Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Réinventer l'école, c'est promouvoir la valeur éducative et culturelle de l'enseignement des sciences

par Chaib Aïssa-Khaled*

Il est vrai que le savoir directement utilisable reste le savoir scientifique. Non seulement ce savoir est utile aux pratiques de la vie parce qu'il développe l'intelligence spéculative, il affûte la raison en conduisant à la moralité, il initie la personnalité à s'autodéterminer à travers la rigueur en tendant à l'efficacité, à la minutie et à la précision dans toutes les missions auxquelles elle prendra part.

La valeur éducative de l'enseignement des sciences est universelle parce que le déterminisme est leur propre. Les vérités qu'elles énoncent ne risquent pas de s'accompagner de probabilités, comme elles ne risquent pas d'être affectées d'incertitudes. Cet enseignement, bien réfléchi, bien pensé et bien accompli, permet à l'élève de se forger cette dimension psycho-intellectuelle sur laquelle s'édifieront son jugement méthodique et son raisonnement logique. Dès lors, il apprendra à jouir d'une autonomie responsable et disposera des capacités intellectuelles nécessaires à l'aboutissement de ses pouvoirs d'abstraction et de conception. Dès lors, il réagira avec finesse, ardeur et objectivité au difficile et à l'imprévu. Dès lors, il affermi le sens de la communion entre l'effort individuel et l'effort collectif.

Sur le plan psychopédagogique, l'enseignement des sciences doit cheminer le parcours naturel des progressions de l'esprit. Le but attendu est d'aiguiser ses facultés de jugement et de raisonnement.

Il le mettra donc face à l'inconnu, tout en l'investissant de la logique et du bon sens qui lui permettront d'opérer des réflexions, des abstractions et des conceptions en vu de le maitriser. Il ne doit donc pas être fugace, superficiel, disparate. Il sera sagace, tout en restant dans les limites des capacités d'analyse et de synthèse de l'esprit auquel il s'adressera et tout en tonifiant l'évolution de son équipement intellectuel de prospection et d'exploration.

La substance informative de l'enseignement des sciences étant une accumulation de relations et de fonctions créée par une succession de vérités, elle apprendra à l'élève à savoir faire pour pouvoir composer avec les réalités d'une part et d'autre part, à ne pas faire des vérités établies des exclusivités immuables, des vérités figées du fait qu'elles sont perpétuellement disponibles à des amendements.

ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

Organiser l'enseignement des sciences, c'est éviter d'en faire un enseignement «enseignemental», un enseignement sans support risquant par conséquent d'accabler l'esprit par une masse d'informations inassimilables. Organiser l'enseignement des sciences, c'est permettre à l'esprit de se déployer pour délecter sa victoire sur l'ignorance. C'est donc le mettre au régime de la vérité. Il se sentira dès lors mené, peu à peu, vers la créativité et l'innovation en usant d'essais édifiants et de vérifications scientifiques. Ainsi, il acquerra progressivement les nuances au moyen desquelles il pourra lier le nouveau à l'ancien, associer la cause à l'effet et communier avec l'hypothèse et la conséquence. Il apprendra en somme, à intégrer le savoir conquis dans les actions qu'il entreprendra.

L'élève aspirant donc à devenir un être libre pour que se produise, en lui, son individualité, l'Ecole au moyen de la pédagogie qu'elle «ne jettera pas» mais dont elle usera à bon escient, s'évertuera à faire en sorte que les disciplines enseignées ne grefferont pas en son esprit des automatismes parce qu'ils le comprimeront et empêcheront ses manifestations intellectuelles et mentales de s'accomplir. De ce fait, tout enseignement s'il n'est pas organisé dans son fond et dans sa forme, restera « automatisant» et par implication, banalisé et superficiel. Il est donc évident qu'en s'organisant, l'enseignement des sciences évolue. Est-il évident que les composantes de l'intelligence, (la réflexion, la curiosité, l'imagination, l'analyse, la synthèse, le jugement, le raisonnent), évoluent en parallèle ? Là est l'impact pédagogique attendu.

Il importe alors à la gestion de l'acte pédagogique d'assurer cette symbiose intellectuelle, en appelant à l'attention, en subjuguant l'intérêt et en équilibrant leur rapport par des exercices d'appoint afin de leur éviter de progresser dans la dispersion. Cette loi fonctionnelle de la pédagogie est la base de la pratique des centres d'intérêts. Elle empêchera ainsi cet enseignement de s'effilocher et de se découdre de ses objectifs et de sa finalité au gré des disponibilités intellectuelles de l'esprit, mais de gagner en temps et en efficacité ce qu'il risquerait de perdre en étendue.

