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Femme
intellectuelle à l'itinéraire remarquable, d'une grande valeur spirituelle,
dont le travail rigoureux visait toujours à la perfection, elle rendit un
service immense à l'islam et aux musulmans; et contribua à une meilleure
connaissance en Occident des valeurs spirituelles fondamentales de l'islam.
Elle a fait connaître à l'occident le vrai visage de l'Islam et l'authenticité
de ses saints Et ses maîtres. La traduction du persan au français de l'œuvre
complète de Rûmi a contribué à faire connaître aux occidentaux et aux musulmans
eux-mêmes la puissance intellectuelle et spirituelle d'un des hommes qui, au
travers des siècles, a préservé et revivifié l'héritage spirituel du Prophète
Mohammad. La relation quasi magique qu'entretenait Eva avec la langue persane
explique le remarquable travail de traduction commentée qui permet au lecteur
non seulement de comprendre, mais de « goûter » les sens profonds et subtils
d'un texte de Roûmi. « Souvent, disait-elle, quand on me prête un nouveau
manuscrit et qu'il y a un mot douteux, je le rétablis. J'ai l'impression que je
l'ai toujours su».
Née le 5 novembre 1909 à Boulogne Billancourt, en région parisienne, Eva Lamacque de Vitray est issue d'un milieu aristocratique. Elle a suivi sa scolarité dans des établissements catholiques et opta pour une licence de droit avant d'entamer un doctorat de philosophie avec pour sujet «La symbolique chez Platon». À l'âge de 22 ans, elle épouse Lazare Meyerovitch, d'origine juive lettone Elle devient administratrice au laboratoire de Frédéric Joliot-Curie, avec qui elle s'échappe de Paris en 1940 lors de l'occupation allemande. Après la libération, elle entre au CNRS (centre national de la recherche scientifique) où elle devient rapidement directrice du service « Sciences humaines » et gagne sa vie grâce à des traductions. Elle fait la connaissance de Louis Massignon, un islamologue français; avec qui elle restera très liée et qui la soutiendra lors de la mort brutale de son mari, au début des années 1950. Elle découvre l'islam à travers le livre du penseur et poète «Mohammed Iqbal «: « Reconstruire la pensée religieuse de l'islam. En 1954, Elle choisit alors de devenir musulmane après trois années d'exégèse chrétienne à La Sorbonne et, après la fameuse nuit du rêve: ou elle se voit enterrée dans une tombe comme jamais elle n'avait vu et sur laquelle son prénom écrit en arabe et en perse s'était transformé en Hawa. Elle en conclut qu'elle mourrait vraiment musulmane, à une période où devenir musulman pour une femme occidentale choquait encore plus que de nos jours. Elle s'expliquait ainsi sur ce choix : « Pour moi la découverte de l'islam a été comme des retrouvailles». Elle dit aussi: Ce serait formidable si vous aviez été une disciple de Roûmî assise à ses pieds... Lorsque j'ai fait mes premiers pas vers l'Islam, après la lecture du livre d'Iqbal, vous pensez bien que cela n'a pas été facile. J'avais été élevée dans la religion catholique par une grand-mère d'origine anglicane. J'avais un mari juif. J'avais le sentiment de faire quelque chose de fou et j'étais parfois d'autant plus désemparée que je n'avais personne pour me guider. Il m'arrivait de demander dans ma prière : «Dites-moi ce que je dois faire ! Envoyez-moi un signe»... Elle s'intéresse de très près à l'oeuvre du poète persan Djalal Eddine Rumi (1207-1273) fondateur de la confrérie des derviches tourneurs, (appelé aussi Mewlana), qui va la sensibiliser sur la dimension mystique de l?Islam, le soufisme. Par la suite, elle se lance dans l'apprentissage du persan et publie peu après ses premières traductions de Mohammed Iqbal (allama, poète et philosophe Pakistanais) et de Roumi. En 1968, elle soutient sa thèse de doctorat à l'Université de Paris avec comme sujet : Thèmes mystiques dans l'oeuvre de Jalâl ud Dîn Roûmî. De 1969 à 1973, elle est détachée au Caire en tant qu'enseignante à la prestigieuse université « al Azhar ». En 1971, elle effectue le pèlerinage à La Mecque et visite également Médine. Depuis 1972 et jusqu'à sa mort, elle publie régulièrement des traductions commentées de Rûmi ainsi que des ouvrages en tant qu'auteur sur l'Islam, le Soufisme et les derviches Tourneurs. En 1990, elle publie