|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Selon les données
d'Eurostat pour 2020, 46,8% des importations européennes de gaz naturel
proviennent de la Russie, premier réservoir mondial.
Comme je viens de le souligner dans une interview à Radio Algérie internationale le 09 février 2022, il faudra bien poser la problématique et éviter des utopies pour ne pas renouveler les erreurs du passé n'existant pas de sentiments dans la pratique des affaires et d'une manière générale dans les relations internationales: le gazoduc Nigeria-Europe via l'Algérie toujours en gestation d'une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux, dont la réalisation demandera au minimum 5/7 ans, pourrait-il atténuer cette dépendance vis-à-vis de la Russie ? C'est dans ce cadre que lors d'une rencontre par visioconférence le 08 février 2022, entre le ministre algérien de l'Énergie et des Mines et le ministre d'État nigérian aux Ressources pétrolières il a été encore une fois de la construction du fameux gazoduc Nigeria-Algérie reliant les deux pays africains, en plus du Niger, au continent européen. 1.-Combien de promesses depuis 10 ans reproduites dans les agences officielles où des ministres annonçaient le démarrage du projet du fer de Gara Djebilet, du phosphate de Tébessa, ces deux projets selon les estimations du ministre de l'Industrie fin 2020 étant évaluées à plus de 15/17 milliards de dollars du projet du port de Cherchell évalué entre 5/6 milliards de dollars, du lancement d'usines de voitures et en ce mois de février 2022, encore des promesses et non des réalisations ce qui a poussé le président de la République à dénoncer le blocage de bon nombre de projets. Si la réalisation de tous ces projets commence en 2022, il faudra attendre entre 5/7 ans pour leur rentabilité réelle. On nous annonce la dynamisation de certaines unités existantes. Mais il faudra un bilan en balance devise et en création de richesses internes, sérieux afin d'éviter de renflouer des unités structurellement déficitaires, non créatrices de valeur ajoutée interne, lorsqu'on sait que l'assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public selon le rapport du Premier ministère (source APS 2020) durant ces trente dernières années plus de 250 milliards de dollars, des réévaluations de plus de 65 milliards de dollars durant les dix dernières années où plus de 80% de ces entreprises sont revenues à la case départ. Que certains ressembles, induisant en erreur tant les plus hautes autorités du pays que la population évitent des effets d'annonce non concrétisés qui ont pour effet de démobiliser la population, accroissant le divorce Etat-citoyens. Et aujourd'hui, du fait des tensions entre les USA/Europe et la Russie concernant le dossier de l'Ukraine (voir Abderrahmane Mebtoul www.google janvier 2022) comme par enchantement, face à la flambée du prix du gaz, qui connaît avec le coût du transport en Asie un cours dépassant les 30 dollars le MBTU, l'équivalent de 150 dollars le baril de pétrole, et entre 15/20 dollars en Europe, beaucoup de déclarations et supputations, sans analyses sérieuses, promettant une pluie de dollars à court terme concernant le gazoduc Nigeria-Algérie, projet qui date depuis plus de 10 ans, qui doit avant tout approvisionner l'Europe, principal client, objet de cette présente contribution 2.-.Le secteur de l'énergie au Nigeria, comme en Algérie, est marqué par le poids dominant de l'industrie pétrolière et gazière procurant 75% des recettes du budget national et 95% des revenus d'exportation et les réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 5300 milliards de mètres cubes gazeux. Comme le démontre une importante étude de l'Iris le 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l'Europe est l'objet d'enjeux géostratégiques importants pour la région, expliquant l'importance de la diplomatie économique, un tel projet placerait la région comme un nouveau pôle d'approvisionnement pour l'Europe face à la Russie, et le pays qui fera obstacle à ce projet étant la Russie, à moins qu'il ne soit partie prenante d'où l'importance d'avoir une vision économique froide sans sentiments pour sa rentabilité, surtout en ces moments de graves tensions financières. Concernant le gazoduc Nigeria-Algérie, la longueur du gazoduc transsaharien sera de 4128 kilomètres et sa capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes devant partir de Warri au Nigeria pour aboutir à Hassi R'Mel en passant par le Niger. Le 21 septembre 2021 le ministre nigérian de l'Energie a déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision Cnbc Arabia en marge de la conférence Gastech que son pays a commencé à mettre en œuvre la construction d'un gazoduc pour transporter du gaz vers l'Algérie. L'accord de l'Algérie fait suite aux différents rapports du ministère de l'Energie afin de pouvoir honorer ses engagements internationaux en matière d'exportation de gaz à partir des réserves de gaz traditionnel pour l'Algérie, pour une population dépassant 45 millions d'habitants au 01/01/2022 (pour le gaz de schiste troisième réservoir mondial 19800 milliards de mètres cubes gazeux, selon un rapport US) selon les données du ministre de l'Energie en décembre 2020 reprises par l'APS, étant de 2500 milliards de mètres cubes (les données de 4500 étant celles de BP de l'année 2000, non réactualisées) gazeux et 10 milliards de barils de pétrole. Selon les données du ministre de l'Energie en décembre 2020, nous assistons à une baisse des exportations étant passées de 62/65 milliards de mètres cubes gazeux à 51,5 en 2018, 43 en 2019, 41 en 2020, un niveau de 43/44 pour 2021. Pour maintenir ses capacités d'exportation, l'Algérie doit s'orienter vers les énergies renouvelables, avoir une nouvelle politique d'efficacité énergétique, revoir sa politique de subventions et avoir des accords de partenariat d'exploitation à l'extérieur du pays expliquant l'intérêt porté à ce projet. 3.-La rentabilité du projet Nigeria-Algérie suppose cinq conditions. Premièrement, la mobilisation du financement, alors que les réserves de change sont à un niveau faible (source FMI) tant pour le Nigeria 40,52 milliards de dollars fin 2021 que pour l'Algérie 44 milliards de dollars pour une population respectivement au 01 janvier 2022 de 213 et 45 millions d'habitants. Le gazoduc Nigeria-Algérie avec un coût évalué au départ à 5 milliards de dollars, en 2020, a été évalué par les experts de Bruxelles entre 19/20 milliards de dollars, donc un important effort de financement, entre temps, le coût a certainement évolué, demandera pour sa réalisation, des accords de différents pays traversés par cette canalisation, et si les travaux commencent en 2022 pas moins de 5 à 7 années et dont la rentabilité pas avant l'horizon 2027-2030 (voir notre interview à Radio Algérie Internationale 09 février 2022). Il faudra donc impliquer des groupes financiers internationaux, l'Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile, voire impossible de lancer ce projet. Deuxièmement, de l'évolution du prix de cession du gaz et se pose cette question, la flambée actuelle du prix du gaz est-elle conjoncturelle ou structurelle car la faisabilité du projet implique la détermination du seuil de rentabilité fonction de la concurrence d'autres producteurs, du coût et de l'évolution du prix du gaz. D'où l'importance de la prise en compte de la transition énergétique, énergies renouvelables entre 2022/2030 dont le parc de voitures sera en Europe à 50% électrique en 2030 et avec la percée de l'hydrogène comme source d'énergie entre 2030/2040. Troisièmement, la sécurité et des accords avec certains pays, le projet traverse plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés du Delta du Niger qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l'approvisionnement en gaz, les conséquences d'une telle action, si elle se reproduit, pourraient remettre en cause la rentabilité de ce projet. Il faudra impliquer les Etats traversés et négocier le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d'ordre économique, politique, juridique et sécuritaire. Quatrièmement, tenir compte de la concurrence internationale qui influe sur la rentabilité de ce projet. Les réserves avec de bas coûts, sont de 45.000 pour la Russie, 30 000 pour l'Iran et plus de 15 000 pour le Qatar sans compter l'entrée du Mozambique en Afrique (4500 de réserves) et de la Libye (1500 milliards de mètres cubes gazeux exploité à peine à 10% misant sur le pétrole 42 milliards de barils de réserves d'où les convoitises déstabilisant ce pays). Le plus grand concurrent de l'Algérie sera la Russie, avec des coûts bas où la capacité du South Stream de 63 milliards de mètres cubes gazeux, du North Stream 1 de 55 et du North Stream 2 de 55 milliards de mètres cubes gazeux, ce dernier d'un coût de 11 milliards de dollars étant bloqué actuellement, soit au total 173 milliards de mètres cubes gazeux en direction de l'Europe (Conférence-débats du Pr Abderrahmane Mebtoul, à l'invitation de la Fondation allemande Friedrich Ebert et de l'Union européenne 31 mars 2021). Cinquièmement, le pouvoir nigérien doit éclairer une fois pour toutes ses intentions, soit l'Algérie, soit le Maroc puisque le Nigeria a conclu des accords également avec le Maroc pour le gazoduc en mai 2017, une étude de faisabilité terminée en juillet 2018 ainsi qu'une pré-étude des détails (FEED) réalisée au 1er trimestre 2019 avec pour but de connecter les ressources gazières nigérianes à différents pays africains, existant déjà deux gazoducs dans la zone Afrique du Nord-Ouest, le «West African Gas Pipeline », qui relie le Nigeria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo, et le gazoduc Maghreb-Europe dont l'Algérie a décidé d'abandonner depuis fin 2021, qui relie l'Algérie à l'Europe via l'Espagne (Cordoue) en passant par le Détroit de Gibraltar et le Maroc. Le coût est estimé par l'IRIS entre 25/30 milliards de dollars, 5 et 10 milliards de dollars de plus que celui passant par l'Algérie dont la durée de réalisation est de 8 ans. Ce gazoduc devrait mesurer environ 5 660 kilomètres de long, longeant la côte ouest africaine en traversant ainsi 14 pays : Nigeria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc. Des négociations ont eu lieu avec les États traversés et la CEDEAO afin de valider les volumes de gaz disponibles pour l'Europe et d'entamer les discussions avec les opérateurs du champ «Tortue» (ressources gazières) au large du Sénégal et de la Mauritanie, ces deux pays ont signé un accord en décembre 2018 afin d'exploiter en commun le champ gazier Tortue-Ahmeyim et approcher des clients européens. 