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Réduire l'impact de l'allocation touristique en renforçant l'attractivité du tourisme interne
par Brahim Lakhlef* La
revalorisation de l'allocation touristique décidée par le gouvernement avait
pour but principal de permettre aux citoyens algériens en visite dans un pays
étranger de passer un séjour sans difficultés financières et de préserver,
ainsi, leur dignité.
Malheureusement, nous constatons que, depuis l'été dernier, des files d'attente interminables de citoyens se formaient à nos frontières pour acquérir l'allocation touristique d'un montant de 750 euros. C'est un constat qui n'obéit à aucun comportement raisonnable et responsable. Selon des informations fiables, plus de 5000 bus ont traversé les frontières durant les mois de novembre et décembre. Est-ce que tous ces demandeurs de l'allocation touristique sont de véritables touristes ? La réalité nous confirme le contraire. Beaucoup de sorties sont des voyages fictifs dont le but principal est de s'emparer du montant de l'allocation et non pas de faire du tourisme. Le produit de cette allocation a été détourné de son objectif initial par des milliers de personnes, plus de 100 000 cas ont été recensés ces derniers mois, aboutissant à une fraude massive aux conséquences graves sur l'économie nationale. Le nombre de véritables touristes qui souhaitent voyager pour apprendre, découvrir et s'épanouir est infime par rapport au nombre de faux touristes. Cette situation insolite et coûteuse pousse chaque citoyen à s'interroger sur l'impact de ce comportement sur les équilibres des finances du pays. Le montant annuel de sortie de devises induit par l'attribution de l'allocation touristique pourrait dépasser deux milliards d'euros. C'est une somme colossale qui permettrait de construire des logements, des écoles, des hôpitaux, ainsi que de rénover et de moderniser les infrastructures routières. Les récentes implications de quelques agences de voyage et les arrestations de personnes ayant bénéficié de l'allocation et qui souhaitaient retourner au pays de manière irrégulière, sans respecter les délais requis, confirment ce constat et imposent des mesures pour corriger ces abus. Deux solutions sont possibles et à la portée de l'Algérie, l'une technique et l'autre stratégique. La solution technique consiste à revoir à la fois le montant de l'allocation touristique et la durée d'éligibilité à son bénéfice. A court terme, il serait préférable de réduire le montant de l'allocation ou d'élargir la période d'attribution à trois ans, afin de rendre le montant global annuel de l'allocation touristique raisonnable et supportable par les finances du pays. Ces mesures pourraient permettre de réduire le montant global annuel des allocations touristiques de 40 à 50 %. Les équilibres financiers de l'économie nationale doivent être la priorité, avant toute autre considération. La deuxième solution qui vient compléter les mesures techniques est un choix stratégique qui a pour but de développer le tourisme interne en améliorant d'une manière efficace et continue sa compétitivité par des mesures adéquates pour le placer parmi les options touristiques les plus attractives. Le développement du tourisme interne ou domestique est défini par l'Organisation Mondiale Tourisme (OMT) comme suit : " Le tourisme est pratiqué par les habitants d'un pays à l'intérieur de celui-ci". Ce type de tourisme est considéré comme " un moteur " de développement économique d'un pays et plus particulièrement au niveau local avec ses retombées économiques variées : investissements, emplois, développement des activités de service, l'amélioration des infrastructures, favorisant un dynamisme économique favorisant le développement du pays. D'une manière générale, l'importance du tourisme dans une économie n'est plus à démontrer. Le tourisme mondial représente environ 7 % des exportations totales et 30% du total des services, contribue à hauteur de 10,3 % au produit intérieur brut (PIB) mondial, considéré comme un pilier essentiel de la croissance dans plusieurs pays émergents.Il joue un rôle essentiel dans le développement économique et culturel. Les données statistiques concernant les pays les plus attractifs dans le tourisme nous permettront d'apprécier les conséquences positives de ce secteur sur l'économie d'un pays. - L'Espagne : plus de 95 millions de touristes, 16 % du PIB (126 milliards d'Euros)et 13% de l'emploi total, soit plus de 3 millions d'employés. - La Turquie : 4.5 % du PIB (40 milliards d'euros), 61 millions de visiteurs et 775 euros de dépenses par visiteur. - Grèce : 18 % du PIB et 20% des emplois du pays. - L'Algérie : 1,4 % du PIB avec un apport en devises de 330 millions. - Égypte : 30 millions de visiteurs, 12 % du PIB, 9,5 % du total emploi de 2,5 millions de salariés. Recette : 15 milliards de dollars. Ces données démontrent l'ampleur des efforts que le pays doit fournir pour faire de ce secteur une source essentielle d'entrée de devises et un moteur de la croissance et du développement. Aujourd'hui, le tourisme est considéré comme l'un des principaux secteurs économiques mondiaux, se classant au troisième rang en termes d'exportations, après les combustibles et les produits chimiques, et représentant 7 % du commerce mondial en 2019 (OMT, 2019). L'Algérie possède des potentialités touristiques énormes, malheureusement non valorisées actuellement. Le secteur touristique pourrait devenir le pilier de l'économie nationale si la stratégie de développement retient le renforcement de la compétitivité et de l'attractivité de cette activité comme priorité essentielle. Il existe en Algérie plusieurs types de tourisme, notamment le tourisme balnéaire, montagnard, saharien, urbain, historique, culturel, médical avec les stations thermales... L'Algérie offre des possibilités touristiques toute l'année, c'est un atout très appréciable. Quatre types de tourisme possèdent une capacité d'attractivité importante, mais peu utilisée : le tourisme saharien, thermal, historique et culturel. - Le Sahara dispose de plusieurs sites classés mondialement : le Tassili, le Hoggar, le M'Zab et l'Atlas saharien... - Le tourisme thermal avec un nombre de sources thermales important (plus de 200), dont une trentaine reconnues et aménagées en stations thermales. - Les sites historiques et culturels : des centaines de sites historiques dont sept inscrits au le patrimoine mondial (Tipaza, Timgad, Djemila, la vallée du M'Zab, Tassili, Kalaat Beni-Hamad et la Casbah d'Alger). Au vu de ces potentialités, il est impératif pour le pays d'accorder une importance capitale au développement de l'activité touristique afin de la hisser au niveau des principaux moteurs de la croissance économique, de la création de l'emploi et du dynamisme de l'activité économique dans son ensemble. Ces objectifs ne peuvent se concrétiser que si cette activité est compétitive et attractive. Voyons comment améliorer l'attractivité du tourisme local ? Comment améliorer la compétitivité de ce type de tourisme ? L'attractivité est définie comme " la capacité d'un territoire à créer des conditions convaincantes pour les acteurs, les incitant à choisir ce territoire pour leurs projets plutôt que d'autres options "(Hatem, 2004). En plus de ces potentialités intrinsèques, l'activité touristique est valorisée grâce à la qualité de ses infrastructures et de ses services (transports, hébergements, santé, commerces...), sa stratégie marketing de promotion pour comprendre les motivations et les comportements des touristes, définir une relation prix-qualité percutante, favoriser la créativité pour attirer les touristes, collaboration avec d'autres acteurs influents du monde touristique, tenir compte de l'importance des réseaux sociaux dans la valorisation du tourisme interne. Spécifiquement, en Algérie deux conditions fondamentales peuvent déterminer la réussite d'une stratégie de développement de l'activité touristique et améliorer son attractivité: la formation des animateurs des activités touristiques pour renforcer leur professionnalisme et la sensibilisation des citoyens quant à l'importance de cette option pour l'économie du pays ainsi que pour l'amélioration des revenus et du bien-être des Algériens. *Economiste |
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