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Et si Bernard Kouchner retournait son miroir

par Med Bensenane *

La dernière sortie médiatique de Bernard Kouchner interpelle ma conscience, pour considérer que son jugement est gravissime sauf s'il occulte que ce qu'il a dans sa pensée, il l'a également dans son cœur, et c'est ce que l'on appelle tout simplement, de la rancune et de la haine contre l'Algérien, contre l'Algérie et contre les héros de Novembre 54.

Il est vrai que lorsqu'on est ministre on fait de la politique. Il faut faire de la bonne politique et ne jamais être un pantin de la politique, car les fonctions disparaissent et il ne restera plus que la valeur intrinsèque de l'individu.

 Entre la France et l'Algérie, l'histoire retiendra que mon pays a été colonisé en 1830, et si Kouchner révise son histoire, il saura que le colonialisme a procédé comme procède aujourd'hui le sionisme en Palestine, pour s'accaparer des richesses et des terres des autochtones.

 Tout le monde sait que, lorsqu'on chasse le naturel il revient au galop, donc en Algérie comme dans beaucoup de pays, le naturel n'était que l'indépendance et c'est ce qui s'est produit, et je vous le rappelle Monsieur Kouchner, un 05 Juillet 1962.

 Etant né vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, je n'avais pas eu la chance d'être parmi les hommes de Novembre 54, mais je m'y identifie car les Algériens portent haut le flambeau de la Révolution et ne se laisseront jamais insulter ou humilier, c'est le grain d'honneur qui coule dans nos veines.

 Pour ma part, l'école française, que nous étions obligés de fréquenter, m'a appris la superbe langue de Molière, cette langue que mon président de la République, ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, a véhiculée avec brio à la Sorbonne, lors de son voyage en France face à l'Assemblée nationale.

 Je me souviens des applaudissements nourris qu'il a reçus par une assemblée, sûrement formée de politiciens chevronnés et sages, debout pour l'ovationner. C'est cette langue qui a enfanté Rabelais, Ronsard, Boileau, le moraliste La Fontaine, Lamartine, Victor Hugo, Rimbaud, Verlaine, Jean Paul Sartre, puis Simone de Beauvoir avec son livre, le soleil d'Allah brille sur l'Occident?

 J'ai également appris des récitations puis la géographie de la France. Alors que rien ne filtrait sur la géographie de mon pays, je connaissais les régions de France telles le Poitou, l'Anjou, le Bassin parisien, l'Aquitaine, les Flanres, la Normandie et le Sillon rhodanien?

 Je connaissais également les fleuves : la Loire, la Seine, la Garonne, le Rhône et nous avons aussi appris votre histoire. Le matraquage éducatif colonial voulait que l'on apprenne par cœur que «les Arabes ont été battus à Poitiers par Charles Martel en 732». Dans cet apprentissage, il y avait quand même quelque chose de positif dans la mesure où l'on n'a pas nié que les Arabes sont arrivés jusqu'à Poitiers il y a de cela près de 13 siècles, au moment où il n'y avait que très peu de moyens de transport. Nous connaissions les Gaulois, Vercingétorix, Jeanne d'Arc et j'en passe. Bien sûr, comme pour la géographie rien ne transpirait de notre histoire, pourtant quelques années après la colonisation de 1830, la France, ou plutôt le pays colonisateur, a eu à subir des guerres et des soulèvements populaires aussi bien à l'est, au centre, à l'ouest qu'au sud du pays.

 l'Emir Abdelkader, un vaillant guerrier, homme de culture et de sagesse, a eu à combattre contre 142 généraux, dans 116 batailles, contre 16 ministres de la Guerre et contre 05 princes, alors qu'il avait à peine que 30 années. Au fait, est-ce que vous savez qu'un accord a été signé par le général Lamoricière en présence du Duc d'Aumale et de Montauban pour que l'Emir, suivant son désir, quitte le port de Ghazaouet (ex-Nemours) sur le bateau «LE SOLON» pour se rendre à Alexandrie ? Entre Ghazaouet et Oran, les données ont changé unilatéralement, puisque l'Emir dut prendre une autre embarcation et le nouveau bateau «ASMODEE», au lieu de rejoindre Alexandrie, fut détourné pour accoster à Toulon, donc il y a plus d'un siècle et demi, la France a inscrit à son palmarès, un premier détournement de bateau, aujourd'hui on appelle ça piratage. Pour l'anecdote, le Général Giap avait dit, après la bataille de Dien Bien Phu, que la France est un mauvais élève.

 Faut-il croire le Général Giap lorsqu'on voit que la France a été à l'origine d'un second détournement en 1956, cette fois, c'est un détournement d'avion qui transportait les cinq (05) chefs de la Révolution (ELAHRAR EL KHEMSA). A ce moment, tout le monde de l'autre côté de notre rive croyait que la révolution était achevée. Hélas pour eux, puisque notre révolution a continué sans interruption jusqu'à la victoire finale. Cheikh Aziz El-Haddad a durant l'insurrection d'avril à juillet 1871 concentré son action politique et militaire en trois points de la Kabylie : la vallée de la Soummam, les Babors et le Djurdjura.

 Dans cette dernière région, son action fut plus politique que militaire.

