenne de football dispose de deux postes de vice- présidents et de cinq membres tandis que la Confédération africaine de football dispose d'un poste de vice-président et de trois membres. La Grand-Bretagne dispose d'un poste de vice-président tout autant que la CAF qui réunit tous les pays d'Afrique. Comment expliquer et admettre que le Royaume-Uni, unifié par la grâce de sa majesté, donc constitue un seul pays, soit représenté par quatre associations au sein de la FIFA et dispose d'un siège de vice-président au niveau du comité exécutif. Comment expliquer cette hégémonie britannique alors que ce pays ne fait pas partie des pères fondateurs. Il n'a été que le dixième pays à rejoindre le groupe des pays constitutifs à l'origine. La règle géographique et l'exception israélienne ou le soutien au sionisme Les statuts de la FIFA disposent que les membres faisant partie du même continent sont regroupés au sein des confédérations reconnues par la FIFA: L'alinéa 2 de l'article dispose: «La FIFA peut, à titre exceptionnel, autoriser une confédération à accepter comme membre une association appartenant géographiquement à un autre continent et non affiliée à la confédération de ce continent. L'avis de la confédération géographiquement concernée est requis». Cet alinéa et cette exception trouvent leur justification dans la volonté de permettre à Israël de s'inscrire dans un autre continent parce que non reconnu par le sien. Israël est affilié à l'Union européenne de football pour des raisons que l'on comprend (en Europe). Israël est la seule exception d'un pays qui évolue dans une confédération d'un continent autre que le sien. La consécration de la colonisation Article 11 alinéa 6. Avec l'autorisation de l'association du pays dont elle dépend, une association d'une région n'ayant pas encore obtenu l'indépendance peut également demander l'admission à la FIFA. Voici une autre duplicité qui consacre et reconnaît les colonisations: un région n'ayant pas encore obtenu son indépendance est une région colonisée. Il faudra pour les footballeurs de cette région obtenir l'autorisation de l'Etat colonisateur (l'association du pays dont elle dépend) pour pouvoir devenir membre de la FIFA. Voilà une reconnaissance de la colonisation. Pour faciliter la compréhension disons que le football palestinien obtienne l'autorisation de l'association israélienne de football pour intégrer la FIFA. Les colonisés sont à la merci des colonisateurs. La léthargie face à l'apartheid C'est en 1948 que l'Afrique du Sud a conceptualisé et mis en oeuvre sa politique d'apartheid et ce n'est qu'en 1964 que ce pays a été exclu de la FIFA. Seize longues années pour évacuer une idéologie aussi inhumaine. Le soutien des idéologies exécrablesVoilà comment cette organisation tend des perches aux idéologies odieuses et exécrables rejetées par toute la planète, le sionisme, l'apartheid et la colonisation. La nécessaire refonte La conduite à tenir face à la FIFA ne devrait pas se circonscrire au malheureux cas d'espèce mais doit s'étendre à une remise en cause de cette organisation qui gère le football de la planète avec ses retombées économiques et ses implications et utilisations politiques. Cette organisation commerçante (inscrite au registre de commerce suisse) s'est transformée au fil du temps en entité autonome gérée par et pour des intérêts occultes au détriment de principes d'égalité, de fair-play et du noble esprit sportif. Une association universelle aux mains de l'Europe fondée sur l'égalité des Etats et des membres mais dominée par les Britanniques dont le poids est variablement pondéré, égal à quatre pays parfois, supérieur à un continent dans le congrès, égal à la moitié du monde à l'IFAB. Elle écorche ses règlements pour accueillir Israël, a mis seize années pour exclure l'apartheid, elle ménage et soutient les colonisations. Une attitude favorable aux idéologies odieuses en dépit de ses déclarations de foi. Raoul Plébich, éminent juriste spécialiste des organisations internationales, avait un jour formulé une problématique pertinente quant au fonctionnement des organisations qui enregistraient une tendance à se séparer des Etats qui les composent pour constituer des entités avec des intérêts propres différents, parfois opposés aux Etats ou entités qui les composent. La FIFA semble entrer dans ce travers. Notre diplomatie sportive doit se mettre en marche pour une profonde refonte de cette institution afin que le sport roi ne soit plus entre les mains d'une organisation aux règles inégalitaires discriminatoires et politiquement incorrectes. La refonte de la FIFA serait le prélude à un nouvel ordre sportif mondial. * Avocat |
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