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L'ambassadeur d'Argentine, Ernesto Gondra, au « Le Quotidien d'Oran » : «Les opportunités d'investissement en Algérie ne sont pas assez connues chez nous»

par Zahir Mehdaoui



L'ambassadeur de la république d'Argentine s'exprime, pour la première fois, sur un média algérien. Il revient, dans cet entretien, sur les relations entre son pays et l'Algérie. Selon lui, l'Algérie est un exemple pour d'autres pays, en matière de lutte contre le terrorisme, mais aussi pour sa médiation pour trouver des solutions pacifiques aux conflits, dans la région.

Q. O.: Les relations diplomatiques entre l'Algérie et l'Argentine remontent à 1964. Cependant peu d'informations filtrent, en matière de coopération entre les deux pays. Pouvez-vous nous dresser un tableau exhaustif de cette relation ?

Ernesto Gondra : Comme vous venez de le dire on a établi les relations diplomatiques, en 1964, mais l'Argentine était l'un des premiers pays à reconnaître l'indépendance de l'Algérie, en 1962. Depuis cette date notre relation est restée ininterrompue. L'Argentine a maintenu son ambassade, en Algérie, même lors de la ?décennie noire' qu'a vécue votre pays. Il y avait des ambassades qui avaient fermé mais nous, nous sommes restés. Les relations diplomatiques entre nos deux pays sont vraiment excellentes. Je vous avoue, aussi, que j'ai remarqué que les Algériens portent une vraie sympathie envers les Argentins et je vous dis, franchement, que chez nous, c'est pareil. Quand j'étais à la fac, j'ai vu le film « La Bataille d'Alger ». C'est un film que les Argentins ont vu et aimé. Cela a permis, par ailleurs, à nos concitoyens de mieux comprendre ce qui s'est passé ici, en Algérie, lors de la guerre de Libération nationale. L'Algérie a arraché son indépendance, exactement comme l'Argentine. Vous avez fait votre guerre d'indépendance au 20ème siècle et nous, nous l'avons fait au 19ème siècle contre le Pouvoir colonial espagnol. Nous avons, également, contribué à la libération de plusieurs peuples d'Amérique latine, notamment, le Chili et la Confédération Bolivienne-Péruvienne.

Après notre indépendance, il y a lieu de souligner, également, que plusieurs pays, d'Amérique du Sud ont suivi notre démarche et se sont libérés du joug colonial. C'est une chose historique.

Ceci dit, j'aimerai dire, aussi, qu'il existe des similitudes entre nos deux peuples. Nous sommes tous les deux méditerranéens car 90% des Argentins sont d'origines espagnole et italienne. En fait, notre pays est un pays issu de l'immigration comme presque toute l'Amérique.

Entre l'Algérie et l'Argentine, il existe beaucoup de choses en commun, en dépit de la géographie qui nous sépare. En 2014, les deux pays ont célébré les 50 ans des relations diplomatiques interrompues.

L'Algérie est la première destination des exportations argentines, en Afrique, ainsi, l'Argentine apporte à l'Algérie, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, l'assistance dans plusieurs domaines tels que la santé, l'administration, la pisciculture, la communication et l'agriculture. Justement en matière de coopération, il existe une très longue relation commerciale entre nos deux pays. Selon des statistiques algériennes, l'Argentine est le huitième partenaire commercial de l'Algérie. Plus de la moitié du commerce de l'Algérie, avec toute l'Amérique latine, en incluant le Mexique et Cuba, vient de l'Argentine. C'est énorme. Il y a des produits, comme le lait en poudre, le maïs, le soja?etc. Cela vous donne une idée sur la dimension du commerce entre les deux pays.

Il faut souligner, également, que du point de vue politique internationale, l'Algérie et l'Argentine travaillent côte à côte.

En 2008, notre présidente est venue, ici, à Alger et notre ministre des Affaires étrangères était, également, venu l'année dernière, en Algérie. Cette année, nous allons tenir en Argentine, une réunion de la Commission mixte et l'Algérie va dépêcher un ministre pour présider la délégation algérienne. Notre relation est excellente et elle est matérialisée à travers des faits.