 Dans la vallée de la Soummam et dès le mois d'avril, Aziz El-Haddad entama conjointement l'organisation d'opérations militaires et de bloquer l'arrivée des troupes françaises dans la région tout en propageant l'insurrection.

 La vallée de la Soummam, qui assure la jonction entre Alger et Béjaïa mais aussi entre Alger et l'est du pays, était fermée devant l'armée française en avril 1871. A la fin du mois d'avril, Aziz gagna les Babors et y organisa le soulèvement jusqu'à mi-juin. Les conséquences de ce soulèvement furent son empoisonnement par les autorités françaises qui craignaient un nouveau soulèvement.

 Lalla fatma N'soumer, que l'historien Louis Massignon appela la Jeanne d'Arc du Djurdjura, est née en 1830. A peine 17 ans d'âge donc en 1847 elle accepta de se joindre aux résistants de la région telle Si Mohamed El-Hachmi et Bou Baghla. A la mort de ce dernier, en 1854, il y a eu une importante résistance contre les troupes du Maréchal Randon, estimées à 13.000 hommes dirigés par les Généraux Mac Mahon et Maissiat. Le Maréchal Randon dépité par la défaite tente de trouver des appuis en Kabylie pour capturer Lalla Fatma N'soumer, c'est ce qui fit accentuer la réputation de l'héroïsme de Fatma qui est transmise par des chants et des louanges à travers les montagnes. Plusieurs batailles ont été livrées, dirigées par une femme dont la renommée s'étendait de plus en plus à travers la Kabylie. Les défaites successives ont mené le Général Randon à déclarer le cessez-le-feu.

 Messali Hadj, un autodidacte qui a fait vibrer le cœur des Algériens en 1936 au stade d'Alger, lorsqu'il prit une poignée de terre qu'il embrassa et s'exclama : «cette terre n'est pas à vendre».

 Monsieur Kouchner, ayez le courage de lire Messali Hadj comme l'a fait un commissaire de police français qui a classé le livre de Messali Hadj comme son livre de chevet vers les années 80, sinon vous avez la chance d'avoir à vos côtés Benjamin Stora, historien, qui vous nettoiera les oreilles s'il vous enseignera la valeur, la grandeur et la grande âme de cet illustre homme dont la femme, une vraie française de souche, Emilie Buscan, confectionna le drapeau algérien.

 L'histoire plus récente nous amène à 1954 et là, je vous laisse le soin de compulser les archives françaises si vous en avez le courage, et avec abnégation pour savoir ce qu'a subi l'Algérie et ce qu'ont subi les hommes de Novembre. Je me permets, Monsieur Kouchner, de vous poser une petite question précise : «Est-ce que vous savez ce qu'a fait Mittérand lorsqu'il était ministre de l'Intérieur pendant notre révolution ?».

 Aussi, parmi les grandes actions qui défrayent la chronique et sont après plus de 50 ans toujours d'actualité, ce sont les essais nucléaires de Reggane, avec 4 fois la puissance d'Hiroshima.

 Honnêtement, je n'arrive pas à me positionner face à la basse politique politicienne récente, car à l'école française, pendant mon jeune âge, on nous apprenait des leçons de morales universelles : la loyauté, la bonté, la sagesse, l'honnêteté, le courage, et puis ce qui reste gravé dans la mémoire, c'est cette pièce de 5 francs où était écrit sur une face, République française, et sur l'autre, Liberté-Egalité-Fraternité.

 Beaucoup de Français de souche continuent à s'inscrire dans ce tryptique, malheureusement, d'autres ont occulté la Fraternité et l'Egalité pour se ranger dans la liberté qui risque de porter préjudice lorsqu'on touche à la liberté des autres. C'est peut-être pour ce positionnement que la France, plusieurs fois séculaire, se recherche puisqu'elle pose le problème de l'identité nationale qui, en simple déduction, nous fait croire que la France n'a plus d'identité.

 Voilà donc, Monsieur Bernard Kouchner qui, dans sa liberté à lui, voudrait que les hommes de Novembre 54, disparaissent pour que les relations algéro-françaises se normalisent.

 Cette manière de penser me paraît sectaire, séparatiste car, dans un certain imaginaire, le ministre français souhaite isoler les hommes de Novembre 54 des citoyens algériens.

 Le voilà lui aussi un mauvais élève, comme disait Giap car, en diplomate qu'il est; il aurait dû savoir qu'en novembre 2009 un nouveau Novembre 54 est né soit au Caire soit à Oum Dorman, puisque, aujourd'hui, ce sont 35 millions d'Algériens qui sont devenus les hommes de Novembre dans la lignée des hommes de Novembre 54; cette position est justifiée par les analyses de notre sang qui est un rhésus et de couleur vert-blanc-rouge.

 Alors donc, Monsieur Kouchner, révisez votre stratégie et nous pensons qu'entre l'Algérie et la France, les relations peuvent se stabiliser vu les relations bilatérales et les intérets communs. Il faut avoir seulement l'honnêteté intellectuelle de savoir reconnaître ses erreurs, avancer d'un bon pied, je pense que vous avez fait une projection en prenant le mauvais côté du miroir, celui où aucune figure n'apparaît, aucune lumière ne vous éclaire. Retournez votre miroir, vous verrez plus clair, sinon, retournez sept fois la langue lorsque l'on veut dire les choses importantes.

* Cadre de la nation retraité