4. Le grand défi du XXIème siècle est la maîtrise du temps, toute nation qui n'avance pas recule forcément d'où l'importance d'objectifs stratégiques précis, les tactiques pour paraphraser les militaires devant s'inscrire au sein de la fonction stratégique. La position ambivalente du Nigeria ne permet pas d'avoir une vision claire. C'est que ce projet influe sur toute la future politique énergétique que l'Algérie doit mettre en œuvre, tenant compte de neuf facteurs interdépendants largement influencés par la nouvelle trajectoire de l'économie mondiale, le montant du financement et le couple coût/évolution du prix au niveau international, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Premièrement, comme mis en relief précédemment, la position de l'Europe vis-à-vis de ce projet, pour l'instant aucune prise de position officielle étant le principal client et sans une partie de son financement et son accord, ce projet ne peut se réaliser. Deuxièmement, de l'entrée prochaine certainement du gazoduc North Stream 2 d'une capacité de 55 milliards de mètres cubes gazeux ; troisièmement du gazoduc reliant Israël à l'Europe qui devrait être opérationnel en 2025 d'une capacité supérieure à 10 milliards de mètres cubes gazeux; cinquièmement, de l'exploitation des immense réserves en Méditerranée plus de 19.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant les tensions régionales; sixièmement, de la concurrence du pétrole gaz de schiste américains, ainsi que du Qatar et de la prochaine entrée de l'Iran deuxième réservoir mondial à travers les GNL; septièmement, du rythme entre 2022/2030 de la transition énergétique en Europe permettant entre 30/50% des économies de consommation de l'énergie traditionnelle; huitièmement, sur le pan intérieur de l'exploitation sous réserve de la protection de l'environnement et des nappes phréatiques du Sud de l'exploitation de la troisième réservoir mondiale du gaz de schiste en Algérie d'environ 19.000 milliards de mètres cubes gazeux; neuvièmement, de la forte consommation intérieure qui représentent actuellement presque l'équipement des exportations et qui dépassera largement selon le ministère de l'Energie les exportations actuelles horizon 2030 de gaz et de pétrole, rendant urgent à la fois d'accélération du développement des énergies renouvelables et de revoir la politique des subventions. Dépendante encore pour longtemps du fait du retard dans les réformes, des hydrocarbures, étant avant tout un pays gazier (65% GN par canalisation et 35% GNL qui lui procure plus de 33% de ses recettes en devises), devra donc être attentif aux mutations gazières mondiales (voir analyse développée par Pr A. Mebtoul dans la revue internationale gaz d'aujourd'hui Paris 2015 sur les mutations mondiales du marché gazier). Ne pouvant contourner toute la corniche de l'Afrique, outre le coût élevé par rapport à ses concurrents, le fameux gazoduc Sibérie-Chine, le Qatar et l'Iran proche de l'Asie avec des contrats avantageux pour la Chine et l'Inde, le marché naturel de l'Algérie, en termes de rentabilité, est l'Europe. Cependant il y a lieu de ne pas renouveler l'expérience malheureuse du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012, d'un coût initial de 3 milliards de dollars et d'une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux, devant approvisionner également la Corse, qui est tombé à l'eau suite à l'offensive du géant russe Gazprom, étendant ses parts de marché, avec des pertes financières de Sonatrach ayant consacré d'importants montants en devises et dinars pour les études de faisabilité (conférence à la Chambre de commerce en Corse A.Mebtoul en 2012 sur le projet Galsi). En conclusion, le monde s'oriente en 2022/2030 vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique et l'énergie, autant que l'eau, étant au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. Les nouvelles dynamiques économiques modifieront les rapports de force à l'échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l'intérieur des États comme à l'échelle des espaces régionaux. La stratégie gazière mondiale et notamment en Méditerranée principal marché de l'Algérie, où la concurrence est acerbe, ne devant jamais oublier que dans les relations internationales n'existent pas de sentiments mais que des intérêts, l'Algérie doit défendre ses propres intérêts. *Dr et professeur des universités, expert international, directeur d'Etudes Ministère Energie /Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2008-203/2015 |
|