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Algérie-France : l'histoire continue !

par Abdellatif Bousenane

Le match Algérie?France n'a pas eu lieu mais la participation magnifique de notre sélection nationale a suscité beaucoup de réactions et a fait couler beaucoup d'encre dans l'Hexagone. Le débat a largement dépassé le cadre sportif et la politique s'en est mêlée, d'une manière passionnelle !

L'exploit historique des Verts, dans cette Coupe du monde,n'était pas au goût de tout le monde. Ce qui est tout à fait logique. Néanmoins, ce mécontentement ne doit pas justifier la xénophobie et la haine anti-algérienne qui se sont exprimées chez certaines personnalités politiques et médiatiques.

Il n'est pas étonnant que l'extrême droit saute sur l'occasion pour dire tout le mal qu'elle pense des immigrés et leurs enfants, surtout des Algériens. Par conséquent, Marine Le Pen crée des leurres politiques pour continuer à monter dans les sondages et pour consolider davantage ses derniers résultats des Européennes. Elle exploite, ainsi, d'une manière très habile, le fonds de commerce de son entreprise familiale. « L'immigration massive » et « l'échec de l'assimilation » sont les deux chevaux de bataille des nationalistes ou /et xénophobes. Ils stipulent effectivement que la joie et la ferveur des Algériens de France pour les victoires de la sélection algérienne sont synonymes de l'échec des politiques de l'immigration, menées en France, depuis maintenant plus de 40 ans. A partir de là, ils demandent, explicitement, de revoir la politique du droit du sol, c'est-à-dire de revenir sur l'octroi automatique de la double nationalité. La patronne du Front national affirme, sans aucun état d'âme : « Il faut choisir : on est Algérien ou on est Français (?) Il faut modifier le code de la double nationalité (?) il faut supprimer la double nationalité, il faut arrêter l'immigration »

Dans cette perspective, il faut noter que la double nationalité, d'une manière générale, se détermine par l'ambivalence des rapports aux deux sociétés : d'une part la société d'origine, à laquelle on reste rattaché, d'autre part, la société d'accueil dans laquelle on a choisi de vivre. Ce qui rend cette double appartenance, habituellement, marquée par certaines formes d'ambiguïté, voire de suspicion.

Cependant, l'héritière du Front avance,bien évidement, des arguments de la « violence » des jeunes pour parler des quelques débordements qui ont suivi les victoires des Verts. Certes, il y a eu quelques dépassements très regrettables de la part de quelques jeunes inconscients mais ça reste très limité et insignifiant par rapport aux nombres d'Algériens de France. Car sur les 4 à 5 millions d'Algériens, vivant en France, on a enregistré quelques dizaines d'actes de dégradations. Ceci justifierait-il la suppression de la double nationalité ? Et puis, partout dans le monde, on enregistre des dépassements et des actes, pas très sportifs, après les matchs de foot. En Angleterre, tout le monde connaît les « hooligans », en Amérique latine les médias nous révèlent, à chaque fois, des incidents de même nature. Donc, arrêtons de stigmatiser et ne pas tomber dans le piège des extrémistes, car le jeu de l'extrême droite française est connu depuis la guerre d'Algérie. Je tiens à souligner, en revanche, que je ne suis pas en train de justifier la violence de certains qui restent, infiniment, minoritaires, mais j'essaye, juste, d'expliquer.

Il faut, tout de même, souligner la grande contradiction dans laquelle tombent les partisans du Front national qui sont, toujours, nostalgiques à l'Empire colonial français et en même temps refusent toute forme de cosmopolitisme ou de métissage ! Supposons que la France est toujours présente dans ses anciennes colonies. Marine Le Pen, dans ce cas-là, serait obligée d'accepter qu'il y ait des Arabes français, des Noirs français ?etc. Donc, c'est à madame Le Pen de choisir : soit elle dénonce le passé colonial français, d'une manière ferme et demande des excuses aux populations des anciennes colonies, soit elle accepte que des indigènes soient aussi Français qu'elle.

Même une partie de la droite dite républicaine n'a pas caché son intention de renter en guerre contre les Algériens. Le maire UMP de Nice, Christian Estrosi, qui est une figure de la droite dure, n'a pas laissé le terrain libre au Front national, il interdit ainsi : « l'utilisation ostentatoire des drapeaux étrangers, dans le centre de la ville de Nice, de 18h à 4h, du matin et ce, jusqu'à la fin de la Coupe du monde, dimanche 13 juillet prochain ». Personne n'est dupe, tout le monde sait, pertinemment, et sans aucun doute, que la circulaire vise, essentiellement, les Algériens de France.

Ceci étant dit, malgré cette ambiance peu brillante, la France ne se résume pas et fort heureusement, aux extrémistes et xénophobes parce que la scène politique et médiatique française est pleine de gens raisonnables et responsables. Comme pour les supporters, il ne faut pas non plus mettre tous les politiques français, dans le même filet quoiqu'on ne puisse mettre sur le même registre, un petit jeune chômeur, un peu excité qui est conditionné par sa situation sociale, très défavorable et qui veut exprimer sa révolte et sa frustration et un politique qui a tous les privilèges. Bref, parmi les personnalités politiques françaises, il n'y a pas que des « fachos », il y a aussi des humanistes qui sont très affectés par cette vague de racisme et détestation de l'autre. A titre d'exemple, la ministre de la Culture française, Aurélie Filippetti, déclare : « On a tous un peu d'Algérie en nous, (?) La France a une histoire particulière avec l'Algérie et on est tous concernés. On vibre tous, un peu, quand on a un match d'un pays qui est aussi fortement lié à l'histoire de notre pays? ».

Je pense qu'il y a beaucoup à construire entre les deux pays pour travailler ensemble en bonne intelligence. En tout cas, on n'a pas beaucoup le choix !

Contrairement aux stéréotypes, une grande majorité d'Algériens de France supportent les deux équipes de France et d'Algérie. Malgré la défaite amère, frustrante mais héroïque des « guerriers du désert » contre l'Allemagne, l'avenir semble prometteur.