Pour ce qui est des questions régionales, je tiens à vous dire que nous avons les mêmes points de vue que l'Algérie, notamment la question libyenne, qui nécessite des solutions pacifiques et politiques, loin de l'intervention militaire. C'est juste un exemple des choses importantes que nous partageons, totalement, avec l'Algérie.

Personnellement je suis très impressionné par la lutte que l'Algérie a livrée contre le terrorisme. On sait que vous étiez isolés mais vous avez pu vaincre le terrorisme et vous avez gagné.

Il n'existe pas beaucoup de pays qui ont pu réaliser un tel exploit. Plusieurs pays ont, finalement, compris, même tardivement, ce qui s'est réellement passé, ici, en Algérie, lors de la ?décennie noire'.

Q. O.: En 2008, un protocole d'accord sur le développement du nucléaire civil est signé entre l'Algérie et l'Argentine. Qu'en est-il justement de cet accord ?

E. G.: Je voudrais d'abord vous dire que durant les années 1980, l'Argentine a déjà construit, ici, en Algérie un réacteur nucléaire expérimental. Après 2008, comme vous venez de le dire, on a signé un accord qui concerne l'utilisation pacifique et civile du nucléaire.

Durant l'année 2012, la Société d'État ?INVAP' a conclu un accord avec le Centre de Recherche nucléaire de Draria (CRND), ce dernier compte plusieurs projets, notamment, la réalisation d'un laboratoire de développement de radio-isotope et radio pharmaceutique. Plusieurs ingénieurs et techniciens sont, par ailleurs, en Argentine pour y être formés. Notre relation, dans ce domaine est continuelle. Mieux, l'Argentine cherche à approfondir la coopération spatiale et des Télécommunications, que cette dernière soit en mode géostationnaire (pour les Télécommunications) ou d'observation de la Terre (radar, haute résolution, multi spectral, etc.).

Durant la réunion, tenue entre le Directeur général de l'Agence spatiale algérienne, M. Oussedik, et moi-même, les thèmes qui pourraient intéresser l'Algérie ont été définis. Il s'agit, notamment, des images radar et hyper-spectrales, étant donné qu'elles seraient utilisées dans le cadre des prospections pétrolières, minières, marines et halieutiques, tout comme il pourrait être envisagé que des fonctionnaires de l'Agence spatiale algérienne pourront faire partie de la délégation.

Q. O.: Les entreprises de votre pays affichent une certaine « frilosité » pour ce qui est d'investir, ici, en Algérie. Si c'est le cas, pourquoi et comment voyez-vous le climat des affaires en Algérie ?

E. G. Ce n'est pas seulement l'Argentine. Vous ne trouverez aucun pays d'Amérique latine qui a des investissements importants, ici, en Algérie. Il y a différentes rasions et chaque pays à ses propres raisons.

Il faut savoir aussi que l'Algérie n'a pas d'investissements chez nous. Ce n'est pas une question de réciprocité. Nous sommes membre de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et vous, aussi, vous êtes en train de négocier votre entrée. Je pense que votre accession à l'OMC nous permettra de travailler ensemble, à travers cette institution. Je sais qu'il existe des pays comme la France ou l'Espagne qui travaillent beaucoup avec l'Algérie et qui on investi, mais il ne faut pas perdre de vue que ces pays sont en face de vous sur le pourtour méditerranéen.

L'aspect géographique peut être une explication logique au manque de présence des entreprises de l'Argentine en Algérie et vice-versa.

Il y a, aussi, autre chose. C'est le fait que les opportunités d'investissement, en Algérie, ne sont pas connues chez nous.

Q. O.: Malgré la visite d'Etat effectuée par la présidente de l'Argentine, en 2008, on a l'impression que les relations économiques entre les deux pays n'ont pas encore décollées. Pourquoi ?

E. G.: Je crois que c'est une fausse impression. Nos relations ont déjà décollé. Il y a un nombre important d'accords signés entre nos deux pays. De nombreux accords sont déjà appliqués, sur le terrain.

Si vous regardez les chiffres du commerce entre l'Algérie et l'Argentine, de 2008 à ce jour, ils ont presque doublé. Les exportations argentines vers l'Algérie ont atteint 1,934 milliard de dollars, durant l'année 2014. L'Algérie continue d'être la principale destination et la porte des exportations argentines vers le continent africain, étant donné que l'Algérie représente, à elle seule, 34% des exportations vers l'Afrique.

