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Le Pouvoir (ou la
sphère politique) chez les sociétés primitives, c'est-à-dire des sociétés dites
sans Etats, n'était pas un organe séparé de la société. L'Occident, qui admet
que l'homme est par essence "un animal politique", discernait dans la
division sociale entre dominants et dominés, les disparités sociales entre ceux
qui par leur savoir commandent et ceux qui ne savent pas et donc obéissent,
l'essence même de la politique et donc de l'exercice du pouvoir, par quelqu'un
ou quelques-uns sur la société légitimement ou pas.
Du moment où le politique c'est l'exercice du pouvoir, pour le bien de la société ou pour son mal, la société n'est donc concevable sans les divisions ente ceux qui commandent et ceux qui obéissent, l'absence de l'exercice du pouvoir nous mène vers les non-sociétés ou l'infra-société. Chez les peuples primitifs, non civilisés, au début, la religion animiste était le premier mauvais pas, une approche maladroite vers une forme primaire d'organisation de la société, une hiérarchie pyramidale sacerdotale fut ainsi créée et qui représentait en fait les balbutiements de ce qu'on désigne aujourd'hui par l'exercice du pouvoir sur une collectivité humaine, terme qui s'est développé actuellement sous l'appellation de société. Le pouvoir au sein des peuples primitifs était individuel, exercé et imposé par le plus fort du clan, le grand chasseur était le plus puissant d'entre eux, car c'est lui qui subvenait aux besoins de tous, il était rationnel, car il a développé des techniques de chasse réfléchies. Ensuite apparaît la figure du sorcier, du chamane, du grand guérisseur. L'irrationnel entre alors en scène, puis une sorte de hiérarchie sous forme de clergé fut construite autour d'un système de rites et de dogmes inhérents à leurs croyances, devenus par la suite plus sérieux, plus rigoureux et donc plus complexes avec l'apparition des religions normatives, dites "célestes". Ces peuples réputés émotionnels et non rationnels ne pouvaient s'en passer de la croyance et de religion, en dehors de laquelle aucune moralité ne pouvait être imaginée. La religiosité, c'est-à-dire l'exhibitionnisme religieux qu'ils manifestaient, avait une grande importance chez ces sociétés primitives. En effet et en l'absence de système législatif établi, de codes moraux que la société organisée se pose et s'impose à tous, le système de codes religieux qui est statique, rigide et ne prend pas en compte la dynamique de l'histoire et l'évolution des sociétés humaines dans toutes ses dimensions et facettes s'impose de fait, comme un système palliatif aux normes et lois établis et pousse les individus à adopter un comportement, un mode vestimentaire ou façon d'être ostentatoire et visible à tous, pour montrer son respect aux seules lois qui gèrent la collectivité primitive. Cependant, plus l'être humain avance dans le savoir et la connaissance rationnelle, donc vers des modèles de sociétés mieux organisées et donc mieux structurées, le peuple se sent moins contraint d'exhiber une quelconque forme de religiosité mais uniquement de se comporter comme un citoyen respectueux des lois établies, dans des sociétés modernes, devant la loi établie, on cesse d'être considérés comme des fidèles, des adeptes mais uniquement comme citoyen ! Dans les sociétés modernes, la chose religieuse cesse de jouer un rôle primordial au point de la laisser rythmer la quotidienneté des hommes dans ses détails, néanmoins, la vérité religieuse, qui reste du domaine de la foi, des cœurs et des libertés de conscience de chacun que les lois établies garantissent, contrairement aux codes religieux des sociétés primitives qui luttaient contre toute diversité confessionnelle, perçue comme concurrente et rivale. A travers le religieux, l'homme primitif réussit souvent à exercer son pouvoir sur ses semblables, la religion primitive était un système de connaissances occultes qui n'a pas encore atteint le rang d'institution, à l'instar des religions dites normatives, mais il demeurait tout de même inaccessible à l'ensemble de la tribu ou du clan donc, la détention de ces informations par quelqu'un ou quelques-uns était cruciale dans le processus de l'exercice du pouvoir social et donc politique sur l'ensemble du groupe. Par la suite, la religion fut concurrencée par le Pouvoir lui-même, trop prisé par des hommes beaucoup plus ambitieux et intéressés par son exercice, pour le laisser entre les mains de chamanes, divins, voyants et sorciers. L'individualisation du pouvoir prit alors le dessus, allant à asservir le religieux et la chose religieuse elle-même pour asseoir son autorité. La figure de l'héros mythique, les légendaires guerriers des anciens temps qui, par œuvre de magie et un peu de religieux, se transformèrent en des élus des Dieux, proclamés comme "lieutenants des Dieux sur terre", donc nés et choisis pour régner sur leurs peuples. L'image du Roi, qui fut ainsi et à jamais liée à celle de Dieu ou des grands esprits des religions animistes, est donc restée indissociable (du moins aux yeux de leurs peuples). C'est la première instrumentalisation du religieux pour l'exercice du pouvoir individuel. Une autre tyrannie naquit qui, additionnée à celle du pouvoir religieux lui-même, était encore plus redoutable. Bien que pour les anciens philosophes Aristote, Platon et Héraclite, la société n'est pensable que sous l'égide des rois et donc des divisons entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, tout autre modèle relève donc de l'infra-société ou de la non-société tout court. Adepte de la règle du tout ou rien, à travers la politique, la religion tente tant bien que mal à récupérer du terrain perdu et donc du Pouvoir, que l'individualisation de celui-ci lui fit perdre par malice ou par force, alors que la démocratie moderne attaque le totalitarisme tyrannique de front, la laïcité, quant à elle, devenue une exigence de l'histoire, tente de faire sortir définitivement le religieux de la sphère du Pouvoir, et comme la nature a horreur du vide, le pouvoir serait-il encore sujet à des convoitises ou serait-il, encore une fois, usurpé par d'autres formes aussi malicieuses que subtiles, pour être identifiés et combattus à temps ? La religion continuera d'exister car l'homme, qu'on le veuille ou non, est par essence un être religieux et politique à la fois, l'anthropologie et la sociologie nous le confirment ! La question est comment pouvons-nous cohabiter entre ce qui est séculier et ce qui est religieux? Cette cohabitation ne serait pensable pour le moment qu'en dehors de l'exercice du pouvoir lui-même, c'est-à-dire du politique. |
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