la traduction de Mathnawi de Rûmi, une oeuvre colossale de 50 000 vers et 1 700 pages qui est traduite pour la première fois en français. Eva qui a connu tous les honneurs, qui a rencontré durant sa vie de nombreuses personnalités marquantes, qui s'est intéressée à l'homme et aux faits de l'actualité, vécut un choc énorme lors d'un voyage en 1985 au Maroc alors qu'elle a déjà un âge avancé. Reçue en privé par un maître du soufisme Fawzi Skali, (anthropologue et ethnologue marocain francophone) C'est par l'intermédiaire de ce dernier qu'elle rencontre, un guide spirituel soufi vivant,» Sidi Hamza El Kadiri El Boutchichie «dont elle suivra l'enseignement jusqu'à sa mort. Cette intellectuelle, écrivain et traductrice, laisse derrière elle une oeuvre majeure : la traduction de 25 oeuvres de Rumi (soit quasi toutes), une quinzaine d'ouvrages personnels, témoignages et mémoires de l'amour porté à l'Islam. Par ses écrits et les conférences données, elle présente au monde un autre visage de l'Islam, reliant l'Orient à l'Occident en brisant de nombreux préjugés, ouvrant les horizons sur la spiritualité musulmane authentique. A travers ses mémoires, son nom restera à jamais associé à son maître spirituel, Rumi, personnage indissociable de sa vie. Lors d'une de ses dernières conférences, donnée le 26 mai 1998 dans la ville de Konya, en Anatolie Centrale, où repose Djallal Eddine Roumi, elle dit à l'auditoire : «Enterrez-moi à Konya pour rester jusqu'à la fin des temps à l'ombre de la spiritualité de Mewlana «. Elle décède à l'âge de 90 ans le 24 juillet 1999 et sa famille l'enterre dans la plus stricte intimité dans le cimetière de Thiais, près de Paris. Ce jour-là, elle est entourée de 5 proches... A l'époque, sa mort fut à peine évoquée par la presse et les médias français. Konya était pour Eva le deuxième lieu saint de l'Islam et elle gardait une grande nostalgie de son mausolée visité à plusieurs reprises. Situé à une cinquantaine de mètres du musée Mewlana. Eva a rejoint sa sépulture et la pierre tombale qui avait apparu dans son rêve! Une assistance nombreuse a participé à la cérémonie le 17 décembre 2008, bien plus nombreuse qu'elle ne l'était lors de son enterrement en France 9 ans auparavant. Quelques centaines de personnes, de toutes nationalités, formèrent un cortège ému et recueilli pour donner un dernier hommage à celle qui avait su construire un pont inestimable entre Orient et Occident. Elle enregistre plusieurs émissions pour France Culture et pour la télévisionEva de Vitray-Meyerovitch avait consacré toute sa vie de traductrice, d'érudite et de chercheuse à Roûmi et à son œuvre, mais, jusqu'à ses derniers jours, elle avait gardé intact son potentiel de disciple, c'est à dire cette pauvreté intérieure sans laquelle il n'y a pas de transformation véritable de l'être Parmi les innombrables poèmes qu'Eva a traduit, elle aimait répéter un de ceux que Roûmi composa vers la fin de sa vie et qui résonne aujourd'hui avec un éclat si particulier : «Notre mort, c'est nos noces avec l'éternité. Quel est son secret ? Dieu est un. Le soleil se divise en passant par les ouvertures de la maison; Quand ces ouvertures sont fermées, la multiplicité disparaît. Cette multiplicité existe dans les grappes : Elle ne se trouve plus dans le suc qui sort du raisin. Pour celui qui est vivant dans la lumière de Dieu, La mort de cette âme charnelle est un bienfait. EVA «La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve» (citation d'Eva) «Le Mathnawî est tout à la fois : «un livre de poésie, un commentaire général de la théologie islamique, une doctrine métaphysique, un exposé de la pensée et de la vision mystique, une étude approfondie de la psychologie et un document inégalé sur la psychologie sociale de son époque, l'enseignement d'un maître spirituel et une méthode pédagogique extrêmement subtile ».( le dernier voyage d'Eva à Konya Par R.Hamimaz et j.L girotto). Je vous laisse goûter quelques vers de Roumi, intitulés: l'oiseau du jardin céleste Je suis un oiseau du jardin céleste,Je ne suis pas d'ici, de ce monde terrestre On m'a fait une cage de ce corps mortel Pour que dans la cage quelques jours je reste. «L'Oiseau du jardin céleste »Djallal Eddine Roumi |
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