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Les (bons) dieux du stade ! Et les déesses ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Eh, oui ! Moi aussi, j'ai été, dans une autre vie, footballeur. Gardien de but, avec même des rencontres en compétitions officielles (championnats universitaires, en Algérie et en France, durant les années 60).

Moi aussi, j'ai tâté du handball? comme gardien de but. Mais, j'ai très vite abandonné, presque fui, après seulement quelques matches amicaux dans la petite cour? du lycée.

Pourquoi ? Je m'étais aperçu qu'il était plus facile et moins dangereux d'être gardien de but en foot que gardien de but en hand. Le ballon, en raison peut-être de sa petitesse, devient un véritable boulet de canon. Surtout lorsque celui qui vous bombarde fait 90 kg et plus. C'est tout dire sur la dureté d'un sport qui, en apparence et de loin, paraît, aux yeux des profanes, comme un sport facile. C'est dire aussi que les exploits de Slahdji (qui a dépassé la barre des 60% des arrêts durant la finale de la Can 2014) sont, en définitive, bien plus louables que ceux de M'Bolhi, de Zemmamouche ou de Chaouchi?

dont le gazon amortit les chutes. Par ailleurs, un joueur de hand passe tout le temps de la partie à courir à grande vitesse en des allers-retours incessants? faisant travailler les jambes (c'est peut-être pour cela que le temps global de jeu est moindre) et, aussi et surtout, les bras, dans le cadre de tactiques bien précises ne souffrant aucune entorse. Les bras, les jambes? et la tête ! Trois en un. Alors que le joueur de foot peut se permettre des instants (assez courts, il est vrai) de «repos», des rythmes moins rapides ou très lents? et des initiatives assez individuelles. Les jambes et, parfois, la tête ! Trois moins un.

De plus, en hand, il n'y a (presque) jamais un public nombreux. Juste un peu, ce qui n'est, assurément, pas assez intéressant côté soutien et encouragement.

Ce qui fait, en définitive, qu'une telle image a fait que le handball est resté, durant des décennies, limité aux petits stades des collèges et lycées, bien souvent seulement goudronnés ou en terre battue, avec pour seuls publics les camarades de classe et/ou les copains du quartier. Une certaine «élite» !

Les cancres, les chercheurs de gloire et de popularité, les amoureux de la «feinte» et du dribble, et aujourd'hui de l'argent, s'en allaient vers le foot ; le basket et le volley-ball se situant au milieu, ayant hérité de lourdes habitudes anciennes, la colonisation les ayant limité à ses seuls enfants.

La récente victoire de l'équipe nationale seniors en Coupe d'Afrique des nations (janvier 2014, Alger), victoire finale inattendue, tant il était vrai que les Tunisiens, détenteurs du titre et récents vainqueurs des Allemands, partaient largement favoris, avait de quoi étonner. Disons-le crûment, bien des dirigeants n'y croyaient même pas. D'autant que le hand national relevait tout juste d'une crise interne sans précédent tant au niveau des clubs qu'à celui de la Fédération elle-même.

Bien sûr, on peut, aujourd'hui, trouver mille et une raisons à la victoire finale, chaque acteur ou partenaire se plaçant en pole position afin de récolter quelques lauriers.

Pour moi, la raison unique est simple : ignorés, oubliés, humiliés parfois, victimes collatérales de crises générées par les hiérarchies, les joueurs ont tout simplement, dans un dernier coup de rein, v.o.u.l.u la victoire finale, pour prouver que leur sport est un grand sport : dur, beau, pacifique, intelligent (très, très important !), capable de remuer les foules, parfois plus et mieux qu'en football. Les foules ? On les a vues. Des jeunes, des vieux, des filles, des familles entières, kassamen à l'unisson et sans fautes, aucune violence physique ou verbale (ou presque, en tout cas bien moins vulgaire que lors des rencontres de foot), aucun incident ou blessé à l'entrée et à la sortie, malgré la traditionnelle cohue?

Le triomphe aurait été complet si les filles avaient remporté la victoire finale ou, au moins, la troisième place afin de se qualifier pour la phase finale de la prochaine Coupe du monde. Seulement quatrième ! Elles ont essayé, mais n'ont pu. Dommage. Ce qui est certain, c'est qu'elles aussi se sont livrées «à fond» afin de prouver qu'elles méritaient bien mieux que ce qu'on leur a fait subir durant longtemps. En fait, la quatrième place est un grand exploit vu l'impréparation et la déconsidération. Des moyens comptés, un environnement dilettante? et des programmations décourageantes. Jouer devant des tribunes vides, à des heures matinales impossibles, ne pousse guère à se surpasser. D'ailleurs, l'entraîneur national a, juste après la fin du dernière rencontre, «jeté l'éponge». C'est dire la gravité de la crise. Et, ce n'est pas un dîner avec le Premier ministre et le ministre de tutelle qui fera oublier la chose. De toutes les manières, on n'avait d'yeux que pour les hommes.

Quoi d'étonnant ! Le sport scolaire et universitaire, gisement du hand, entre autres, n'existant plus, nos filles se sont peu à peu retrouvées, tout particulièrement depuis les années 90, poussées vers la sortie, et les plus courageuses d'entre elles sont allées aux vestiaires pour cacher leurs jambes et leur chevelure. Tartuffe roi. Adieu cuissettes et shorts courts, bienvenue au survêt' et au foulard. Les années 2000 ont vu le retour timide du short long et ample et de la tête dénudée, mais le mal était fait. Les bras, les jambes? mais la tête n'y était plus. Djâafar Yefsah a fait, en peu de mots, une excellente analyse de la situation lors d'une récente émission de télévision (Canal Algérie, jeudi 30 janvier, émission «Dit Autrement»). Il n'y a pire boulets que des tabous? et des publics rigolards et/ou voyeurs ou des décideurs et des parents pas assez convaincus. Que peut-on faire, dans ce cas, contre des joueuses d'autres pays au corps «libéré» et à l'esprit «allégé», toutes concentrées sur le jeu, n'ayant aucun souci du qu'en-dira-t-on et «présentes» sur le terrain, du début jusqu'à la fin. Pour jouer. Pour gagner.

 Rien ! Sinon, perdre. Car, le temps des maquis est bel et bien mort depuis bien longtemps. Aujourd'hui, en sports d'élite (comme ailleurs) pour gagner, il faut aussi des moyens et des conditions favorables, de l'entraînement soutenu, des compétitions de haut niveau, des «chefs», une stratégie, des tactiques, de la volonté, du moral, de la confiance, un soutien fort et fidèle du public et, aussi,? des «uniformes» adaptés.

Femmes sportives d'élite : Déesses ou princesses des stades ? Hier, peut-être, avec Hassiba, Guidouche, Nouria, Baya, Soraya, Sakina et bien d'autres, véritables stars des stades mondiaux? Des repères perdus, oubliés (ces derniers temps, on s'est à peine souvenu du héros de la guerre de libération nationale qu'était Mustapha Zitouni, mort et enterré loin du pays, presque abandonné à son sort? Heureusement que la Fifa et Monaco ont rappelé ses exploits à notre place. La honte !) ou laminés ! Par le système ? Par notre culture de l'ingratitude désormais généralisée ? Peut-être. Mais par l'ignorance, certainement.