Les exportations argentines vers l'Algérie ont été supérieures à celles des pays européens non-membres de l'OCDE, à celles des pays du Maghreb ainsi que les pays africains. Notre coopération est, en outre, immense dans tous les domaines.

Q. O.: Est-ce qu'il existe une communauté algérienne en Argentine ? Si c'est le cas, combien sont-ils, ces Algériens résidant dans votre pays et dans quels secteurs travaillent-ils ?

E. G.: Non ils ne sont pas nombreux. Ce n'est pas comme la communauté syrienne ou libanaise. Il y a une cinquantaine d'Argentins ici en Algérie. Je pense que c'est presque le même chiffre, pour ce qui est des Algériens vivant en Argentine. Je n'ai pas de chiffre précis mais on ne peut pas parler de « communauté » algérienne en Argentine. En fait, nous n'avons pas de grande communauté d'origine d'Afrique du Nord, dans notre pays.

Q. O.: L'ambassade d'Argentine est l'une des rares ambassades, ici en Algérie, qui ne communique pas ou ne communique pas assez. Existe-t-il une raison à cela ?

E. G.: Je vais essayer de vous donner une explication. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas nous exprimer ou communiquer. La réalité c'est que nous ne sommes pas nombreux et nous avons beaucoup de travail. Maintenant nous avons avec nous Cecilia Silberberg (chef de mission adjoint à l'ambassade) et nous avons engagé un plan de communication envers la presse. Auparavant nous étions trois éléments et nous faisions de l'économie, de la politique et de la culture. Vous êtes là, c'est la preuve que nous communiquons avec la presse.

Q. O.: Quand on évoque l'Argentine, les Algériens pensent directement à Messi ou Maradona. Mise à part la politique et l'économie, existe-t-il des échanges culturels et sportifs pour développer, un peu l'aspect purement humain de la relation entre les deux pays ?

E. G.: Il y'a eu un protocole d'accord culturel signé en 2008. Je crois que maintenant il est temps de concrétiser ce qui est écrit sur ce protocole d'accord. Mais d'autre part c'est ce que nous faisons. Il y a eu la visite d'une troupe argentine qui a participé au Festival de danse, ici en Algérie, et une troupe folklorique a participé à l'animation de la Foire internationale d'Alger (FIA). Nous avons, par ailleurs, clôturé la semaine dernière, des séances dédiées au Cinéma argentin, à la cinémathèque d'Alger.

Q. O.: Enfin, dernière question. Comment voyez-vous le rôle joué par l'Algérie sur les plans régional, continental et international, notamment la question de la lutte contre le terrorisme ?

E. G.: L'Algérie est un exemple pour d'autres pays. L'Algérie essaie toujours de trouver des solutions pacifiques, des solutions négociées. L'Algérie ne cherche pas les hostilités, elle a toujours cherché la paix. Il existe des preuves concrètes sur ce que j'avance. Ce que fait l'Algérie avec la Tunisie et la Libye, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Je voudrais aussi souligner l'excellente relation avec la Tunisie. Quand vous aidez vos voisins à lutter contre le terrorisme, en l'aidant sur plusieurs plans (formation, renseignements? etc), cela dénote de l'engagement de votre pays en faveur de la paix et de la sécurisation de la région. Il y a aussi le conflit malien. C'est grâce à la médiation du ministre des Affaires étrangères algérien et l'engagement de l'Algérie, qu'un accord de paix a été paraphé entre les différentes factions armées et le gouvernement malien. C'est vraiment un exemple à suivre pour trouver des solutions pacifiques à d'autres problèmes, en Afrique, notamment la Libye. Vous avez démontré, au monde, qu'on peut régler les conflits par les voies pacifiques et politiques.

Concernant, justement, tous ces problèmes dans la région, l'Argentine appuie les efforts des Nations unies, de son Secrétaire général et de M. Ross, pour ce qui est du conflit au Sahara Occidental. Pour ce qui est de ce dernier point (Sahara Occidental), nous sommes pour une solution juste et durable sous l'égide des Nations unies.