PEDAGOGIE DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

La pédagogie de l'enseignement des sciences, confortée dans ses principes par Cette Ecole intelligente, s'insérant dans les limites d'une méthodologie spécifique à la transmission des messages, usera de supports didactiques indispensables à l'énergie de l'intelligence entre autre : l'animation de la volonté, les prolongements de la curiosité, la force de l'imagination, la pertinence des intérêts. Elle permettra ainsi à l'esprit de capter ces messages en y dissociant l'essentiel du secondaire. Elle développera pour ce faire la stratégie suivante :

- Eveil de l'intérêt en mettant l'esprit dans une situation propre à susciter son besoin d'autopsier les messages.

- Ce besoin déclenchera une réaction propre à le satisfaire.

- Les connaissances déjà agencées dan son champ aperceptif, contrôleront cette réaction en la focalisant sur l'objectif visé.

Dès lors, il se sentira en mesure de gérer ses capacités d'analyse, de synthèse, de critique, de discernement. Dès lors, il saura associer la clarté au rationnel. Dès lors, il s'évitera de faire du présent «une destination définitive» mais une contingence qui l'aidera à engager ses intérêts pour conquérir une inconnue supplémentaire. Dès lors, la violence de ses désirs épars fera place à ceux qu'il aura préparés et conditionnés. Dès lors, il se livrera à une activité qui se définira dans la faisabilité de son contenu. Dès lors, justesse, précision et vérité deviendront le quotient du rapport attention / intérêt dont la mobilité sera le moyen dont disposera l'esprit pour pouvoir baliser la prudence dans les restrictions qu'il entreprendra en vue de rentabilité intellectuelle, ou dans la levée des contraintes imposées par toute limitation susceptible de freiner son ambition d'efficacité.

BUT UTILITAIRE DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

S'opposant à ce que l'élève se fige dans des acquis parcellaires donc inévitablement exposés aux injures de la précarisation, l'enseignement scientifique qui lui sera dispensé conformément aux principes de la feuille de route sus développée, l'impliquera dans la conception de ses besoins intellectuels et dans l'organisation des structures intellectuelles, (réflexion, analyse, discernement), nécessaires à leur satisfaction. Pour ce faire, la pédagogie qui lui sera subséquente :

- nantira l'esprit des aptitudes pratiques de recherche et d'investigation ;

- aiguisera son intelligence spéculative en la réhabilitant dans sa mission originelle, (explorer l'abstrait, affermir le raisonnement logique et le jugement méthodique, hiérarchiser son corps de pensées).

Il est universellement admis que l'environnement socioculturel est la plate-forme sub-civilisationnelle sur laquelle fleurit et évolue l'environnement socio-économique, l'Ecole intelligente restructurera et revalorisera l'esprit scientifique, (quelque peu estompé), de cette plate-forme pour la mettre au diapason de l'actualité. A la lumière de cette mission, l'enseignement des sciences, se confortant dans une méthodologie promotionnelle, visera à développer l'homme nature-humaine, (parce que science sans conscience n'est que ruine de l'âme), en lui apprenant à dévier l'introversion et le conformisme conservateur susceptible de générer la rétrogradation de la mentalité et à ne plus aborder les réalités futures en usant d'une simple abstraction sensuelle ou intuitive. Maîtrisant dès lors, ses activités de recherche, d'investigation et de prospection, d'abstraction et de conception, il acquerra la signification du réel et celle du factice, il précisera et élargira sa liberté d'agir, il dissoudra les pesanteurs qui anarchisent ses intérêts et ses besoins.

Elevé par l'Ecole intelligente, au rang de promoteur de vérités exploratrices en quête de vérité absolue, (toute vérité conquise étant relative), et inscrivant à son crédit une stratégie technico-pédagogique appelée à préparer à l'innovation innovante, l'enseignement des sciences se détournera de tout ce qui est anecdotique, accessoire pour s'orienter vers le perceptible, le rationnel, le significatif, le perfectible. Il explicitera ce qu'elles, (les vérités exploratrices), renferment comme complexités ou contradictions. Il légalisera le singulier découvert par l'esprit comme étant le début de son efficacité. Il aidera ce dernier à obéir à son autonomie, à trouver sa voie dans le tumulte de la modernité et du progrès et à définir sa position vis-à-vis de la hardiesse de l'ère technologique.

CONCEPTION ET ELABORATION DES PROGRAMMES SCIENTIFIQUES

La conception des programmes scientifiques et technologiques, selon l'Ecole intelligente, est une opération complexe puisqu'elle ne se suffit pas à cette étape, elle entend être élaborée. En effet, elle devra tenir compte:

- du but assigné à l'enseignement des sciences : en l'occurrence la promotion de la mentalité scientifique;

- de son objectif: en l'occurrence le développement de l'intelligence spéculative;

- de sa finalité: en l'occurrence la formation du citoyen apte à évoluer au rythme de l'international.

La conception des programmes d'enseignement répondra à la hiérarchie des exigences imposées par «le cursus honorum» pour pouvoir accéder à «la cour des grands». L'élaboration de cette conception se fera selon des études objectives, échelonnées méthodiquement comme suit :

- Refléter un caractère pratique en vue d'inciter l'esprit au discernement dans toutes ses activités de recherches ;

- initier l'esprit à une méthodologie équilibrée et rationnelle dans ses observations ;

- apprendre à l'esprit à concevoir des idées novatrices ;

- apprendre à l'esprit à se projeter sur l'avenir, à être constamment en quête de vérités de moins en moins relatives.

L'intérêt que devront revêtir la conception et l'élaboration des programmes scientifiques et technologique, résidera dans l'association de la clarté au rationnel. Ainsi, ils inspireront l'élève à améliorer la qualité de ses initiatives, stimuleront son élan créateur et animeront son désir pour le travail achevé. En d'autres termes, l'intérêt que devra revêtir cette conception est de faire des sciences et des technologies de solides instruments de formation qui ambitionneront à tenter de parfaire la nature humaine au plan de l'intelligence, du sentiment et de l'engagement. La didactique chargée de les accompagner devra lever toute équivoque dans l'orientation de l'esprit vers la grandeur et la noblesse de celui qui sait parce qu'il a su cerner la vérité, (combien relative), dans sa stricte rigueur.

La caractéristique par laquelle se singulariseront les programmes d'enseignement scientifique et technologique, est d'apprendre à l'esprit non seulement à réagir mais surtout à agir. Ils voudront qu'il réfléchisse, qu'il compose avec la vérité en éprouvant satisfaction, qu'il affirme ses décisions et qu'il édifie des jugements non conformistes.

Ces programmes ainsi conçus, se chargeront d'orienter la pensée abstraite tout en vitalisant la pensée logique, ce qui donnera à l'esprit la force de vivre ses observations et d'ordonner l'exécution de ses conclusions, conformément à un plan directeur auquel présideront le raisonnement sélectif et l'engagement réfléchi.

LA VALEUR DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES EST UNIVERSELLE

Apprendre à l'élève à croire en la valeur éducative universelle de l'enseignement des sciences, c'est pour l'Ecole algérienne, désormais intelligente, lui apprendre à croire en l'information objective qui doit l'éclairer sur les mystères de la nature et lui permettre d'en cerner les données, à chaque fois, avec un esprit nouveau, un esprit d'ouverture, d'analyse, de synthèse et de décision. Il saura alors s'éloigner des analyses illusoires vers des constats sûrs parce qu'ils impliquent des conséquences justifiées.

L'universalité de la valeur éducative de l'enseignement des sciences étant, de par le monde, l'axe nodal de toute réforme scolaire créatrice de renaissance, l'Ecole alors soucieuse de former le citoyen qui contribuera efficacement à l'édification d'une nation capable de s'insérer dans les rangs des privilégiés ceux hautement industrialisés et créateurs de technologies, devra entrainer l'esprit à abandonner sa tendance à sublimer sans raison, à fabuler sans conviction, à écouler sa subjectivité au détriment du vrai. Par ailleurs, elle l'incitera à galvaniser son aptitude à discerner, à distinguer, à réussir des décompositions, à établir des relations réelles avec son environnement et à dissocier la conviction scientifique de l'intuition. Elle reste donc, une valeur qui oriente la pensée analytique afin qu'elle s'écarte de toute forme d'extravagance et requière tous les aspects de la lucidité.

Il importe, par conséquent à l'Ecole algérienne de contribuer à l'organisation du monde de l'enseignement scientifique et technologique. Cela suppose qu'elle doive définir et formuler une méthode pédagogique universellement admise, c'est à dire en mesure d'encadrer efficacement les activités de recherche en leur assurant le pouvoir d'aboutir au développement et à la réalisation des objectifs élaborés devant assurer à l'esprit un champ autonome de prise de décision et développer en lui des mécanismes incitatifs destinés à améliorer sa capacité d'intégration au sein du monde scientifique.

L'universalité de la valeur éducative de l'enseignement des sciences étant l'impact prioritaire escompté par toute reforme éducative, l'Ecole intelligente en fera l'ultime instrument qui lui permettra de créer un environnement national, débarrassé du particularisme du sous-développement générateur des spasmes de la régression et de la frustration de l'inaccessible. Il reste entendu que cette universalité ne soit pas uniquement dominée par les buts qu'elle se propose d'atteindre. Elle s'impliquera dans une écoute attentive à tout ce qui pourrait être à l'origine de l'affaiblissement socio-économique national.

Faisant de l'enseignement des sciences et des technologies, le mobile du développement de l'esprit et de la personnalité, l'Ecole intelligente formera le citoyen en mesure :

- d'offrir des prestations de qualité, hardies, audacieuses parce que résolues ;

- de concevoir une nation capable de jouer dans «la cour des grands».

*Directeur départemental de l'éducation, Ancien Professeur INRE, Auteur  - Dernier ouvrage paru aux Editions El Maârifa : «Comment mettre en état un Etat qui était dans tous ses états»